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Lundi 3 septembre 1923

2 septembre 1923 | 4 septembre 1923
PRESSE  : L'Ouest-Éclair

L'Ouest-Éclair, 3 septembre 1923, page 2.

SEZNEC A-T-IL INCINÉRÉ LE CORPS DE SA VICTIME  ?

 MORLAIX, 2 septembre. — (De no[t]re envoyé spécial.) — Etant donné l'importance des déclarations faites hier par M. Paul Baron, qui avait travaillé chez Seznec comme affûteur de scies, nous sommes allé ce matin nous entretenir à leur sujet avec M. Raymond Samson, chauffeur de Seznec, et avec Mme Seznec.
 Les indications de M. Baron relatives à l'automobile seraient en grande partie inexactes. Quand Seznec est revenu de son voyage avec la Cadillac, il ne pouvait la mettre dans le garage qui était encombré par quatre autres voitures, un camion, une carrosserie en cours de fabrication, divers outils et des bidons. On ne pouvait non plus la laisser aux abords de la route ni sur le terre-plein du chantier, car celui-ci n'a pas de clôture du côté de la route. La voiture fut donc avancée d'une quarantaine de mètres dans le chemin qui conduit au bas de la scierie. Ce chemin descend rapidement  ; la voitur[e] n'était plus en vue de la route et il n'y avait plus de danger de vol.
 Si M. Baron n'avait jamais vu la Cadillac à cet endroit jusqu'alors, c'est qu'auparavant cette voiture était à Landerneau.
 Il est faux que la Cadillac ait été remontée le lundi 28 mai, car ce jour-là M. Samson s'en est servi. Ce n'est que le lendemain, 29 mai, que l'automobile a été remontée par Seznec et M. Samson, celui-ci ayant dit au préalable à son patron qu'il n'avait pas à s'en servir ce jour-là. Pour la faire entrer au garage, on dut faire sortir deux autres automobiles qui s'y trouvaient et on les conduisit dans le bas de la scierie, sous un petit hangar qui était près du moulin à eau et où ces voitures se trouvent encore, comme nous les y avons remarquées nous-mêmes à plusieurs reprises. Le moteur de la Cadillac cognait un peu lorsqu'on l'a remis en marche, mais on put néanmoins y parvenir. La voiture était sale et M. Samson proposa à Seznec de la nettoyer  ; celui-ci répondit que c'était inutile parce qu'or devait changer la carrosserie. En tout cas, M. Baron n'aida pas à rentrer la voiture.
 Ce n'est que quelques jours après qu'on installa un palan pour démonter une bielle dont le coussinet était fendu. Le travail dura une huitaine de jours, il n'était pas encore terminé lorsque la police vint prendre cette pièce pour conduire la voiture au garage Huitric. Le palan ne fut donc pas installé le 28 mai et lorsqu'il le fut, M. Baron ne prêta pas son concours.
 Pour ce qui est de la chaudière, M. Samson n'a jamais vu Seznec vider les cendres. C'était M. Samson qui s'occupait de la chaudière, il ne peut dire quel jour elle fut allumée pour la dernière fois, car son calepin, sur lequel il inscrivait tout ce qui avait trait à sa machine, a été saisi par M. le commissaire Cunat. Il nous fait observer qu'une masse comme celle de la chaudière, reste chaude assez longtemps  ; vingt-quatre heures après que le feu est éteint, il y a encore 5 kilos de pression.
 Jamais M. Baron ne s'est occupé d'enlever les cendres, opération à laquelle on procédait périodiquement. La police a vidé elle-même les cendres et a passé les cendres au tamis. M. Samson ne pense pas que la chaudière ait pu être allumée par quelqu'un d'autre que lui, car il s'en serait aperçu.

Ce que dit Mme Seznec

 Voici maintenant les observations de Mme Seznec  :
 Les allégations de M. Baron, relatives aux ordres transmis par Angèle Labigou sont exactes. Ce jour-là, M. Baron était occupé à réparer des chaînes, il n'avait rien à affûter  ; c'est pourquoi on lui avait demandé d'aller donner la main au personnel qui travaillait au bois de Pennelé. Il refusa d'y aller, on n'insista pas. Mme Seznec confirme les déclarations de son chauffeur, en disant que l'on n'a remonté la voiture que le mardi 29 et non la veille. Elle resta toute la journée du lundi sous ses yeux en plein air, ce qui prouve qu'on n'avait rien à cacher.
 Pour ce qui est de la chaudière, Mme Seznec ne croit absolument pas aux allégations de M. Baron, d'après lequel la chaudière aurait été nettoyée pur Seznec et nettoyée à nouveau par M. Baron. Celui-ci ne s'est occupé qu'un[e] seule fois de la chaudière en l'absence de M. Samson  ; il travailla pendant deux heures au chauffage de la machine et c'est tout. M. Samson nous a confirmé ce détail.
 Mme Seznec nous déclare que, bon ouvrier, M. Baron n'était pas un méchant homme. Elle ne comprend pas pourquoi il a raconté cette histoire ou plutôt ce ne peut être que la fille de M. Baron qui l'aura répandue dans l'usine où elle travaille.

Ce que dit un expert

 PARIS, 2 septembre. — On se souvient qu'à propos de l'affaire Landru, des experiences furent faites à l'effet de savoir si un corps humain pouvait être réduit totalement en cendres dans un foyer sans laisser de traces.
 Un de nos confrères de la presse a vu ce matin M. Duchemont, un des experts fumistes qui furent chargés par la justice d'éclaircir ce point important de l'enquête et lui a demandé si Seznec aurait pu, dans la petite chaufferie de sa scierie, réduire à rien le cadavre de M. Quemeneur. Fort des constatations précédentes, M. Duchemont a répondu  :
 Il a été prouvé d'une façon catégorique, lors de l'instruction de l'affaire Landru, qu'un criminel pouvait détruire en totalité le corps de sa victime dans le foyer d'une cuisinière moyenne. Huit heures de feu continu suffisent à réduire en cendres un cadavre de dimensions ordinaires. Ces cendres qui peuvent dissimuler des restes d'os calcinés, sont facilement triables et les déchets récalcitrants, soumis à une autre «  cuisson  », se résolvent cette fois en poussières.
 «  En résumé, une demi-journée de travail suffit pour faire disparaître la plus petite trace d'un corps.
 «  Dans une chaufferie dont le foyer est plus ardent et plus large, l'anéantissement est encore plus aisé  ; c'est l'affaire d'une soirée. Seznec a pu activer la destruction du corps en l'imbibant d'essence. La chaudière forme four crématoire, c'est le procédé le plus sûr de destruction et le plus rapide  ; il permet d'opérer sans complice.  »

Dimanche 2 septembre 1923

1er septembre 1923 | 3 septembre 1923
PRESSE  : L'Ouest-Éclair

L'Ouest-Éclair, 2 septembre 1923, page 2.

UNE ÉTRANGE RÉVÉLATION
D'UN ANCIEN OUVRIER DE SEZNEC

Pourquoi Seznec avait-il garé son auto
auprès de la chaufferie en revenant de Dreux  ?

Comment expliquer que la chaudière qui n'avait
pas été allumée par les ouvriers était chaude  ?

 MORLAIX, 1er septembre. — (De notre envoyé spécial). — Ayant appris ce matin qu'un ancien ouvrier de Seznec serait disposé à des révélations, nous sommes allé l'écouter incontinent. Il s'agit de M. Paul Baron, qui était depuis un an affûteur de scies chez Seznec lorsque les événements obligèrent celui-ci à licencier son personnel. M. Baron nous fait l'exposé suivant  :
 Le lundi 28 mai au matin, en reprenant leur travail, quelques ouvriers et lui-même ont vu l'automobile de leur patron, qu'ils savaient en voyage depuis quelques jours, garée au bas du chantier de la chaufferie, à un endroit où on ne la plaçait jamais d'habitude. Peu après, Angèle Labigou, la domestique, vint donner aux ouvriers les instructions de Seznec. Ils devaient TOUS se rendre au bois de Pennelé, en Saint-Martin-des-Champs, pour y travailler à une coupe de bois. M. Baron lui répondit que son métier n'était pas de remuer du bois et qu'il n'irait pas. Il resta donc au chantier. Angèle lui dit alors que le patron était couché et qu'il ne le verrait sans doute pas. Il était rentré fatigué, n'ayant pas dormi depuis deux jours.
 Dans l'après-midi, Seznec s'étant levé, vint au chantier, se rendit immédiatement près de la voiture, la fit remonter sur le terre-plein et la mit au garage. Dans ce dernier local, M. Baron aida à installer un palan pour soulever l'automobile. Seznec, avec l'aide de son chauffeur, se mit à démonter toute la voiture, capote comprise et à la nettoyer.
 Deux ou trois jours après, il ne se souvient pas exactement, Seznec dit à M. Baron qu'il faudrait vider la chaudière de la chaufferie et, tandis que l'ouvrier terminait le travail qu'il avait en mains, Seznec se mit à faire lui-même la besogne en manches de chemise. M. Baron le vit emporter les cendres avec sa brouette. Ensuite Seznec vint lui dire qu'il fallait entrer dans la chaudière pour la nettoyer à fond et la vider complètement.
M. Baron, en y entrant, fut surpris de la trouver chaude, étant donné qu'elle n'avait pas été allumée depuis le départ de Seznec, une huitaine de jours auparavant. Il fut obligé d'ouvrir le volet d'aération pour ne pas étouffer.
 Rapprochons simplement ce récit des fumées qui auraient été vues peu après le retour de Seznec. M. Campion s'est entretenu avec M. le commissaire François au sujet de ce nouveau témoignage.

Mme Seznec est interrogée

 Mme Seznec fut informée ce matin que M. le Juge d'Instruction Campion désirait la questionner à nouveau dans la matinée même, avant le nouvel interrogatoire de son mari, prévu pour cet après-midi. Bien que légèrement souffrante, Mme Seznec se rendit aussitôt au Palais, vers 10 heures, accompagnée de sa fille cadette.
 Le magistrat instructeur lui demanda de nouvelles précisions au sujet des dollars pour les rapprocher des renseignements que lui avait fournis hier à ce sujet la domestique Angèle Labigou.
 Mme Seznec a confirmé les indications relatives à la boîte des dollars, mais celle-ci pesait au moins 5 kilos. Remarquons que s'il y avait bien une somme de 65.000 francs en dollars, au cours actuel, la boîte devait être d'environ 6  k.  500.
  Le magistrat instructeur a mis sous les yeux de Mme Seznec la longue lettre de son mari, saisie dans le coulisseau du sac à linge et M. Jézéquel, greffier, en a fait la lecture intégrale. M. Campion en a alors exposé toute la gravité à Mme Seznec, ajoutant  : «  Votre mari qui doit bien connaître votre caractère, a-t-il pu croire que vous vous seriez prêtée à de telles manœuvres  ?  »
 «  Jamais je n'y aurais consenti, a répliqué Mme Seznec, avec un accent de sincérité. Mon mari s'est trompé sur ce point parce que tous ces événements ont dû lui troubler l'esprit. Autrement, il n'aurait jamais eu une telle idée.  »
 M. le Juge d'Instruction lui a demandé si avant cette dernière lettre interceptée, elle n'en aurait pas reçu une ou plusieurs autres par ce même stratagème ou par tout autre moyen irrégulier  : elle a affirmé que non.
 Le parquet aurait-il laissé passer volontairement une correspondance frauduleuse reconnue anodine  ? Nous n'avons pas pu pénétrer ce secret.
 Enfin, le magistrat Instructeur a fait savoir à Mme Seznec qu'elle ne pourrait plus voir son mari qui est maintenant en cellule.
 Mme Seznec, que nous voyons à sa sortie du Palais, vers midi, est encore toute émue de cette dernière nouvelle  : «  Guillaume qui est d'une frêle constitution, nous dit-elle, pourrait bien ne pas résister à un pareil régime. Sans parler d'une fièvre typhoïde l'an dernier, il a eu une congestion pulmonaire voici quatre ans et son médecin déclara à ce moment qu il devait prendre de grands ménagements. Or, il couche maintenant sur une paillasse, sans draps, avec une couverture, et il est exposé à l'humidité et aux courants d'air.  »

Me Pouliquen et Mlle Quemeneur sont confrontés avec Seznec

 Les dépositions de Me Pouliquen et de Mlle Quemeneur reportées à cet après-midi n'ont présenté que peu d'intérêt, de même que les confrontations avec Seznec.
 Me Pouliquen, notaire à Pont-l'Abbé, beau-frère du disparu, et Mlle Quemeneur, sœur de celui-ci, expriment au juge d'instruction leur étonnement que leur parent, ait sollicité, sans les prévenir ni les mettre au courant un emprunt de 150.000 francs à la Banque Bretonne de Brest pour réaliser l'affaire d'automobiles américaines.
 Cependant, ce fait est certain puisqu'il est reconnu par M. Salaün, directeur de la Banque, qui n'accorda pas les fonds, n'ayant pas eu confiance en l'affaire. Me Pouliquen pense que son beau-frère songea à ce moment-là à lui demander les 60.000 francs. En arrivant à Rennes, par la train de midi, le 24 mai, M. Quemeneur aurait mis son projet à exécution en lui demandant la somme par télégramme, mais sans lui indiquer où il fallait l'envoyer. Sur ces entrefaites, Seznec serait arrivé à Rennes, en automobile, dans le courant de l'après-midi du même jour et aurait influencé M. Quemeneur qui téléphona alors à son beau-frère pour le prier d'adresser un chèque de 60.000  frs. au bureau de poste du boulevard Malesherbes.
 Seznec, confronté a maintenu ses déclarations antérieures et a soutenu qu'il n'avait nullement conseillé M. Quemeneur en quoi que ce soit et que ce dernier avait pris l'initiative de la demande d'envoi du chèque au bureau du poste du boulevard Malesherbes  ; et même, qu'il avait déjà téléphoné à son beau-frère à ce sujet lorsqu'il est arrivé à Rennes.
 Une foule très dense se pressait aux abords du Tribunal à la sortie du prisonnier qui était entre le maréchal-des-logis Leguen et le gendarme Calvez.
 Ce matin, avant de se rendre au Palais de Justice, Mme Seznec avait reçu la visite de Me Vérant, notaire et Me Belz, avoué liquidateur, au sujet de ses intérêts.
 Me Belz nous a déclaré que, dans le courant de ce mois, deux réunions des créanciers auront lieu à quelques jours d'intervalle. Il reste probable que la situation financière de Seznec se soldera par un actif appréciable.

Fausse alerte dans la région de Houdan

 PARIS, 1er septembre. — M. Vidal a été appelé inopinément à partir pour la région de Houdan, afin d'effectuer certaines vérifications à un endroit où la terre avait été fraîchement remuée et d'où se dégageait une odeur cadavérique. Les recherches n'ont donné aucun résultat  ; les émanations provenaient tout simplement de champignons.

Samedi 1er septembre 1923

11 juillet 1923 | 2 septembre 1923
PRESSE  : L'Ouest-Éclair

L'Ouest-Éclair, 1er septembre 1923, page 2.

APRÈS LA TENTATIVE D'ÉVASION DE SEZNEC

Monsieur Campion poursuit l'audition des témoins

 MORLAIX, 31 août. — (De notre envoyé spécial). — Me Le Hire, avocat de Seznec, avisé par télégramme de la tentative d'évasion de son client, est rentré à Morlaix dès hier soir et s'est aussitôt mis en rapport avec le Parquet. M. Campion, juge d'instruction et Me Le Hire se sont rendus ce matin à la prison de Creach-Joly. L'inculpé qui était abattu, s'est senti réconforté par la présence de son défenseur. Comme le magistrat instructeur le pressait de questions et le poussait dans la voie des aveux il a eu un sursaut d'énergie, en déclarant d'une voix forte  : «  Vous voulez me faire parler, mais je ne dirai rien, car je n'ai rien à dire.  »
 Seznec a seulement fourni des explications sur ses préparatifs de fuite. Comme nous l'avons dit, il aurait escaladé le mur de la prison du côté de la cour  ; il serait monté sur le mur en établissant un échafaudage avec des tables et des étagères, qui se trouvaient dans la salle de travail des détenus et serait descendu sur la rue, en se servant des draps de lit roulés en corde. Il n'a rien voulu dire de ses intentions une fois dehors. Peut-être n'était-il pas lui-même exactement fixé s'il n'avait pas en vue une besogne très précise à Traon-ar-Velin.
 L'inculpé qui, auparavant, se trouvait dans une chambre de prévenu, la plus confortable de l'établissement, est maintenant dans une cellule. Il n'a plus l'usage de ses vêtements, mais il a revêtu la bure et le pantalon de treillis sans bretelles comme tous les détenus, ce qui rend plus difficile toute tentative d'évasion.
 Me Le Hire lui a fait remarquer combien il avait aggravé son cas en commettant cette nouvelle maladresse. Il s'est exprimé de même auprès de Mme Sez[ne]c, qu'il est allé voir sans retard.
 Nous sommes allé dans la matinée recueillir les impressions de Mme Seznec. Connaissant le caractère de son mari, elle s'attendait, dit-elle, surtout depuis une quinzaine de jours, à une tentative d'évasion. Son mari, nerveux, impulsif, ne pouvant rester inactif, doit actuellement trépigner d'impatience. Il n'avait rien à cacher, ni à chercher à Traon-ar-Velin. S'il voulait s'échapper, ce devait être uniquement pour s'enfuir loin, très loin, avec l'automobile, afin de ne pas se laisser condamner injustement puisque une fatalité inexorable semble vouloir l'accabler.
 Telle est la substance des déclarations de Mme Seznec.

Le chauffeur et la domestique de Seznec à l'instruction

 Cet après-midi, le magistrat instructeur a entendu successivement le chauffeur de Seznec, Raymond Samson, âgé de 38 ans, et la domestique, Angèle Labigou. M. Campion s'attache toujours à la date du 20 juin, bien que la présence de Seznec au Havre soit presque aussi bien prouvée maintenant pour la journée du 20 juin que pour celle du 13 juin.
 M. Samson ne se souvient de rien pour le 20 juin, car son patron s'absentait souvent. Mais Angèle Labigou affirme que Seznec était à son domicile ce jour-là, du moins dans l'après-midi, car dans la matinée, M. Lesteven était venu le voir sans le trouver. Elle se souvient que son maître est rentré ce jour-là à midi pour le repas.
 M. le juge d'instruction a questionné le chauffeur sur sa tentative de communication avec Seznec lorsqu'il a tenu d'une manière bien insolite à accompagner le garçon livreur d'une maison de confections qui apportait un costume à Seznec. M. Samson confirme qu'il était chargé par Mme Seznec de demander des instructions à son mari au sujet des pistons neufs à commander pour le camion qui devait être mis promptement en état.
 Le garçon livreur de cette maison d'habillement a été également entendu accessoirement par M. Campion.
 Angèle Labigou affirme n'avoir pas lavé ni nettoyé de vêtements au retour de Seznec le 27 mai. Elles les a seulement brossés et n'a remarqué aucun[e] tache. Quant au pantalon de toile bleue qui avait été remarqué dans l'automobile parmi les accessoires au cours des premières perquisitions et qu'on trouva ensuite derrière un casier à lapins, elle déclare n'avoir pas eu l'intention de le dissimuler.

La boîte aux dollars

 Angèle Labigou a bien vu les dollars en octobre ou novembre et les a soupesés. Il y en avait bien plus d'un kilo, peut-être même deux kilos. Ils étaient dans une boîte en carton de couleur verte, de 40 à 45 centimètres de longueur, de 15 centimètres de largeur environ et de 10 centimètres de hauteur. La boîte n'était pas entièrement remplie  ; cette boîte n'aurait donc pas pu être mise dans la poche d'un pardessus comme il avait été raconté. Mais, il est possible que ce ne soit pas dans cette boîte qu'aient été placés les dollars lorsque Seznec partit en automobile pour Brest avec M. Quemeneur le 22 mai, en vue de l'établissement de l'acte de vente de la propriété de Traon-nez-en-Plourivo.
 Rappelons que d'après Seznec les dollars étaient ce jour-là dans une boîte en carton, de couleur imitant le cuir avec un petit fermoir en métal et une lanière en cuir et les dollars la remplissaient exactement. Elle devait donc être plus petite et de nature à entrer dans la poche d'un pardessus à supposer qu'elle ait existé, ainsi que son contenu. Angèle Labigou a entendu parler des dollars pour la dernière fois au début de mai lorsque Mme Seznec lui dit que son mari allait en employer quelques-uns à des achats à l'occasion de la première communion d'une de leurs filles, ainsi que nous l'avons relaté.
 Demain matin, M. Campion entendra à nouveau Me Pouliquen, notaire à Pont-Labbé, beau-frère du disparu et Mlle Quemeneur, sœur de celui-ci, et il les confrontera dans l'après-midi avec Seznec.

Vendredi 6 juillet 1923

3 juillet 1923 | 11 juillet 1923
DOCUMENT  : Perquisition chez Seznec

PROCÈS-VERBAL
par le commissaire Cunat (perquisition chez Seznec)

Visite domicilaire chez l’inculpé Seznec.
 3 scellés joints
 Nos 19, 23 et 24.


 L’an mil neuf cent vingt-trois, le Vendredi Six Juillet, à quinze heures,
 Nous, Cunat (Jean-Baptiste), Commissaire de Police mobile à la 13e Brigade, en résidence à Rennes, Officier de Police Judiciaire, Auxiliaire de Monsieur le Procureur de la République,
 Vu la Commission rogatoire ci-jointe, en date du 30 juin 1923 de Monsieur Binet, Juge d’Instruction du Tribunal de Brest, à nous transmise pour exécution le même jour par Monsieur Godinot, Juge d’Instruction de Morlaix, et relative à la procédure suivie contre Seznec, inculpé d’assassinat et faux,
 [Cinq mots rayés nuls, numérotés de 1 à 5] Continuant nos recherches,
 Assisté de Messieurs :

 [Vingt-huit mots rayés nuls, numérotés de 6 à 33, probable mention du commissaire divisionnaire Léon Labouerie]
1o Le Gall Pierre, âgé de 46 ans,
 2o Thomas Jules, âgé de 29 ans,
 3o Chélin François, âgé de 32 ans,
 4o Faggiani Pierre, âgé de 34 ans,
les quatre Inspecteurs de police mobile de notre service, en résidence à Rennes.
 Nous transportons à nouveau au domicile de l’inculpé Seznec, à Morlaix, route de Brest,
 Où, en l’absence de l’inculpé Seznec et de son épouse, née Marc (Marie Jeanne),
 Nous nous trouvons en présence de la domestique, Melle Labigou (Angèle), âgée de 48 ans, à qui nous faisons connaître l’effet de notre démarche consistant à continuer toutes recherches utiles à la manifestation de la vérité. Elle nous déclare que Madame Seznec est présentement à Brest.
 La Delle Labigou nous dit ne vouloir nous assister dans nos recherches.
 Nous effectuons aussitôt des recherches avec le concours des Inspecteurs désignés ci-dessus.
 Dans un grenier situé au-dessus de la machinerie, où on accède par un petit escalier en fer, en passant sur la chaudière, Messieurs Thomas Jules et Chélin François, qui nous précèdent, découvrent dans un petit local où il y a un lit en planches, situé à l’extrémité est du grenier, découvrent une machine à écrire enveloppée dans un vieux tablier en toile de sac, maculé de cambouis, dissimulée derrière un grand panneau en bois de distribution d’énergie électrique en dépôt à cet endroit et appuyé au mur.
 Renseignements concernant la machine à écrire : marque « Royal » — type 10 — Numéro X.434080. En outre, cette machine porte en lettres d’or dans le vernis du bâti les inscriptions suivantes : « Royal — 10 — Royal Typewriter Co N.Y. U.S.A. — protected by américan and Foreign Patents. »
 Sur cette machine, il y a un petit rouleau de 25 feuilles de papier blanc pour machine à écrire du format 27 x 21, enveloppées dans un feuillet de la publication périodique « Papyrus » d’Avril 1923, pages 257-258. En marge gauche de la page 257, figurent les inscriptions suivantes manuscrites au crayon aniline :

15 
4600
____
6100

Nous plaçons aussitôt ces objets et documents sous notre scellé comme suit.
Scellé No 19 : En raison des inscriptions figurant en marge gauche de la page 257, nous paraphons « ne varietur » la feuille de la publication « Papyrus », ainsi que les quatre inspecteurs qui nous assistent et le plaçons dans notre scellé ouvert dans une chemise en papier fort avec mentions sur la couverture que les Inspecteurs signent avec nous. Ce scellé reste annexé au présent procès-verbal.
Scellé No 20 : La machine à écrire décrite ci-dessus, avec étiquette que les inspecteurs qui nous assistent signent avec nous.
Scellé No 21 : Les vingt-cinq feuilles de papier blanc pour machine à écrire, ainsi que huit feuilles de papier d’emballage, glacé gris, de dimensions identiques, longueur un mètre, largeur soixante-[seize ?] centimètres, trouvées en vrac sur la machine à écrire. Ces 8 feuilles paraissent avoir été utilisées pour l’emballage de ladite machine.
Scellé No 22 : Le tablier qui enveloppe la machine.
 Ces trois scellés (Nos 20, 21 et 22) seront déposés au greffe du tribunal civil de Morlaix, à toutes fins jugées utiles.
 Conforméments aux instructions de Monsieur le Commissaire Divisionnaire, qui nous remet une feuille de papier timbrée à deux francs, portant l’estampille ovale « 195 », achetée au bureau de tabac de la rue de Brest à Morlaix, nous dactylographions une copie de l’acte de la propriété de Traou-Nez, à Plourivo (Côtes-du-Nord). Cette copie est Complétée par une mention manuscrite de la main de Madame Seznec en notre présence. Ensuite nous paraphons au verso notre copie que Madame Seznec signe également. Ce document est placé sous notre Scellé No 23 en papier fort que Madame Seznec signe avec nous. Ce scellé reste annexé au présent procès-verbal.
 Mentionnons que Madame Seznec a été de retour de Brest après la découverte de la machine à écrire, alors que nous préparions nos scellés décrits ci-dessus.
 Interpellée sur la présence de la machine à écrire, Madame Seznec nous déclare :

 Je n’ai jamais vu cette machine à écrire chez nous. Vous ne l’avez pas trouvée chez moi. J’en ignore la provenance. Je n’ai jamais vu mon mari avec cette machine à écrire.
Scellé No 24 : Carte réclame de la maison [Chéron ?] à Nantes, comportant au verso la mention manuscrite ci-après, émanant de Madame Seznec qui l’a écrite en notre présence : « Monsieur Vidal Commissaire de la police mobile en mission à Dreux — faire suivre — très urgent ».
Et un avis de présentation d’un effet de [728 fr 70 ?] déposé le 4 juillet courant par le garçon de recettes de la succursale du Crédit Lyonnais à Morlaix.
 Ces deux documents que Madame Seznec paraphe sont dans placés dans une chemise en papier fort signée également par cette dame.
 Ce scellé est annexé au présent procès-verbal.

Dont acte que Messieurs Le Gall, Thomas, Chélin, Faggiani et Madame Seznec signent avec nous après lecture faite.

Le Commissaire de police mobile

 [Signatures]

Rature de trente-cinq mots rayés nuls.

 [Signatures]

Dimanche 10 juin 1923

Du 4 au 9 juin 1923 | 11 juin 1923
DOCUMENTS  : Récit de Pouliquen - Rapport de Fabrega

ÉVÉNEMENTS

 Vers 5 heures du matin, Jean Pouliquen et Louis Quéméner quittent Landerneau en voiture de location pour se rendre chez Guillaume Seznec.
 Quand ils arrivent à Morlaix vers 6 heures 30, Seznec est encore couché  ; sa bonne Angèle Labigou les fait patienter dans la salle à manger. Une demi-heure plus tard, Seznec et sa femme les y rejoignent. Pouliquen demande à Seznec un récit détaillé du voyage et des explications sur certains points qui lui semblent étranges.
 Pouliquen et Louis Quéméner rentrent ensuite à Landerneau. Après une discussion avec Jeanne Quéméner, ils décident d'aller demander une enquête discrète à la brigade de police mobile de Rennes. Seznec est prié par téléphone de se joindre à eux et il accepte.
 Pouliquen et Louis Quéméner prennent le train à Landerneau, Seznec monte à Morlaix et ils arrivent à Rennes le soir-même1.
 Vers 19 heures 50, ils se présentent à la brigade. L'inspecteur Léopold Fabrega leur dit que sans dépôt de plainte préalable, la police ne peut commencer à enquêter. Pouliquen veut effectuer des vérifications avant de déposer plainte et Seznec doit être à Saint-Brieuc le lendemain matin  ; il est donc décidé de rentrer dans la nuit.

___
1. Il s'agit certainement du train de 14 heures 53 à Landerneau, arrêt à Morlaix à 15 heures 59, arrivée à Rennes à 19 heures 43.

RÉCIT DE JEAN POULIQUEN

Ma belle-sœur1 ayant prévenu Seznec de ma visite, j'eus peur qu'il ne s'absentât pour n'avoir pas à me répondre, et je quittais Landerneau le dimanche matin à quatre heures2 en automobile accompagné de Louis Quemeneur, mon beau-frère. Nous trouvâmes Seznec encore couché et la bonne, qui venait de se lever, nous fit entrer dans la salle à manger, où Seznec et sa femme [vinrent]3 nous rejoindre une demi-heure après.
 Je fis remarquer à Seznec combien un silence aussi prolongé me rendait inquiet sur le sort de M. Quemeneur et je l'invitais à me raconter en détail le but de leur voyage à Paris, où et comment il avait quitté mon beau-frère. Il me fit savoir que mon beau-frère et lui étaient allés à Paris pour traiter un marché d'automobiles Cadillac  ; que le gouvernement américain, voulant faire rentrer toutes les voitures de cette marque dans le but de ravitailler les soviets, avait chargé un de ses agents à Paris de s'occuper de cette affaire  ; que mon beau-frère avait été par son intermédiaire en relation avec cet agent qui leur avait promis moyennant une commission de deux mille francs par voiture la totalité de ce marché pour la France entière. Toutes les voitures en état de marche devaient être payées au prix uniforme de trente mille francs chacune. Les voitures devaient être livrées par série de cinq et la première livraison devait avoir lieu le 2 juin. Seznec devait parcourir la France entière pour rechercher ces voitures et mon beau-frère devait s'occuper uniquement de la livraison à Paris. Voilà ce que je tirais de Seznec sur l'affaire en question.
 La voiture Cadillac que Seznec avait déposée à Landerneau devait faire partie de la première livraison et c'est pourquoi elle avait été retirée du garage dès le 23 mai et ramenée par Seznec à Morlaix. En revenant de Brest le 22 mai, ils avaient passé par Lesneven où ils s'étaient assurés d'une autre voiture Cadillac.
 Le 24 mai, après avoir pris toutes leurs dispositions la veille, Seznec et mon beau-frère prenaient la direction de Paris. M. Quemeneur prenait à Landerneau l'express de neuf heures et descendait à Rennes à treize heures. Seznec, parti de Morlaix dans la matinée, n'arrivait à Rennes avec son automobile Cadillac qu'à sept heures du soir environ. Tous deux dînèrent et couchèrent à l'Hôtel Parisien en face de la gare après avoir remisé la voiture dans un garage voisin.
 Le lendemain matin 25 mai à cinq heures du matin, ils reprennent, ensemble cette fois et en automobile, la route de Paris. Ils auraient déjeuné au Mesle dans la Sarthe et seraient arrivés à Dreux vers seize heures après plusieurs pannes, dont la dernière à Dreux même. Ils auraient réparé chez un garagiste nommé Hodey, rue d'Orfeuil, pour ensuite essayer de regagner Paris. Mais au bout de quelques kilomètres, voyant que l'auto ne marchait pas et craignant de ne pouvoir atteindre Paris où M. Quemeneur, mon beau-frère, avait un rendez-vous urgent pour le lendemain matin huit heures dans une brasserie de l'avenue du Maine en face de la gare Montparnasse, ils résolurent de revenir à Dreux, où mon beau-frère prit le dernier train pour Paris. D'après les ordres de mon beau-frère, Seznec devait si possible reprendre la route de Paris et en cas d'impossibilité absolue retourner à Morlaix, puis revenir ensuite à Paris où il devait trouver mon beau-frère à l'Hôtel de Normandie près de la gare St-Lazare. Il reprit la route de Paris après avoir déposé M. Quemeneur à l'entrée de la gare de Dreux, mais une nouvelle panne l'immobilisa à douze kilomètres environ au-delà de cette dernière ville  ; il était tard et après avoir vainement tenté de réparer, il s'endormit dans sa voiture et reprit le lendemain la route de Morlaix.
 Je fis remarquer à Seznec les points faibles de cette déclaration. Comment avait-il pu revenir à Morlaix avec une auto incapable de fournir le trajet de Dreux à Paris  ? Il me répondit que c'était M. Quemeneur qui lui aurait conseillé de venir réparer à Morlaix où son mécanicien lui coûterait moins cher, que la voiture ne pouvait pas être présentée sans une réparation sérieuse.
 Je demandais ensuite comment et par qui ils avaient été mis au courant de cette affaire. Il me répondit que M. Quemeneur correspondait par son intermédiaire avec un Américain dont il ne put d'abord me donner ni le nom ni l'adresse. Il alla alors me chercher une autre lettre d'un nommé Ackermann, citoyen américain, habitant Paris, et qu'il avait autrefois connu dans le camp américain de Brest. Dans cette lettre cet Américain lui demandait une avance de dix mille francs lui promettant un intérêt mensuel de mille à mille deux cents francs.
 Comme je m'étonnais que des personnes comme eux habituées aux affaires, aient pu donner crédit à de pareilles absurdités, Seznec me déclara que ce n'était point cette personne qui lui avait offert l'affaire d'automobiles, que leur correspondant dans cette affaire, écrivait au contraire d'une façon impeccable et savait présenter son marché de telle façon que d'autres plus malins qu'eux auraient pu s'y laisser prendre, qu'en outre cette personne écrivait sur du papier portant en-tête Chambre américaine de Commerce de Paris, rue Toutbout
4. Ce qui avait encore augmenté leur confiance [c'est] que lui, Seznec recevait les lettres qu'il remettait à mon beau-frère après en avoir pris connaissance.
 Comme j'insistais pour connaître le nom de ce correspondant il finit par me dire après un instant d'hésitation qu'il devait s'appeler Scherdy ou Cherry, et qu'il habitait boulevard Malesherbes numéro 6, 26 ou 16, il ne pouvait préciser.
 Je faisais remarquer combien tout ce récit me semblait étrange, que nous n'avions trouvé trace de cette correspondance dans les papiers de mon beau-frère. Il me répondit que mon beau-frère voulait conserver cette affaire secrète à cause de sa situation politique et qu'il avait ces lettres sur lui au moment de son départ pour Paris.
 Il ne me parla point de l'acte de vente de la propriété de Plourivo, ni des dollars américains. Comme je lui demandais s'il avait confié de l'argent à mon beau-frère à qui il se disait associé, il me répondit qu'il ne lui avait rien remis. Il ne me parla pas non plus du chèque réclamé par mon beau-frère de Rennes, ce qu'il avoua ensuite connaître cependant.
 Je ne lui cachais pas mes inquiétudes et je lui expliquais que j'avais adressé à mon beau-frère à Paris un chèque de soixante mille francs qui n'avait jamais été réclamé et que je soupçonnais fort que mon beau-frère n'ait jamais atteint la capitale. À l'annonce du chèque Seznec se redressa et eut une exclamation  : «  Ah  ! vous aviez adressé un chèque à M. Quemeneur à Paris, je savais en effet qu'il vous en avait demandé un de Rennes.  »
 Sur ce, nous quittâmes Seznec et regagnâmes, mon beau-frère Louis Quemeneur et moi, la route de Landerneau. Après nous être concertés avec ma belle-sœur, nous résolûmes coûte que coûte d'éclaircir cette affaire et nous décidâmes de prendre le soir même l'express de Rennes pour aller conter notre affaire à la brigade mobile
5, et lui demander une enquête discrète à ce sujet. Nous fîmes téléphoner à Seznec pour lui annoncer notre décision et le prier de vouloir bien nous accompagner, puisque lui seul pouvait donner quelques renseignements utiles  ; il promit de nous rejoindre à la gare de Morlaix, ce qu'il fit.
 Nous arrivâmes à Rennes, Louis Quemeneur, Seznec et moi le dimanche soir 10 juin, et après avoir retenu nos chambres à l'Hôtel Parisien en face de la gare où mon beau-frère et Seznec étaient descendus quinze jours auparavant, nous allâmes directement à la brigade mobile. Nous fûmes reçus par un jeune inspecteur qui nous fit savoir que si nous n'avions pas déposé une plainte au parquet, la brigade mobile ne pouvait procéder à une enquête  ; que cependant, si nous voulions attendre le lendemain, nous pourrions voir le directeur. Seznec fit observer qu'il ne pourrait revenir le lendemain, ayant absolument besoin de consulter dans la matinée un avocat à St-Brieuc pour un procès en cours. De mon côté je déclarais que je n'étais pas encore résolu à déposer une plainte au parquet, que je voulais auparavant contrôler les renseignements fournis par Seznec, et que par suite
6 il était inutile que nous revenions le lendemain, la brigade mobile ne devant se mettre en campagne que sur une plainte officielle.7

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1. Jeanne Quéméner.
2. Le soleil se lève ce jour-là vers 5 heures 15 à Landerneau. Ils ne sont probablement pas partis avant 5 heures.
3. Source  : «  vint  ».
4. The American Chamber of Commerce in France, 32 rue Taitbout, Paris.
5. Les brigades régionales de police mobile, créées en 1907, sont l'ancêtre de la police judiciaire.
6. Dans L'Affaire Quéméneur-Seznec, Bernez Rouz a corrigé ce passage ainsi  : «  par [la] suite  », mais la phrase était correcte, «  par suite  » signifiant ici «  par conséquent  ».
7. Bernez Rouz, pages 100 à 105.

RAPPORT DE L'INSPECTEUR FABREGA

Le dimanche 10 juin 1923 à 19  h.  50 se sont présentés à notre brigade trois messieurs  : l'un d'eux me dit être M. Pouliquen, notaire à Pont-l'Abbé et me tint la conversation suivante  : «  Nous venons vous voir après avis de M. le commissaire de police de Landerneau et serions très obligés à la brigade mobile de vouloir bien effectuer des recherches officieuses sur un membre de notre famille parti à Paris pour affaires depuis une vingtaine de jours et duquel nous sommes sans nouvelle. Nous craignons une catastrophe1 mais désirerions toutefois que cette démarche de votre part ne fasse aucun bruit sur la presse afin d'éviter des ennuis à la personne que nous recherchons au cas où elle serait retrouvée.  » [...] M. Seznec qui n'avait jusqu'alors point pris la parole si ce n'est pour approuver l'amitié existante entre le disparu et lui, me dit qu'il comptait lui et ses deux compagnons quitter Rennes le lundi vers 2 heures du matin.2

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1. Source  : «  Nous craignons à une catastrophe  ».
2. Registre de main courante de la 13e brigade régionale de police mobile, à Rennes. Rapport signé par l'inspecteur Léopold Fabrega. Bernez Rouz, page 104, en note.

Lundi 28 mai 1923

27 mai 1923 | 29 mai 1923

ÉVÉNEMENTS

 Guillaume Seznec est de retour chez lui à Morlaix dans les premières heures de la journée. Il déclarera être arrivé vers 3 heures du matin. Sa femme Marie-Jeanne et leur bonne Angèle Labigou diront qu'il était 4 heures ou 4 heures et demie, et qu'il faisait grand jour. Il est possible qu'ils aient tous trois oublié d'avancer leur montre le samedi 26 au soir et qu'il était environ 5 heures 301.
 Seznec est épuisé. Il demande à Angèle d'ordonner à ses ouvriers d'aller travailler au bois de la Pennélé, à Saint-Martin-des-Champs, puis il va se coucher.
 Angèle Labigou transmet l'ordre de Seznec. L'un des ouvriers, Paul Baron, refuse de se rendre au bois et on n'insiste pas. Il reste toute la journée au chantier.
 Dans la journée, Pierre Lucas livre une galerie d'automobile chez Seznec. Selon son témoignage, le garage est encombré, la Cadillac est garée à l'extérieur, Raymond Samson est en tournée avec le camion et les ouvriers sont partis.
 Samson dira s'être également servi de la Cadillac ce jour-là.

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1. Le soleil se lève ce jour-là à Morlaix vers 5 heures 22 (heure d'été).