Du lundi 4 au samedi 9 juin 1923

3 juin 1923 | 10 juin 1923
DOCUMENT  : Récit de Pouliquen

ÉVÉNEMENTS

 J'ai regroupé ces six jours sur une seule page car le récit de Jean Pouliquen manque de précision sur cette période. On lit dans certains livres que Jenny Quéméner a rendu visite à Guillaume Seznec le 4 juin  ; Bernez Rouz, quant à lui, donne la date du 4 juin, puis celle du 9 juin. Ceci est en contradiction avec les écrits de Pouliquen.
 Le 4 juin, Pouliquen télégraphie à la Société Générale à Paris pour savoir si son chèque a été touché. Le 5 juin, il reçoit une réponse négative. Ces deux premiers faits sont clairement datés par Pouliquen. Il téléphone alors à Jenny Quéméner, qui lui dit qu'elle a eu une conversation téléphonique avec Seznec. Cette conversation peut avoir eu lieu la veille, le 4 juin, ce qui expliquerait la confusion concernant la date de sa visite à Morlaix. Pouliquen télégraphie immédiatement au bureau de poste restante n°  3 à Paris pour savoir si son envoi a été demandé. On lui répond par la négative et il fait alors opposition sur cet envoi. On peut estimer que cet échange de télégrammes avec le bureau de poste (au moins trois messages) et la conversation téléphonique de Pouliquen avec Jenny ont eu lieu le même jour, le 5 juin, dans les heures qui ont suivi la réception du télégramme de la Société Générale le matin.
 Jenny Quéméner se rend ensuite chez Seznec. À son retour, elle fait un récit de cette rencontre à Pouliquen par téléphone. Il décide de se rendre lui aussi chez Seznec au plus tôt. Selon Pouliquen, nous sommes alors le 8 juin. Jenny a probablement fait l'aller-retour à Morlaix dans la journée et appelé son beau-frère le soir. Je situe donc cette visite le 8 juin.
 De son côté, Ernst Achermann dira avoir reçu un télégramme de Seznec le 9 juin et y avoir répondu le même jour. Seznec a donc probablement envoyé son télégramme après la visite de Jenny, le 8 juin au soir ou le lendemain matin. Pouliquen place cet échange de télégrammes entre Seznec et Achermann avant même sa conversation téléphonique avec Jenny le 5 juin, mais il s'agit certainement d'une erreur. Si la date donnée par Achermann est exacte, Pouliquen a vraisemblablement appris le 8 juin que Seznec avait l'intention d'envoyer un télégramme à Achermann, et a eu connaissance de la réponse le lendemain par téléphone.
 Si le récit de Pouliquen est fiable, la date du 9 juin semble impossible pour la visite de Jenny, car quand elle parle à son beau-frère au téléphone de cette visite, il est à Pont-l'Abbé  ; il compte se rendre à Landerneau le lendemain, ce qui lui prendra plusieurs heures en train, puis il partira pour Morlaix en voiture le dimanche 10 juin à 4 heures du matin. Si Jenny lui avait raconté sa visite le 9 juin au soir, il n'aurait pu passer qu'une très courte nuit à Landerneau  ; son récit serait donc erroné. Il a pu se tromper sur la date des télégrammes entre Seznec et Achermann car ce renseignement est issu de conversations téléphoniques, mais les faits qui l'impliquent personnellement sont probablement correctement décrits.

 Ajoutons que le 4 juin, Guillaume Seznec se rend à Saint-Brieuc pour consulter son avocat, maître Édouard Bienvenue.

RÉCIT DE JEAN POULIQUEN

Je télégraphiais moi-même le lundi 4 juin à la Société Générale à Paris pour savoir si mon chèque avait été touché  ; le mardi matin, je recevais la réponse me disant que le chèque n'avait pas été présenté et que l'on prenait note de mon opposition. De plus en plus inquiet, je téléphonais à ma belle-sœur1 qui me fit savoir qu'elle avait eu une conversation téléphonique avec Seznec, que ce dernier était de retour à Morlaix et faisait savoir que mon beau-frère l'avait quitté à Dreux  ; il se disait lui-même sans nouvelles depuis de mon beau-frère, et il s'offrait à télégraphier à un certain Acherman que mon beau-frère devait dit-il voir à Paris.
 Toujours plus inquiet, je télégraphiais immédiatement poste restante numéro trois à Paris, pour savoir si le chargement que j'avais expédié avait été retiré  ; il me fut répondu négativement et je mis opposition désormais sur ce chargement. Je communiquais à ma belle-sœur le résultat de mes demandes, et elle me fit savoir que Seznec de son côté avait reçu d'Acherman un télégramme disant qu'il n'avait pas vu M. Quemeneur à Paris. Pressentant un malheur elle s'en fut elle-même voir Seznec à Morlaix et lorsque de retour elle me raconte par téléphone ce que lui avait confié Seznec, je ne pus m'empêcher de m'écrier qu'il était arrivé un malheur et que Seznec n'était pas étranger. Il avait en effet reçu ma belle-sœur en plaisantant, disant qu'il ne fallait pas s'inquiéter, que mon beau-frère faisait certainement de belles affaires à Paris et que peut-être même il était parti en Amérique. Sa femme elle-même venait à la rescousse en disant que son mari s'était absenté une fois pendant un mois sans donner de ses nouvelles  ; Seznec racontait en outre qu'immobilisé à Dreux par une panne d'automobile, il n'avait pu regagner Paris, mais avait rallié Morlaix par ses propres moyens.
 Cette version me parut tellement étrange qu'à partir de ce moment je fus nettement convaincu de la culpabilité de Seznec et malgré moi je l'exprimais à ma belle-sœur. Nous étions au vendredi 8 juin et je lui faisais savoir que je ne pouvais tenir plus longtemps et que le lendemain samedi, je devais aller à Landerneau pour aller moi-même voir Seznec le dimanche matin et tirer cette affaire au clair. Je me flattais de confondre rapidement Seznec qu'en moi-même j'accusais nettement.
2

___
1. Jenny Quéméner.
2. Bernez Rouz, pages 99 et 100.

Aucun commentaire: