Samedi 1er septembre 1923

11 juillet 1923 | 2 septembre 1923
PRESSE  : L'Ouest-Éclair

L'Ouest-Éclair, 1er septembre 1923, page 2.

APRÈS LA TENTATIVE D'ÉVASION DE SEZNEC

Monsieur Campion poursuit l'audition des témoins

 MORLAIX, 31 août. — (De notre envoyé spécial). — Me Le Hire, avocat de Seznec, avisé par télégramme de la tentative d'évasion de son client, est rentré à Morlaix dès hier soir et s'est aussitôt mis en rapport avec le Parquet. M. Campion, juge d'instruction et Me Le Hire se sont rendus ce matin à la prison de Creach-Joly. L'inculpé qui était abattu, s'est senti réconforté par la présence de son défenseur. Comme le magistrat instructeur le pressait de questions et le poussait dans la voie des aveux il a eu un sursaut d'énergie, en déclarant d'une voix forte  : «  Vous voulez me faire parler, mais je ne dirai rien, car je n'ai rien à dire.  »
 Seznec a seulement fourni des explications sur ses préparatifs de fuite. Comme nous l'avons dit, il aurait escaladé le mur de la prison du côté de la cour  ; il serait monté sur le mur en établissant un échafaudage avec des tables et des étagères, qui se trouvaient dans la salle de travail des détenus et serait descendu sur la rue, en se servant des draps de lit roulés en corde. Il n'a rien voulu dire de ses intentions une fois dehors. Peut-être n'était-il pas lui-même exactement fixé s'il n'avait pas en vue une besogne très précise à Traon-ar-Velin.
 L'inculpé qui, auparavant, se trouvait dans une chambre de prévenu, la plus confortable de l'établissement, est maintenant dans une cellule. Il n'a plus l'usage de ses vêtements, mais il a revêtu la bure et le pantalon de treillis sans bretelles comme tous les détenus, ce qui rend plus difficile toute tentative d'évasion.
 Me Le Hire lui a fait remarquer combien il avait aggravé son cas en commettant cette nouvelle maladresse. Il s'est exprimé de même auprès de Mme Sez[ne]c, qu'il est allé voir sans retard.
 Nous sommes allé dans la matinée recueillir les impressions de Mme Seznec. Connaissant le caractère de son mari, elle s'attendait, dit-elle, surtout depuis une quinzaine de jours, à une tentative d'évasion. Son mari, nerveux, impulsif, ne pouvant rester inactif, doit actuellement trépigner d'impatience. Il n'avait rien à cacher, ni à chercher à Traon-ar-Velin. S'il voulait s'échapper, ce devait être uniquement pour s'enfuir loin, très loin, avec l'automobile, afin de ne pas se laisser condamner injustement puisque une fatalité inexorable semble vouloir l'accabler.
 Telle est la substance des déclarations de Mme Seznec.

Le chauffeur et la domestique de Seznec à l'instruction

 Cet après-midi, le magistrat instructeur a entendu successivement le chauffeur de Seznec, Raymond Samson, âgé de 38 ans, et la domestique, Angèle Labigou. M. Campion s'attache toujours à la date du 20 juin, bien que la présence de Seznec au Havre soit presque aussi bien prouvée maintenant pour la journée du 20 juin que pour celle du 13 juin.
 M. Samson ne se souvient de rien pour le 20 juin, car son patron s'absentait souvent. Mais Angèle Labigou affirme que Seznec était à son domicile ce jour-là, du moins dans l'après-midi, car dans la matinée, M. Lesteven était venu le voir sans le trouver. Elle se souvient que son maître est rentré ce jour-là à midi pour le repas.
 M. le juge d'instruction a questionné le chauffeur sur sa tentative de communication avec Seznec lorsqu'il a tenu d'une manière bien insolite à accompagner le garçon livreur d'une maison de confections qui apportait un costume à Seznec. M. Samson confirme qu'il était chargé par Mme Seznec de demander des instructions à son mari au sujet des pistons neufs à commander pour le camion qui devait être mis promptement en état.
 Le garçon livreur de cette maison d'habillement a été également entendu accessoirement par M. Campion.
 Angèle Labigou affirme n'avoir pas lavé ni nettoyé de vêtements au retour de Seznec le 27 mai. Elles les a seulement brossés et n'a remarqué aucun[e] tache. Quant au pantalon de toile bleue qui avait été remarqué dans l'automobile parmi les accessoires au cours des premières perquisitions et qu'on trouva ensuite derrière un casier à lapins, elle déclare n'avoir pas eu l'intention de le dissimuler.

La boîte aux dollars

 Angèle Labigou a bien vu les dollars en octobre ou novembre et les a soupesés. Il y en avait bien plus d'un kilo, peut-être même deux kilos. Ils étaient dans une boîte en carton de couleur verte, de 40 à 45 centimètres de longueur, de 15 centimètres de largeur environ et de 10 centimètres de hauteur. La boîte n'était pas entièrement remplie  ; cette boîte n'aurait donc pas pu être mise dans la poche d'un pardessus comme il avait été raconté. Mais, il est possible que ce ne soit pas dans cette boîte qu'aient été placés les dollars lorsque Seznec partit en automobile pour Brest avec M. Quemeneur le 22 mai, en vue de l'établissement de l'acte de vente de la propriété de Traon-nez-en-Plourivo.
 Rappelons que d'après Seznec les dollars étaient ce jour-là dans une boîte en carton, de couleur imitant le cuir avec un petit fermoir en métal et une lanière en cuir et les dollars la remplissaient exactement. Elle devait donc être plus petite et de nature à entrer dans la poche d'un pardessus à supposer qu'elle ait existé, ainsi que son contenu. Angèle Labigou a entendu parler des dollars pour la dernière fois au début de mai lorsque Mme Seznec lui dit que son mari allait en employer quelques-uns à des achats à l'occasion de la première communion d'une de leurs filles, ainsi que nous l'avons relaté.
 Demain matin, M. Campion entendra à nouveau Me Pouliquen, notaire à Pont-Labbé, beau-frère du disparu et Mlle Quemeneur, sœur de celui-ci, et il les confrontera dans l'après-midi avec Seznec.

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