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Mercredi 27 juin 1923

26 juin 1923 | 28 juin 1923
DOCUMENTS  : Récit de Pouliquen - Audition de Pouliquen - Audition de Jenny Quéméner - Audition d’Achermann - Audition de Legrand
PRESSE  : La Dépêche de Brest - Le Matin - Autres articles

ÉVÉNEMENTS

 Auditions de Jean Pouliquen, Jenny Quéméner et Ernst Achermann par le commissaire Achille Vidal à Paris.
 Audition de Julien Legrand par le commissaire Jean-Baptiste Cunat à Landerneau.

RÉCIT DE JEAN POULIQUEN

Le mardi [26]1 juin, je reprenais avec ma belle-sœur2 la direction de Paris. M. Vidal nous avait appelé[s] pour reconnaître la valise et les objets de notre malheureux frère3. Ma belle-sœur reconnut sans hésitation la valise ainsi que les quelques menus linges qu’elle contenait  ; il y manquait cependant un complet neuf que mon beau-frère avait emporté. Dans la valise se trouvait également le portefeuille vide de mon beau-frère, un carnet de notes qu’il portait constamment sur lui et qui semblait avoir été trempé dans l’eau, une carte de Seznec recommandant à M. Ackermann de réserver bon accueil à son ami Quemeneur [et] enfin, couronnant toute cette mise en scène, un des originaux du soi-disant acte de vente de Plourivo. M. Vidal me le fit lire en me demandant si j’en avais déjà connaissance. Je lui fis savoir que c’était la première fois que j’en entendais parler, Seznec n’ayant jamais laissé entendre à aucun de nous que cet acte pût exister. Il ne l’avait pas encore non plus déclaré aux journalistes4. Je demeurais stupéfait et ma belle-sœur ne fut pas moins étonnée. Je comparais aussitôt la signature de cet acte à la signature de mon beau-frère que je possédais sur moi et j’en conclus immédiatement que l’acte avait été fabriqué de toutes pièces. Je demandais à M. Vidal de me montrer le télégramme du Havre  ; nul doute, les deux signatures étaient bien de la même main, mais cette main n’était point celle de mon beau-frère. D’ailleurs, comme je le fis remarquer à M. Vidal, mon beau-frère n’avait point de machine à écrire et ne savait pas s’en servir. Seznec n’en possédait pas non plus  ; par conséquent, une tierce personne avait dû taper l’acte. Cette personne ne tarderait pas à se faire connaître si réellement elle existait. D’ailleurs, en admettant que l’acte eût été de mon beau-frère, il l’aurait laissé chez lui dans son coffre-fort avec ses titres de propriété. Dès ce jour, j’osais accuser Seznec, que M. Vidal manda immédiatement à Paris. Ce dernier5 déclarait le même jour aux journalistes6 avoir versé à mon beau-frère le 22 mai à Brest une somme de quatre mille dollars or. Cette somme chez Seznec, poursuivi de tous côtés, ne pouvait s’expliquer.7

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1. Source  : «  25  ». Il peut s’agir d’une erreur de Jean Pouliquen ou d’une faute de copie de Bernez Rouz. C’est le 26 juin qui était un mardi et les auditions de Jean Pouliquen et de Jenny Quéméner ont eu lieu le 27 juin. Ces derniers ont donc très probablement pris le train le 26 juin au soir de Landerneau pour arriver à Paris le lendemain matin.
2. Jenny Quéméner.
3. Pierre Quéméner, frère de Jenny Quéméner et beau-frère de Jean Pouliquen.
4. Dans les articles parus le 27 juin, Guillaume Seznec justifie ainsi le versement de ses dollars à Pierre Quéméner  : «  pour liquider un compte  » (La Dépêche de Brest) et «  sous certaines garanties  » (Le Matin).
5. Non pas ce dernier, qui serait Achille Vidal, mais Guillaume Seznec.
6. Imprécision de Jean Pouliquen, car si ces déclarations sont parues ce 27 juin dans la presse, c’est qu’elles ont été faites la veille aux journalistes.
7. Bernez Rouz, pages 109 et 110.

AUDITION DE JEAN POULIQUEN
par le commissaire Vidal (extraits)

 [Concernant la soirée du 21 mai 1923 à Landerneau  :]
Mon beau-frère ne m’a nullement fait allusion à son projet de vente de propriété... Il n’aurait pas traité une semblable affaire sans me consulter. Mon beau-frère ne m’a exprimé aucun besoin d’argent. Je m’étonne donc que le lendemain, il m’ait adressé une pareille demande. C’est donc à Brest que la proposition lui a été faite.1

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1. Bernez Rouz, page 74.

AUDITION DE JENNY QUÉMÉNER
par le commissaire Vidal (extraits)

 [Concernant la préparation de la valise de Pierre Quéméner pour son départ de Landerneau le 24 mai 1923 au matin  :]
Je lui avais mis un complet veston neuf en laine et de couleur gris foncé uni.1

 [Concernant sa visite à Seznec le 8 juin 1923 à Morlaix  :]
Il me fit remarquer que je n’avais pas à m’inquiéter, ajoutant que mon frère gagnait de l’argent à Paris et que peut-être était-il parti en Amérique.2

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1. Bernez Rouz, page 109.
2. Bernez Rouz, page 100.

AUDITION D’ERNST ACHERMANN
par le commissaire Vidal

 Monsieur Ackerman Ernest1, sujet américain, 43 ans, menuisier en voitures à l’usine Renault, demeurant, 16 rue de l’Asile Popincourt à Paris.

J’ai connu Monsieur Seznec alors que j’étais soldat à Brest et détaché dans un camp américain en 1919. À cette époque, Monsieur Seznec s’est rendu acquéreur de plusieurs voitures.
 Courant mars 1920 je suis venu m’installer à Paris où j’ai d’abord habité 52 rue Richard Lenoir.
 Le 10 avril de la même année, je suis entré au service des Américains pour le «  Service des Tombes
2  ».
 Fin décembre 1922, après avoir terminé mon engagement avec les Américains, j’ai été admis à la maison Renault (automobiles) où je me trouve encore actuellement.
 Je ne suis allé qu’une seule fois à Morlaix voir Monsieur Seznec. J’étais encore à ce moment-là soldat à Brest.
 Monsieur Seznec m’a rendu une seule visite à Paris. C’était en août ou septembre de l’année dernière. Je lui avais écrit pour lui annoncer qu’il y avait quelques occasions intéressantes en voitures automobiles, au camp américain de St Ouen à Paris. Monsieur Seznec est arrivé trop tard et l’affaire n’a pu se conclure.
 Je n’ai plus revu Monsieur Seznec depuis ce moment-là.
 Dans le courant du mois dernier, je lui ai écrit pour lui proposer une affaire de courses. Il s’agissait d’une méthode pour gagner aux courses. Monsieur Seznec ne m’a pas répondu.
 Le 9 courant, j’ai reçu un télégramme avec réponse payée de Monsieur Seznec ainsi conçu  : Avez-vous eu visite d’un nommé Quémeneur — Signé Seznec.

 Le témoin nous remet ce télégramme que nous annexons au présent après l’avoir paraphé ne varietur.
Le même jour j’ai répondu à Monsieur Seznec pour lui dire que je n’avais vu personne.
 Représentons au témoin le télégramme à nous remis par Monsieur Pouliken, notaire à Pont-l’Abbé.
 Ce télégramme est ainsi conçu  : Je n’ai vu personne — Signé — Ackerman.
 Après examen, le témoin nous déclare  : C’est bien le télégramme que j’ai adressé à Monsieur Seznec.
 D — Connaissez-vous Monsieur Quémeneur  ?
 R — Non. J’ai même été surpris du télégramme de M. Seznec qui me parlait d’un nommé Quémeneur.
 D — Connaissez-vous un nommé Scherdin  ?
 R — Non.
 Représentons au témoin les photographies de Monsieur Quémeneur Pierre, le disparu, et du nommé Scherdin Bror Oscar3.
 Le témoin déclare  : Je ne connais pas les personnes que représentent ces photographies. Je ne les ai jamais vues.
 D — Avez-vous effectué un voyage ce mois-ci ou le mois dernier  [?]
 R — J’ai fait un voyage à Coblence au mois d’avril dernier vers le 17 ou 18. Je ne suis resté absent que trois jours. Depuis ce moment-là, je ne me suis plus déplacé même pour vingt-quatre heures, et j’ai travaillé régulièrement tous les jours à la maison Renault.
 S.I.4 — Je ne connais pas la rue Lafontaine à Auteuil5, et j’affirme n’y être jamais allé ni de jour ni de nuit.
 Lecture faite, persiste et signe.
Ernest C. Ackerman
 Le Commissaire de police mobile Vidal

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1. Ernst Conrad Achermann, né le 12 août 1877 à Zurich (voir mon billet du 10 avril 2018).
2. Graves Registration Service. Selon Wikipédia, il «  a été créé quelques mois après l’entrée en guerre des États-Unis dans la Première Guerre mondiale  » et il était «  chargé de la récupération, de l’identification, du transport et de l’inhumation des militaires morts américains  ».
3. Bror Oskar Scherdin.
4. Abréviations  : D (demande), R (réponse), S.I. (sur interpellation).
5. Scherdin était domicilié au 26 bis, rue La Fontaine, dans le seizième arrondissement de Paris.

AUDITION DE JULIEN LEGRAND
par le commissaire Cunat (extraits)

Quelques jours avant la Toussaint 1922, M. Seznec est venu me trouver pour me demander un prêt de 15.000 francs pour régler un procès qu’il avait perdu contre M. de Lescoët. Pour garantie de cette avance, M. Seznec m’a offert une voiture Cadillac, et si ce n’était pas suffisant, un camion auto en plus. Je lui ai répondu que je ne pouvais pas lui donner satisfaction, mais je lui ai conseillé de s’adresser à M. Quéméneur.1

Dans le courant de l’hiver dernier sans pouvoir préciser la date, j’ai lu une annonce2 dans un journal (La Dépêche de Brest, je crois) par laquelle un monsieur était acheteur de voitures américaines ou camions quel qu’en soit l’état. Or M. Quéméneur m’avait fait part vers la même époque qu’il ne voulait pas garder la voiture Cadillac en question parce qu’elle dépensait trop d’essence et qu’en outre, il possédait une Panhard. En lui communiquant l’annonce je lui ai dit  : puisque vous voulez vous défaire de votre voiture, voici une occasion qui se présente. Les choses en sont restées là.3

J’ai été obligé de faire assigner Seznec au tribunal de commerce de Morlaix, en paiement d’une somme de 2.000 francs qu’il me devait. À la suite de cela, Mme Seznec est venue me trouver pour m’apitoyer sur la situation en me disant  : «  M. Le Grand, si vous voulez, nous possédons des aciers, si vous voulez les accepter, vous vous paierez dessus.  »4

 [Le 22 mai au matin, Seznec rend visite à Legrand pour une signature  :]
M. Quéméneur l’attendait devant chez moi avec son auto pour aller à Brest.5

Le 23 mai au soir, je crois, M. Quéméneur est venu chez moi vers les 8  h.  30 ou 8  h.  45. Il m’a mis au courant de son voyage à Paris en me disant ceci  : J’ai fait une affaire avec Seznec, je pars demain livrer ma Cadillac avec lui6 à Paris où je resterai quelque temps, car nous avons fait une affaire ensemble pour achat7 de camions ou voitures américaines. Comme Seznec ne veut pas faire d’écritures, c’est moi-même qui tiendrai la comptabilité et ferai la réception des voitures.
 Je lui ai dit  : Alors Seznec fera les achats dans la région  ?
 Il m’a répondu  : Il fera les achats dans la France entière
8.
 J’ai continué  : Votre affaire me semble assez drôle, qu’on vienne chercher à Landerneau et
9 à Morlaix deux marchands de bois pour faire des achats de camion10. Mais il n’y a donc plus de connaisseurs à Paris  ? Mais si vous achetez par toute la France, il vous faudra énormément de capitaux.
 Il m’a répondu  : Je possède actuellement de l’argent liquide, de 80 à 100.000 francs, et Seznec de 40 à 50.000 francs.
 Comme Seznec m’avait appris jadis qu’il possédait des dollars-or, j’ai objecté à M. Quéméneur  : Seznec a donc vendu ses dollars  ? Seznec m’avait dit qu’il possédait 3.200 dollars depuis qu’il avait fait du blanchissement pour les Américains au cours de la guerre.
 Continuant la conversation, M. Quéméneur m’a encore dit  : Je pars demain à 5 heures du matin pour assister au conseil municipal de Saint-Sauveur, qui a lieu à 7 heures, j’ai quelques explications à donner au sujet des chemins, puis je partirai vers 8 heures car je dois être à Rennes pour déjeuner. Je repartirai avec Seznec pour Paris pour livrer ma Cadillac, qui est vendue.
 M. Quéméneur m’a dit encore que Seznec avait vendu ses dollars, mais il ne m’a pas dit à qui.
11

J’ai appris la disparition de M. Quéméneur le vendredi 15 juin courant par M. Gestin, garagiste, qui m’a fait la réflexion que c’était assez bizarre d’être parti à deux et de n’être revenu qu’un seul. M. Gestin a eu une conversation téléphonique avec Seznec, hors ma présence, il m’a dit que Seznec avait eu des réticences pour dire où était M. Quéméneur et que le matin même il12 avait reçu une lettre de sa sœur13 lui disant que Pierre était bien.14

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1. Bernez Rouz, page 66. Le procès perdu par Seznec le 30 septembre 1922 contre le marquis de Lescoët portait sur la somme de 23.000 francs.
2. Source  : «  j’ai lu dans une annonce  ».
3. Bernez Rouz, page 59.
4. Cette déclaration de Julien Legrand fournie par Bernez Rouz, page 66, semble provenir du même procès-verbal d’audition.
5. Bernez Rouz, page 75.
6. Les mots «  avec lui  » sont absents chez Denis Seznec.
7. Denis Seznec  : «  l’achat  ».
8. Source  : «  dans toute la France entière  » (expression redondante).
9. Denis Seznec  : «  ou  ».
10. Denis Seznec  : «  camions  ».
11. Denis Seznec 2009, page 96. Une partie de ce passage est donnée par Bernez Rouz, page 81. Pour chaque variante, j’ai suivi Bernez Rouz et indiqué en note la version de Denis Seznec. J’ai retiré les tirets cadratins, placés différemment chez ces deux auteurs et fautifs dans les deux cas, bien qu’ils soient certainement présents dans le document original.
12. Guillaume Seznec.
13. Jenny Quéméner, la sœur de Pierre Quéméner.
14. Bernez Rouz, page 92.

LA DISPARITION DE M. QUÉMÉNEUR

La Dépêche de Brest & de l’Ouest, 27 juin 1923, pages 1 et 5.

Comment avait-il connu l’introuvable américain  ?
Les automobiles américaines étaient destinées au gouvernement des soviets
M. Seznec convoqué à la sûreté générale

 Les faits que nous avons énoncés dans nos précédents articles nous ont permis d’établir entre autres choses les raisons qui attiraient M. Quéméneur à Paris et, vraisemblablement, de déterminer les causes de sa disparition.
 Cela n’avait pas toute la simplicité que l’on pourrait croire, étant donné que la famille se refusait obstinément à faire la moindre communication sur cette affaire qui émeut si profondément les nombreux amis du disparu et provoque chez tous un douloureux intérêt. D’autre part, M. Quéméneur, lui-même, n’avait guère parlé de façon bien précise de ce projet d’achat et de revente d’automobiles qu’il devait mettre à exécution.
 Il paraissait à tous ceux qui le fréquentaient qu’il avait en cette affaire une confiance illimitée et qu’il craignait qu’on ne la lui enlevât.
 C’est pourquoi, d’ailleurs, on remarquait qu’à ce propos ses conversations étaient pleines de réticences.
 Mais comment était-il entré en relations avec le fameux Sherdly qui, d’ailleurs, aux derniers renseignements, disait se nommer Charly et donnait pour adresse le 6 du boulevard Malesherbes — où, par parenthèse1, la police l’a vainement demandé  ?
 A l’un de ses amis qui lui posait cette question devenue particulièrement importante depuis que l’on soupçonne le rôle tragique joué par l’Américain, M. Quéméneur confiait  :
 — J’ai connu cette affaire par une annonce de journal dont la lecture m’avait fait une impression heureuse. J’avais senti à ce moment que l’affaire devait être bonne et je ne me suis point trompé.
 Pour le démontrer, le conseiller général de Sizun exposait qu’il s’agissait d’acheter des voitures américaines dans toute la France, de les réunir à Paris et de les livrer, par petit nombre, dans un garage dont il ne faisait pas connaître l’adresse.
 Là, dès la livraison, on lui versait les sommes convenues, qui ne devaient pas être inférieures au triple de la mise de fonds. C’est ainsi que pour un achat de 100.000 francs d’automobiles, il se croyait assuré d’un bénéfice de 200.000 francs.
 Mieux  : il n’était nullement nécessaire que ces voitures fussent en parfait état. «  Pourvu qu’elles roulent, disait-il, elles seront acceptées  ».
 Comme on lui objectait qu’une affaire pareille ne paraissait pas sérieuse, il se récriait, déclarant que les automobiles étaient destinées à être livrées au gouvernement russe, et qu’il en fallait, par suite, un grand nombre.
 Il ne faisait pas connaître ceux avec qui il traitait, mais, afin de convaincre son ami, il lui proposait de l’emmener à Paris pour le faire assister à la première livraison.
 Les sages conseils qui lui furent donnés ne purent avoir raison de son enthousiasme.
 Car c’est avec un réel enthousiasme, en effet, qu’il s’était lancé dans cette affaire  ; par quelques précisions nouvelles, M. Seznec nous le rappelait hier encore.
 Il avait tout d’abord reçu directement de Charly une première lettre, puis il avait fait remarquer à M. Seznec que l’enveloppe portait sur l’un de ses angles l’indication  : «  Chambre de commerce américaine de Paris  ». Cela avait été imprimé à l’encre bleue à l’aide d’un cachet de caoutchouc.
 — Quand tu recevras, recommandait-il, des lettres portant cette indication, tu me les remettras, car ce courrier-là me sera adressé chez toi.
 Et par deux fois, M. Quéméneur vint à Morlaix recevoir des lettres du même genre.
 — Les livraisons que nous devions faire, poursuit M. Seznec, comportaient des camions U.S.A. et des Cadillac. Il était entendu qu’un cautionnement de 10.000 francs devait être versé au moment de passer le marché. A cet effet, M. Quéméneur devait être présenté par Charly à l’un des personnages importants de l’affaire.
 «  Le marché dont il s’agissait comprenait cent véhicules, dont les dix premiers devaient être livrés le 2 juin. C’est pourquoi M. Quéméneur s’était empressé d’écrire à de nombreux garagistes de Nantes et de bien d’autres villes pour demander des voitures américaines.
 «  Le 22 mai, je m’étais rendu avec lui à Brest, pour, de là, gagner Lesneven, où nous devions acheter une Cadillac. Après avoir essayé la voiture, nous avons prié le vendeur de nous la réserver avant tout autre.
 «  Ce jour-là, j’ai remis à M. Quéméneur, pour liquider un compte, 4.000 dollars en or  ; je crains qu’il ne les ait emportés à Paris.
 «  Il avait tellement confiance qu’il voulait adresser immédiatement par courrier le cautionnement de 10.000 francs. Je parvins à l’en empêcher, comme je réussis aussi à le convaincre qu’il était imprudent d’aller chez son beau-frère, à Pont-l’Abbé, prendre les fonds nécessaires à la première opération. Il consentit donc, sur mes instances, à se les faire adresser à Paris, en un chèque.  »
 M. Seznec ne sait pas comment le disparu est entré en relations avec Charly. Il croit que jamais il ne l’avait vu avant ce voyage, qui se termina de si mystérieuse façon.

Quelle fut cette conversation téléphonique  ?

 Donc, quant à présent, la personnalité de ce Charly demeure impénétrable. Mais sait-on seulement si M. Quéméneur l’a rencontré et en quel lieu  ?
 Lorsque le conseiller général avait quitté M. Seznec devant la gare de Dreux, où il espérait avoir un train, il lui avait dit  :
 — Efforce-toi de gagner Paris si la chose est possible. Tu me trouveras à l’hôtel de Normandie, près de la gare Saint-Lazare, où je vais descendre.
 Or, en cet hôtel on n’a pas reçu le conseiller général. Le fait a été vérifié par M. Seznec lui-même, qu’une affaire appelait à Paris dans le courant de ce mois.
 D’autre part, on se demande comment, le 26 mai, une personne inconnue a pu se présenter au bureau de poste du boulevard Malesherbes pour demander au guichet de la poste restante si un pli chargé n’était pas arrivé à l’adresse de M. Quéméneur. En effet, qui donc avait connu à Paris l’envoi du chèque et par quel moyen  ?
 M. Seznec nous déclare qu’il croit que le 24 mai, alors qu’il l’attendait à Rennes, M. Quéméneur avait téléphoné à Charly. Il le croit, car tandis qu’ils reprenaient la route, son compagnon lui fournit sur l’affaire des renseignements nouveaux, des précisions qu’il n’avait pu jusqu’alors apporter.
 Cette conversation téléphonique succédant à la demande d’envoi du chèque aurait-elle été fatale à M. Quéméneur  ?
 C’est ce qu’il importe de rechercher.
 Ajoutons que la sœur du disparu, Mlle Quéméneur, de Landerneau, et son beau-frère, M. Pouliquen, notaire à Pont-l’Abbé, se sont rendus à Paris où la valise retrouvée au Havre leur sera présentée.
 Hier soir, également, M. Seznec était invité par la brigade mobile à se rendre d’urgence à Paris pour y être entendu par M. Vidal, commissaire à la sûreté générale2.

L’AFFAIRE QUÉMÉNEUR
L’enquête de la sûreté générale

Quéméneur était au Havre le 13 juin

 Paris, 27. — La Sûreté générale a procédé à l’examen du carnet de dépenses de M. Quéméneur.
 Cet examen semble indiquer que son séjour à Paris a été de courte durée. Une inscription est restée indéchiffrable jusqu’à présent. Elle commence par le mot «  voyage  ».
 Un voyage reste donc à déterminer et doit se placer entre l’arrivée de Quéméneur au Havre et le 13 courant.
 Par ailleurs, contrairement à la première hypothèse, l’examen du télégramme saisi au Havre et expédié à la famille Quéméneur paraît démontrer qu’il a été rédigé par Quéméneur lui-même. Ce dernier était donc encore vivant le 13.
 Au sujet de la découverte de la valise, on a remarqué que celle-ci avait des éraflures nombreuses, des traces de boue et de sang. La serrure a été forcée.
 Le linge ne présente aucune trace d’humidité. Par contre, divers papiers et un carnet auraient été immergés.
 Dans le portefeuille, on constate même des traces de sable de mer.
 D’après l’enquête, Quéméneur aurait été assassiné soit le 13 ou le 20.
 On s’explique assez difficilement si l’on situe la date du crime dans la journée du 13, que l’assassin ait imprudemment conservé par devers lui un bagage compromettant pendant sept jours, c’est-à-dire jusqu’au 20.

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1. J’ai supprimé un tiret cadratin placé par erreur après ce mot dans la source.
2. Cet article en première page se termine par une section datée du Havre le 25 et intitulée «  Du sang sur la valise  », identique à la section «  Du sang sur la valise du disparu  » parue dans Le Matin du 26 juin 1923.

DIX-HUIT JOURS APRÈS SA DISPARITION
M. QUEMENEUR ÉTAIT ENCORE VIVANT

Le Matin, 27 juin 1923, pages 1 à 3.

On ne sait pas où le conseiller général
logea à Paris le soir de son arrivée, le 25 mai

 Si la disparition de M. Pierre Quemeneur, conseiller général du Finistère, reste toujours aussi mystérieuse, un grand pas, cependant, vient d’être fait par l’enquête, à savoir qu’il semble bien que le 13 juin, c’est-à-dire dix-huit jours après avoir quitté à Dreux M. Sezenec, qui est celui qui le vit et put donner pour la dernière fois de ses nouvelles, M. Quemeneur était encore vivant.
 Contrairement aux hypothèses envisagées par sa famille, il semblerait maintenant que le télégramme envoyé ce 13 juin, du Havre, à Mlle Quemeneur, à Landerneau, aurait bien été expédié par le conseiller général du Finistère.

Les inscriptions d’un carnet de dépenses

 Par ailleurs, les inscriptions portées sur le carnet de comptes du disparu, et, notamment, celle ainsi libellée et qui est la dernière de ce carnet  :
   13 juin 23. — Déjeuner, 8 fr. 75
 paraissent bien également avoir été écrites par M. Quemeneur.
 A l’égard de ce carnet de comptes, il convient de remarquer en outre que, seule cette dernière dépense pour un déjeuner modeste porte une indication de date — celle, précisément de cette journée du 13 juin à partir de laquelle l’ombre et le silence allaient surgir définitivement, autour de M. Quemeneur.
 Mais, si M. Quemeneur était encore vivant le 13 juin, que fit-il depuis le moment où, le 24 mai1, il quitta à Dreux M. Sezenec  ? Si sur son carnet de comptes, on relève, écrites au crayon, maintes autres dépenses, telle, par exemple, celle de 127 francs de frais divers (sic) à Paris, puis de 31 fr. 75 pour billet Paris-Le Havre (c’est le prix d’un billet simple de 2e classe), nulle date ne précède ces inscriptions. Après celle relative à ce billet Paris-Le Havre, et immédiatement avant celle relative au déjeuner du 13 juin, une ligne presque entièrement effacée par l’eau commence par ces mots  : «  Voyage à M...  ». Mais les lettres suivant cette initiale M sont illisibles.
 Ces divers papiers, ainsi que le texte original du télégramme adressé à Mlle Quemeneur, ont été rapportés hier à Paris par l’inspecteur de la Sûreté générale qui était allé enquêter au Havre, et ont été confiés aux services de l’identité judiciaire, à la préfecture de police. Il en a été de même de la valise retrouvée le 20 juin à la gare du Havre, et qui contenait ces papiers. Cette valise, de la forme carrée, plate, dite mallette porte-habits, et en simili-cuir, est de qualité très ordinaire. Sur l’un de ses côtés et sur une partie de son couvercle, on remarque des taches plus sombres que le reste de l’enveloppe. Taches d’humidité ou taches de sang  ? Seule une expertise ultérieure pourra nous fixer sur ce point.

A l’hôtel de Normandie

 Les diverses enquêtes menées jusqu’ici à Paris n’ont point permis d’y retrouver la trace de M. Quemeneur. De même, on ignore toujours quel est le personnage américain, du nom de Scherdly, avec qui, avant de quitter Landerneau, le conseiller général du Finistère avait annoncé qu’il devait traiter à Paris d’importantes affaires.
 — Nous n’avons jamais eu ici de client de ce nom. Le 12 juin dernier, nous avons reçu de Landerneau une lettre d’une demoiselle Quemeneur qui nous écrivait en substance  : «  Je suis sans nouvelles de mon frère qui devait descendre à votre hôtel le 24, 25 ou 26 mai. Il y avait donné rendez-vous à diverses personnes le 26 mai. Nous savons que ces personnes s’y sont présentées et ne l’y ont point rencontré. Je vous serais donc très obligée de me dire si vous l’avez vu...  » Nous n’avons pu que répondre à Mlle Quemeneur que nous n’avions jamais vu son frère et que nous ne le connaissions point.
 Et on se demande, aujourd’hui, quelles raisons avaient déterminé M. Quemeneur à donner comme adresse à Paris cet hôtel de Normandie où il n’était jamais allé et où il ne vint jamais.

LA DISPARITION DE M. QUEMENEUR
Notre enquête à Landerneau

Un récit de M. Sezenec

[DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL]

 BREST, 26 juin. — Par téléphone. — Naturellement, la disparition inexpliquée de M. Quemeneur, conseiller général du Finistère, fait beaucoup de bruit à Landerneau où il résidait en la villa Ker-Abri. La sœur et le beau-frère de M. Quemeneur, notaire à Pont-Labbé, sont partis pour Le Havre, dans l’espoir de recueillir quelques nouveaux indices.

Le mystérieux Américain

 Je me suis longuement entretenu avec M. Sezenec, le marchand de bois qui, dans son automobile, emmena M. Quemeneur de Rennes à Dreux.
 Voici ce qu’il m’a déclaré  :
 — M. Quemeneur est un ami de vieille date. Il y a quelques mois, il m’a rendu un signalé service. Condamné à payer une somme importante, il me manquait 15.000 francs qu’il m’a prêtés, en échange d’une garantie que je lui donnai sur ma voiture torpédo 36 chevaux.
 Il y a deux mois environ. M. Quemeneur était entré en correspondance, comment  ? je ne l’ai jamais su, avec un mystérieux personnage, un Américain, qui lui offrit une affaire superbe, l’achat d’autos de marque à céder au gouvernement russe par l’intermédiaire du même personnage qui proposait l’affaire  !
 Ces propositions intéressèrent très vivement M. Quemeneur qui décida de m’y associer. Je fus chargé de recevoir les lettres que l’Américain envoyait à M. Quemeneur. Deux me parvinrent. Elles portaient l’en-tête de la chambre de commerce américaine, 36, rue Taitbout, à Paris, étaient signées d’un nom commençant par Scher... et se terminant par un «  y  », quelque chose comme Scherzy, Scherky, etc.
 Je remis ces missives sans les décacheter à M. Quemeneur qui m’en lut certains passages. Ils avaient trait au commerce des automobiles et contenaient les conditions offertes. Etant donné sa qualité de conseiller général, M. Quemeneur décida d’accepter l’affaire en participation avec moi. Il fournissait les capitaux, mais c’est sous mon nom que devaient être faites les transactions. La première voiture qui devait être vendue était la mienne, que nous devions conduire à Paris le 24 mai, où l’Américain l’attendait.
 Le 22 mai, je me rendis à Landerneau chez M. Quemeneur, puis tous deux nous partîmes à Lesneven où une autre Cadillac était offerte en vente, pour laquelle M. Quemeneur se fit donner une option, après avoir constaté la bonne marche de la voiture. Avant, nous nous étions arrêtés Brest. M. Quemeneur s’était présenté à la Société bretonne de crédit pour solliciter une avance de 100.000 francs représentant les capitaux dont il avait besoin pour le payement immédiat des premières autos achetées. Cette avance lui fut refusée. C’est alors qu’il décida d’avoir recours à son beau-frère auquel par téléphone il demanda de lui expédier un chèque barré sur la Société générale d’une somme de 60.000 francs et adressé à son nom au bureau de poste 3, boulevard Malesherbes.
 Profitant de ce que je me rendais à Brest, j’avais eu soin d’emporter dans une petite boîte, où je les tenais cachés depuis fort longtemps, 4.000 dollars-or que je comptais échanger à la banque. Je les offris sous certaines garanties à mon ami Quemeneur.
 Ayant accepté mon offre, Quemeneur emporta la boîte contenant mes dollars, puis nous rentrâmes chacun chez nous, lui à Landerneau, et moi à Morlaix.
 Le lendemain, 23 mai, je fus à Landerneau chercher ma voiture. Je la ramenai à Morlaix, et le 24 mai, à 10  h.  30, je quittai cette ville en automobile pour me rendre à Paris. A Rennes, comme convenu, je rejoignis M. Quemeneur. Le 25 mai, nous quittions Rennes pour Paris.
 A Dreux, au centre de la ville, une panne de carburateur nous retint jusqu’à 20 heures. Un mécanicien, M. Hodey, 33, rue d’Horfeuil, vint nous dépanner, mais la voiture n’avançait que difficilement, au point qu’à 5 ou 6 kilomètres de la ville, Quemeneur renonça à gagner la capitale en auto. Il la ramena à la gare de Dreux où il me quitta, disant  :
 — Si tu crois que la voiture soit invendable, tu m’attendras demain il la porte de Versailles où je viendrai te prendre. Quant à moi, je file à Paris par le train, parce que j’ai rendez-vous demain matin, avenue du Maine avec l’Américain.
 Je continuai mon voyage sur Paris mais à 15 ou 16 kilomètres au delà de Dreux, mes chambres à air crevèrent à nouveau. N’ayant pas de phares, je dus attendre sur le bord de la route, assis dans ma voiture, le lever du jour pour effectuer la réparation. Je gagnai Millemont. Je passai la journée à l’hôtel et, auprès avoir réparé et renonçant à aller à Paris, je gagnai un hôtel où je passai la nuit. Le lendemain, je me mis en route pour Morlaix. J’eus à Dreux une nouvelle panne de carburateur. Le même mécanicien dut me remorquer jusque chez lui et réparer ma voiture. Le soir, je couchai à Pré-en-Pail.
 Je repartis le 27 à 8 heures. J’eus encore différentes pannes à Mayenne, à Rennes, ce qui me retarda tellement que je n’arrivai à Morlaix que le 28.

M. Sezenec convoqué à Paris

 M. Sezenec a été prié, hier soir, par la Sûreté générale, de venir d’urgence à Paris pour y être entendu sur les circonstances du voyage en automobile qu’il accomplit en compagnie de M. Quemeneur.

___
1. En réalité le 25 mai.

AUTRES ARTICLES

La Croix, page 5.
La Dépêche de Brest (supra)
L’Écho d’Alger, page 2.
Excelsior, page 5.
Le Figaro, page 3.
Le Gaulois, pages 2 et 3.
L’Homme Libre, page 3.
L’Humanité, page 2.
L’Intransigeant, page 3.
Le Journal, pages 1 et 3.
Journal des Débats, page 3.
La Lanterne, page 3.
Le Matin (supra)
L’Ouest-Éclair, pages 1 et 3.
Le Petit Journal, pages 1 et 3.
Le Petit Parisien, pages 1 et 3.
Le Populaire, pages 1 et 5.
La Presse, page 1.
Le Radical, page 3.
Le Rappel, page 3.
Le Temps, page 4.

Mardi 26 juin 1923

25 juin 1923 | 27 juin 1923
PRESSE  : Excelsior - L’Ouest-Éclair - La Dépêche de Brest - La Presse - Le Matin - Autres articles

ÉVÉNEMENTS

 Audition de Guillaume Seznec par le commissaire Jean-Baptiste Cunat à Morlaix.

QU’EST DEVENU M. QUEMENEUR, CONSEILLER GÉNÉRAL
DU FINISTÈRE DISPARU DEPUIS LE 25 MAI  ?

Excelsior, 26 juin 1923, page 3.

 Nous avons annoncé la disparition de M. Pierre Quemeneur, industriel à Landerneau, conseiller général du Finistère, qui, parti de chez lui le 24 mai, n’a pas été revu depuis le lendemain 25, date à laquelle il quittait, à Dreux, un de ses amis, négociant à Morlaix, M. Bezenec.
 La sûreté générale communique au sujet de cette mystérieuse affaire les renseignements qu’elle a pu recueillir jusqu’ici.
 Dans la journée du 25 mai, alors que M. Quemeneur se trouvait à Dreux, une personne se présenta au bureau de postes numéro 3, boulevard Malesherbes, à Paris, et demanda au guichet de la poste restante s’il n’était pas arrivé un pli chargé à l’adresse de M. Pierre Quemeneur. Cette personne étant inconnue et, d’autre part, un pli chargé ayant été, en effet, envoyé à M. Quemeneur par son beau-frère, M. Pouliguen, notaire à Pont-l’Abbé, le contrôle général des services de recherches judiciaires ouvrit une enquête. Elle suivait son cours lorsque, par un avis téléphonique parti du Havre, M. Pouliguen fit savoir que son beau-frère lui avait télégraphié pour lui annoncer son arrivée prochaine  : «  Rentrerai à Landerneau dans quelques jours. Tout va pour le mieux. Quemeneur.  »
 Les familles Pouliguen et Quemeneur ne croient pas à l’authenticité de ce télégramme. Elles en ont avisé le contrôle et l’on est à peu près certain aujourd’hui que ce télégramme n’est pas de la main de M. Quemeneur. Qui donc a pu l’écrire  ? Première question.
 En second lieu, on a découvert dans la salle d’attente des troisièmes classes de la gare du Havre une valise abandonnée et forcée renfermant un peu de linge ainsi qu’un portefeuille avec les papiers d’identité du disparu. Ces papiers paraissent avoir séjourné dans l’eau, l’écriture en est délavée et, dans le portefeuille, il y a du sable de mer. Cependant, parmi ces papiers, on a trouvé un petit carnet de dépenses quotidiennes, tenu à jour jusqu’au 13 courant.
 L’enquête en est là et le contrôle général des recherches judiciaires, 11, rue des Saussaies, recevra toutes les indications qui pourraient lui permettre de faire la lumière sur la mystérieuse disparition de M. Quemeneur.
 On sait encore que M. Bezenec devait venir vendre son automobile à Paris et que M. Quemeneur, lui ayant prêté une assez forte somme, s’intéressait tout naturellement à cette vente. L’automobile ayant eu une panne de moteur, M. Bezenec se chargea de l’aller faire réparer à Morlaix, tandis que M. Quemeneur déclarait vouloir prendre le premier train pour Paris. Mais M. Quemeneur est-il réellement parti pour Paris  ? C’est la seconde question que l’enquête essaie d’élucider.

UN CONSEILLER GÉNÉRAL DU FINISTÈRE
AURAIT ÉTÉ ASSASSINÉ

L’Ouest-Éclair, 26 juin 1923, pages 1 à 3.

 LANDERNEAU, 25 juin. — Depuis le jeudi 24 mai, M. Pierre Quéméneur, conseiller général de Sizun, négociant à Landerneau, âgé de 45 ans, a disparu et, depuis cette date, sa famille vit dans l’angoisse, redoutant à chaque moment, l’annonce d’un malheur.
 Le 24 mai, M. Quemeneur qui habite avec sa jeune sœur, villa Ker Abri, près de Landerneau, partit par l’express du matin pour Paris. Il s’arrêta à Rennes où il descendit à l’Hôtel Parisien, place de la Gare. Là, il fut rejoint par M. Seznec, courtier à Morlaix, venu dans une automobile qu’ils devaient livrer à Paris.
 De Rennes, ils gagnèrent, par automobile, Ernée, Mayenne, Mortagne et Dreux, retardés par un nombre considérable de pannes.
 A Dreux, M. Quémeneur monta dans l’express pour Paris et M. Seznec regagna Morlaix, désespérant d’atteindre jamais la capitale.

Le rendez-vous

 Voilà donc le conseiller général à Paris  ; du moins on le suppose. Le 26 mai, il avait rendez-vous avenue du Maine et devait traiter une grosse affaire de vente d’automobiles avec un américain nommé Scherldy.
 On ignore si l’entrevue eut lieu, en tout cas, la famille Quémeneur n’en entendit jamais parler.

Un singulier télégramme

 On se désespérait lorsque le 13 juin, un télégramme signé Pierre Quémeneur, parvint du Havre, à la jeune sœur du conseiller général. Tout allait bien, disait en substance, la dépêche.
 Ce fut une grande surprise, mêlée d’effroi, quand on apprit, quelques jours plus tard, que ce télégramme n’avait pas été écrit par M. Quémeneur.
 D’autre part. M. Seznec affirma que son compagnon avait, à Rennes, télégraphié à son beau-frère, notaire à Pont-l’Abbé, pour se faire envoyer à Paris, poste restante, un chèque de 80.000 francs.
 L’affaire, on le voit, est vraiment ténébreuse  ; mais ce n’est pas ici que l’on pourra percer ce mystère  ; aussi, attend-on impatiemment les résultats de l’enquête qui est conduite à Paris.

L’ENQUÊTE À PARIS

 PARIS, 25 juin. — A la suite de l’enquête qu’elle a ouverte, sur la disparition de M. Pierre Quémeneur, conseiller général du Finistère, la Sûreté générale a pu établir à peu près les faits et gestes du disparu, durant les deux jours qui ont suivi son départ.
 M. Quémeneur est parti de Landerneau, à destination de Paris, le 24 mai dernier. On perd sa trace, le 25 au soir, date à laquelle il a quitté, à Dreux, un de ses amis, M. Sézenec, négociant domicilié à Morlaix.

Le chèque de 80.000 francs

 Le lendemain de ce jour le 26, une personne se présentait au bureau de poste du boulevard Malesherbes et demandait au guichet de la poste restante, si un pli chargé n’était pas arrivé à l’adresse de M. Quémeneur. Cette personne n’a pu encore être identifiée. Il est exact, par ailleurs, qu’un pli chargé a été expédié par M. Pouliquen, notaire à Pont-l’Abbé, à son beau-frère M. Quémeneur. A ce moment, l’enquête fut arrêtée par un avis téléphonique de M. Pouliquen, faisant connaître que son beau-frère venait de télégraphier du Havre à sa famille, pour annoncer sa rentrée prochaine.
 Puis, les 16 et 18 juin, deux lettres et un télégramme des familles Quémeneur et Pouliquen, arrivèrent à la Sûreté générale, émettant des doutes sur l’authenticité du signataire du télégramme expédié du Havre.
 Le Parquet de Brest, saisi à ce moment, a ouvert une information et plusieurs commissions rogatoires sont en voie d’exécution. Le télégramme, expédié du Havre, paraît, en effet, n’avoir pas été écrit par M. Quémeneur.

La valise du disparu retrouvée à la gare du Havre

 En outre, le 20 juin, une valise était découverte, abandonnée et forcée, dans la salle d’attente des troisièmes classes du Havre. Cette valise, qui fut tout d’abord déposée aux objets trouvés, renfermait du menu linge et un portefeuille contenant les papiers d’identité du disparu. Ces papiers paraissaient avoir été immergés  ; l’écriture en était délavée et l’on constatait, dans les plis du portefeuille, des traces de sable de mer.
 Enfin, parmi les papiers, se trouvait un petit carnet de dépenses, tenu au jour le jour, au 13 juin. A cette date, on relève encore une dépense afférente à un repas.
 La Sûreté générale poursuit son enquête, tant à Paris que dans la région du Havre.

ON CROIT À UN CRIME

 LE HAVRE, 25 juin. — La Sûreté générale fait des recherches au Havre pour retrouver la trace du passage de l’Américain qui, d’après ce qu’on croit, aurait assassiné M. Quémeneur et aurait envoyé du Havre le télégramme  : «  Tout va bien. — Pierre  » qui rassura la famille pendant quelques jours et ralentit les recherches.
 Le télégramme est retrouvé. L’écriture est allongée  : des experts vont être commis pour en examiner le texte.
 M. Quémeneur, âgé de 45 ans, était célibataire et était donc parfaitement libre de ses actes. C’était de plus un homme difficilement influençable, incapable d’un coup de tête dont on ne voit pas la raison.
 En tous cas, on écarte l’hypothèse d’une fugue.
 La police s’arrête donc de plus en plus à l’hypothèse d’un crime. Mais où aurait-il été consommé  ? On ne pense pas que ce soit au Havre où M. Quémeneur n’avait aucun motif d’aller. On se demande si le disparu, ayant été tué à Paris par exemple, l’assassin ne se serait pas embarqué au Havre après avoir lancé son télégramme pour retarder les recherches et se donner le temps de débarquer en Angleterre ou aux Etats-Unis.
 La Sûreté a avisé le Parquet de Brest qui a commis un juge d’instruction, lequel fait procéder à des recherches de son côté.

LA TROUBLANTE DISPARITION DE M. QUEMENEUR

 LANDERNEAU, 25 juin. — A Landerneau et dans tout le canton de Sizun, on ne s’entretient que de la disparition de M. Quémeneur, qui cause une grosse émotion.
 Nous nous sommes présenté la villa «  Ker Abri  », maison tranquille tapie dans la verdure, un peu en retrait de la route de Landerneau, où M. Quémeneur vivait avec sa plus jeune sœur. Mlle Quemeneur a bien voulu nous recevoir, mais ne put rien nous apprendre. Elle se borna à nous déclarer que l’on avait vainement recherché son frère et qu’elle ignorait les résultats de l’enquête qui se poursuit actuellement à Paris et au Havre.
 Nous avons interrogé plusieurs personnes  ; toutes ont le pressentiment que M. Quéméneur a été victime d’un attentat. On a émis l’hypothèse que M. Quéméneur serait subitement parti pour l’Amérique où il aurait été appelé par ses affaires, mais il aurait prévenu sa sœur qu’il tenait toujours au courant de ses déplacements et à qui il avait l’habitude d’écrire presque journellement au cours de ses voyages.
 Dans le pays, où l’on n’a pas oublié le mystère de la Grande Palud, on répète  : «  C’est une seconde affaire Cadiou.  »
 M. Quémeneur était de taille petite  ; il avait1 1  m.  60 environ  ; il avait les cheveux châtains, le visage respirait la franchise. Il portait plusieurs dents aurifiées à la mâchoire supérieure2.

___
1. On employait parfois le verbe «  avoir  » pour indiquer la taille.
2. En réalité, selon son dentiste, un bridge de trois dents en or à la mâchoire inférieure.

LA DISPARITION DE M. QUEMENEUR

La Dépêche de Brest & de l’Ouest, 26 juin 1923, page 1.

Il semble se confirmer que le conseiller
général de Sizun a été assassiné

L’émotion dans la région — Où l’on peut voir le mobile d’un crime
On découvre au Havre la valise du disparu

 On connaissait parfaitement dans toute la région M. Pierre Quéméneur, et l’on n’avait pas manqué de s’étonner à plusieurs fois de ne point le rencontrer en divers endroits, où il avait coutume de fréquenter. Des lettres qu’on lui écrivait demeuraient sans réponse, des invitations lui avaient été faites, et il ne s’y était pas rendu  ; des faits semblables surprenaient de la part d’un homme dont la conduite était si régulière.
 Partout, on se demandait ce qu’était devenu le conseiller général de Sizun. Agé de 45 ans, originaire de Saint-Sauveur, il n’avait jamais, en effet, abandonné notre contrée, où ses relations n’avaient cessé de se développer. Après s’être longtemps occupé de culture, il s’établissait marchand de vins, vers 1910. A l’époque de la guerre, il entreprit le travail du bois et des chevaux. C’est vers 1919, année au cours de laquelle il fut élu conseiller général, qu’il vint se fixer à Landerneau dans une belle propriété appelée Ker-Abri.
 A Brest également, il avait des relations très suivies avec de nombreux industriels, et il était très connu dans notre cité.
 On comprend après cela pourquoi sa disparition cause un si vif émoi. Peut-on l’attribuer à une fugue  ? Nul n’y croit parmi ceux qui connaissent la conduite régulière de M. Quéméneur.
 Alors, qu’est-il devenu depuis le moment où, le 25 mai, à la nuit tombante, M. Seznec l’a vu disparaître sous l’entrée de la gare de Dreux  ?
 A-t-il seulement gagné Paris  ? On ne le sait pas encore. C’est ainsi qu’il devait se rendre chez M. Ackerman, 16, rue de l’asile Popincourt, après avoir fait visite au mystérieux Sherldy, et qu’il ne s’y est pas présenté.

Une bande de malfaiteurs internationaux  (?)

 Mais l’attention se fixe sur les faits inquiétants que nous avons signalés hier. C’est d’abord l’impossibilité de retrouver le personnage qui, sous le nom de Sherldy, correspondait avec M. Quéméneur. Puis, c’est cet inconnu qui se présente au guichet de la poste restante de Paris pour réclamer le chèque de 80.000 fr. que M. Pouliquen, notaire à Pont-l’Abbé, n’a pas encore eu le temps d’y faire parvenir pour son beau-frère. Enfin, c’est ce télégramme du Havre qui avait pour but de calmer les inquiétudes de la famille au moment où elle faisait appel au concours de la justice.
 L’impression très nette qui se dégage de ces faits est que M. Quéméneur a été attiré dans un guet-apens et que la police se trouve à présent en face de malfaiteurs habiles et redoutables.
 Des constatations faites au cours d’enquêtes menées afin d’éclaircir maintes affaires, on a déjà établi qu’il existait en France une bande organisée de bandits internationaux comptant surtout parmi ses membres des Américains  ; faut-il admettre que notre compatriote en a été la victime  ?
 C’est ce que recherchent actuellement des inspecteurs de la Sûreté générale.

Une trop belle affaire

 Pour notre part, nous nous efforçons d’établir sur place quelles étaient les relations d’affaires de M. Quéméneur et de l’Américain Sherldy.
 Tout d’abord, comment l’avait-il connu  ? Pour le moment, nous l’ignorons, mais nous croyons pouvoir l’établir bientôt.
 Nous savons, par contre, que ce mystérieux individu n’écrivait pas directement au conseiller général de Sizun. Ses lettres, à en-tête d’une Chambre de commerce américaine, vraisemblablement ainsi faites pour surprendre la confiance du destinataire, étaient adressées à M. Seznec, à Morlaix.
 M. Seznec, qui devait être associé en cette affaire, les remettait à M. Quéméneur, puis en prenait ensuite lecture. C’est ainsi qu’il pouvait remarquer que les phrases étaient écrites en un français qui rappelait parfaitement celui d’autres correspondants américains.
 Mais qu’était donc cette affaire qui enthousiasmait si fort le disparu, au point qu’il répétait fréquemment à son associé, en lui frappant l’épaule  :
 «  Mon cher Seznec, sois tranquille, nous allons pouvoir bientôt rouler sur l’or.  »
 Il s’agissait d’acquérir des automobiles américaines dans le pays tout entier pour les revendre bon prix à une adresse que Sherldy allait indiquer. Celui-ci, qui se prétendait attaché à la Chambre de commerce, dont ses lettres portaient le nom, réclamait une somme de 2.000 francs par voiture pour avoir procuré l’affaire. Comme tous les véhicules U.S.A. devaient être acceptés, le bénéfice à réaliser était considérable.

Un guet-apens bien préparé

 C’est ainsi, qu’enchanté de l’aubaine, M. Quéméneur se présentait le 24 mai, à la nuit tombante, chez M. Legrand, à Landerneau, et lui exposait l’affaire dans ses grandes lignes, sans toutefois, lui faire connaître le personnage avec lequel il était entré en relations.
 — Moi, disait le visiteur, je me charge de la réception, à Paris, des voitures que Seznec pourra acheter dans toute la France.
 — Mais, objectait M. Legrand, il faudra pour cela des capitaux considérables.
 — Non, car les livraisons se feront par dix voitures immédiatement payées. Pour ma part, j’avance 80.000 francs  ; quant à Seznec, il met dans l’affaire environ 40.000 francs.
 «  Après m’avoir ainsi longuement parlé de ce projet, dit M. Legrand, M. Quéméneur me dit qu’il quittait Landerneau le lendemain, à 5 heures, pour se rendre à Saint-Sauveur, où le conseil municipal se réunissait à 7 heures.
 «  Je dois exposer là, disait-il, une question de chemins vicinaux, mais je n’assisterai pas au déjeuner qui suit d’ordinaire ces séances, car il me faudra prendre le train pour Rennes, où je dois retrouver Seznec.  »
 Et M. Quéméneur quittait M. Legrand après lui avoir promis de revenir bientôt déjeuner en sa compagnie.

Les découvertes de la Sûreté

 La justice, avons-nous dit, procède à des recherches minutieuses, dans le but d’éclaircir le mystère. Ces recherches ne sont pas demeurées vaines. Elles ont même fourni des résultats de première importance, à en juger par le télégramme suivant que nous recevons par notre fil spécial  :

 Paris, 25. — A la suite de l’enquête qu’elle a ouverte sur la disparition de M. P. Quéméneur, 45 ans, négociant à Landerneau, conseiller général du Finistère, la sûreté a pu établir à peu près les faits et gestes du disparu durant les jours qui ont suivi son départ.
 M. Quéméneur est parti de Landerneau à destination de Paris le 24 mai dernier. On perd sa trace le 25 au soir, date à laquelle il a été vu à Dreux avec un de ses amis, M. Seznec, négociant, domicilié à Morlaix.
 Le lendemain de ce jour, le 26, une personne se présentait au bureau de poste du boulevard Malesherbes et demandait au guichet de la poste restante si un pli chargé n’était pas arrivé à l’adresse de M. Quéméneur. Cette personne n’a pu encore être identifiée.
 Il est exact, par ailleurs, qu’un pli chargé a été expédié par M. Pouliquen, notaire à Pont-l’Abbé, à son beau-frère, M. Quéméneur.
 A ce moment, l’enquête fut arrêtée par un avis téléphonique de M. Pouliquen, faisant connaître que son beau-frère venait de télégraphier du Havre à sa famille pour annoncer sa rentrée prochaine. Puis, les 16 et 18 juin, deux lettres et un télégramme des familles Quéméneur et Pouliquen arrivèrent à la sûreté générale, émettant des doutes sur l’authenticité du signataire du télégramme expédié du Havre.
 Le Parquet de Brest, saisi à ce moment, a ouvert une information et plusieurs commissions rogatoires sont en voie d’exécution.
 Le télégramme expédié du Havre paraît, en effet, n’avoir pas été écrit par M. Quéméneur.

M. Quéméneur aurait-il été jeté à la mer  ?

En outre, le 20 juin, une valise était découverte abandonnée et forcée dans la salle d’attente de 3e classe du Havre. Cette valise, qui fut tout d’abord déposée aux objets trouvés, renfermait du menu linge et un portefeuille contenant les papiers d’identité du disparu.
 Les papiers paraissaient avoir été immergés, l’écriture en était délayée et l’on constatait dans les plis du portefeuille des traces de sable de mer.
 Enfin, parmi les papiers se trouvait un petit carnet de dépenses tenu au jour le jour jusqu’au 13 juin. A cette date, on relève encore une dépense afférente à un repas.
 La sûreté générale poursuit sont enquête tant à Paris que dans la région du Havre.

LA DISPARITION DE M. QUEMENEUR

La Presse, 26 juin 1923, page 1.

Le conseiller général aurait été assassiné au Havre

Les circonstances du crime demeurent enveloppées d’un épais mystère

 Les recherches faites à la suite de la disparition singulière de M. Que[men]eur1, marchand de bois à Landerneau, conseiller général du Finistère, semblent établir, à l’heure actuelle, que l’on se trouve en présence d’un crime.

L’Enquête

 On s’est tout d’abord demandé, une fois la valise de M. Quemeneur retrouvée au Havre, dans l’état et dans les conditions que l’on connaît, si son assassin, une fois le crime accompli, n’était pas venu au Havre, pour s’embarquer à destination de l’Amérique.
 On pouvait penser en même temps que pour gagner du temps et détourner les soupçons, le criminel avait envoyé à Mlle Quemeneur, une dépêche tendant à rassurer la famille, sur une absence prolongée de l’intéressé.
 Or, il apparaît comme certain aujourd’hui, que la dépêche a bien été libellée de la main même de M. Quemeneur2.
 Un expert en écriture a été commis, qui établira le fait d’une manière définitive.
 Donc, pour l’instant, on peut admettre que M. Quemeneur était encore au Havre le 13 juin.
 Dans quel but le disparu serait-il venu au Havre  ? Voilà ce que l’enquête cherche à établir.
 On sait que le conseiller général du Finistère était venu de Dreux à Paris, par le train, ayant à y régler des affaires importantes. Est-ce la réalisation d’une de ces affaires qui l’a conduit au Havre  [?]
 Sa famille a fait savoir qu’il était depuis quelque temps désireux de se rendre à Cardiff, pour y terminer une affaire de poteaux de mines.
 Avait-il décidé de s’embarquer au Havre pour l’Angleterre  ?
 On ne tardera pas à être fixé sur ces différents points.

Les Circonstances du Meurtre

 Dans quelles conditions M. Quemeneur a-t-il été assassiné  ? Voilà ce qui demeure encore dans l’obscurité la plus complète.
 Une hypothèse se présente et qui va donner lieu à une enquête particulière.
 Amoureux de la mer, comme tous les Bretons, M. Quemeneur a-t-il été se promener, sur le bord de la falaise, avant de chercher une chambre d’hôtel, et aura-t-il été précipité dans les flots où il aurait été achevé  ? C’est ce que semblent établir les papiers retrouvés dans son portefeuille, qui paraissant avoir été immergés.

Obscurités

 Achevé dans la mer par son ou ses agresseurs, dépoui[l]lé de l’argent contenu dans son portefeuille, qu’il portait dans sa poche, pour quelles raisons l’assassin aurait-il placé dans la valise de sa victime, des papiers susceptibles d’établir son identité  ?
 Pour quelles raisons également le meurtrier aurait-il abandonné la compromettante valise sous une banquette de salle d’attente, où il devait bien supposer qu’elle serait rapidement découverte  ?
 [Tels]3 sont les deux points que cherchent à élucider les policiers chargés de l’enquête.
 Les moindres replis de la côte sont soigneusement visités, dans le but de retrouver le corps du disparu.
 Un autre point demeure obscur, c’est la date même du crime.

Le Train de Paris

 On peut la situer entre le 13 et le 20 juin. La valise a été trouvée le 20 au soir, quelques instants après le départ du train 144, à destination de Paris.
 Il ne serait pas impossible que le meurtrier ait pris ce train après avoir abandonné la valise dans la salle d’attente.
 Toutes ces hypothèses vont être soigneusement examinées et contrôlées.
 Pour l’instant une vingtaine de photographies du disparu ont été envoyées au Havre. La police locale divisée en équipes, va se répandre dans les hôtels de la ville et rechercher au moyen de ces photographies, l’hôtel dans lequel M. Quemeneur aurait séjourné entre le 13 et le 20.
 Il est possible que demain, à la suite de ces diverses vérifications, une piste sérieuse puisse être suivie.

___
1. Source  : «  Quenemeur  ».
2. Ce point, en contradiction avec les autres articles du jour, amène le journaliste à émettre des hypothèses originales.
3. Source  : «  Telles  ».

L’INEXPLICABLE DISPARITION

Le Matin, 26 juin 1923, pages 1 et 3.

On découvre au Havre la valise de M. Quemeneur,
conseiller général du Finistère

Elle contient du menu linge et les papiers d’identité du disparu

 Nous avons relaté hier les circonstances bizarres dans lesquelles un conseiller général du Finistère, M. Pierre Quemeneur, marchand de bois à Landerneau, avait disparu depuis un mois.
 Au cour de l’enquête, actuellement menée au Havre par les soins de la Sûreté générale à la suite de l’étrange dépêche adressée de cette ville, le 13 juin, à la sœur du disparu, une découverte non moins étrange a été faite, hier, dans cette ville. C’est celle, au bureau des objets perdus du Havre, de la valise de M. Quemeneur. Cette valise, il y a six jours, le 20 juin, avait été trouvée abandonnée dans la salle d’attente des deuxièmes classes de la gare du Havre. Elle paraissait avoir été forcée, mais renfermait néanmoins du menu linge et un portefeuille contenant les divers papiers d’identité de M. Quemeneur, ainsi que diverses notes, dont un petit carnet de dépenses, tenu au jour le jour jusqu’au 13 juin. A cette date, on y relevait encore une dépense afférente à un repas. Mais là s’arrêtaient les comptes. Il y a lieu de noter que c’est ce même jour du 13 juin, que fut expédié du Havre, à Mlle Quemeneur, le télégramme que nous signalions hier et qui était ainsi conçu  :
Ne rentrerai Landerneau que dans quelques jours. Tout va pour le mieux — Pierre.

Qui ? Pourquoi ? Comment ?

 Porteur d’un mandat régulier du juge d’instruction de Brest, l’inspecteur de la Sûreté générale chargé d’aller enquêter au Havre a saisi le texte original de cette dépêche, dont l’écriture, hâtive, paraît légèrement différente de celle de M. Quemeneur. Il a saisi également la valise trouvée dans la salle d’attente, ainsi que le linge et les documents qui y étaient enfermés. Le tout va être mis à la disposition du juge d’instruction de Brest, qui fera examiner les textes du carnet de dépenses et du télégramme par un expert en écriture. Si ces textes sont bien de la main de M. Quemeneur, il y aura lieu de rechercher comment et pourquoi celui-ci s’est rendu au Havre où nulles raisons ne semblaient devoir l’amener  ; par qui et pourquoi il y aurait alors été entraîné, et, que serait-il devenu depuis le 13 juin, date où, pour la dernière fois, il aurait donné de ses nouvelles par le télégramme adressé à Mlle Quemeneur  ?
 Dans le cas contraire, c’est-à-dire si le texte original de la dépêche, et si les inscriptions portées sur le carnet de dépenses trouvé dans la valise, ne sont point de l’écriture du disparu, quel est l’homme qui, après avoir fait disparaître le conseiller général du Finistère, se rendit au Havre où il vint abandonner dans la gare de cette ville la valise de M. Quemeneur, après avoir eu le soin étrange d’y laisser les papiers d’identité de celui-ci et son carnet de dépenses  ? Dans quel but, ensuite, envoya-t-il une dépêche à Mlle Quemeneur  ? Quelles hypothèses, par ces gestes successifs, voulait-il faire naître et quels soupçons voulait-il détourner  ? Autant de questions, singulièrement complexes, on le voit, que se pose actuellement la justice sur ces gestes encore inexpliqués et qui se compliquent d’un autre détail non moins singulier  :
Les papiers d’identité de M. Quemeneur, trouvés dans la valise abandonnée à la gare du Havre, paraissent avoir été immergés. L’écriture en est délavée, et l’on constate dans les replis du portefeuille des traces de sable de mer.
 Et alors, une autre question se pose. Quels mobiles amenèrent l’X mystérieux, autour duquel gravite l’énigme actuelle, à retirer de l’eau où ils avaient été jetés, ces papiers et ce portefeuille, pour venir les replacer, bien en évidence, dans la valise abandonnée, non moins en évidence, dans la salle d’attente de la gare du Havre  ? Quel intérêt si puissant avait-il à ce que nul ne doutât que M. Quemeneur avait été assassiné  ?

Du sang sur la valise du disparu

[DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER]

 LE HAVRE, 25 juin. — Par téléphone. — Voici des détails complémentaires sur la découverte de la valise de M. Quemeneur. C’est mercredi dernier, 10 heures, après le départ du train de 6  h.  35 partant pour Paris qu’un employé découvrit dans la salle d’attente des troisièmes classes, sous une banquette une petite valise rectangulaire. Elle fut remise à M. Lecrocq, chargé du service des objets trouvés.
 L’employé en prenant la valise remarqua que la serrure était brisée. Il fit un rapide inventaire des objets qu’elle contenait. Il trouva du linge sale, un dém[ê]loir de poche, un portefeuille contenant divers papiers et un carnet sur lequel étaient notés des comptes. On remarquait sur ce carnet les indications suivantes, faites au crayon-encre  [:] «  voyage de Paris au Havre  : 32 francs  ; déjeuner 8 francs  ; voyage.....  » Le mot était illisible, car ce carnet avait séjourné dans l’eau et il était tout m[â]churé. M. Lecrocq trouva encore dans la valise une adresse.
 Le service de la gare écrivit à M. Quemeneur à Landerneau pour lui demander ce qu’il fallait faire de cette valise. On ne reçut aucune réponse.
 Ce n’est qu’aujourd’hui par les journaux, que les employés se souvinrent du nom du propriétaire de la valise. On ouvrit de nouveau la valise et l’on refit l’inventaire.
 On constata, cette fois que la serrure de cette mallette était tachée de sang.
 Aura-t-elle été laissée par un voyageur qui s’est embarqué pour les Etats-Unis et a cherché, en la laissant à la gare du Havre, à détourner les soupçons  ?
 Il est intéressant de signaler que le 14 juin, le lendemain du jour où une dépêche fut adressée du Havre à Mlle Quemeneur, est parti pour New-York le transatlantique Chicago.

Le récit de M. Sezenec

 BREST, 25 juin. — Telégr. Matin. — Voici ce que déclare M. Sezenec, le commerçant de Morlaix, qui, le 24 mai, quitta, en automobile, Landerneau en compagnie de M. Quemeneur  :
Le 24 mai, j’ai retrouvé à Rennes M. Quemeneur. Je me rendais à Paris pour y vendre une voiture automobile, vente dans laquelle était intéressé pour une part M. Quemeneur. Le soir de notre rencontre à Rennes. M. Quemeneur télégraphia de cette ville à M. Pouliguen, son beau-frère, notaire à Morlaix, pour le prier de lui adresser à Paris, au bureau restant du boulevard Malesherbes, un chèque de 80.000 francs sur la Société générale, somme dont il avait besoin pour traiter à Paris diverses affaires. Nous devions repartir de Rennes en automobile le lendemain 25 mai, à 5 heures du matin.
 Nous prîmes notre petit déjeuner une heure plus tard, à Ernée, 28 kilomètres après Vitré. Puis, à midi, nous avons déjeuné au Mesle, dans la Sarthe, et en sommes repartis à 13  h.  30. Mais, à partir de Mortagne, nous eûmes des pannes successives, et, à 16 heures, une nouvelle panne nous immobilisa en pleine ville de Dreux. M. Quemeneur alla chercher un mécanicien local. On répara et nous repartîmes. Cependant, au bout de cinq ou six kilomètres, nous comprîmes que nous ne pourrions aller bien loin, car la voiture n’avançait pas, et nous revînmes à Dreux.
 M. Quemeneur qui, de son côté, avait des rendez-vous urgents pour le lendemain, à Paris, où il devait se rencontrer avec quelqu’un à 8 heures du matin, avenue du Maine, décida de me quitter et de prendre le train.
 — Tâchez de gagner Paris, me dit-il, si vous croyez la chose possible, avec la voiture. Vous m’y retrouverez à l’hôtel de Normandie, près de la gare Saint-Lazare.
 La nuit tombait. Il était 21  h.  30 environ. Je pris la route de Paris, mais, hélas  ! pour rester de nouveau en panne à 12 kilomètres de Dreux. Il était tard, et après avoir vainement tenté de réparer, je m’endormis dans la voiture, ayant abandonné tout espoir d’atteindre Paris. Je repartis le lendemain et revins à Morlaix, où je comptais faire réparer la voiture par mon mécanicien habituel, plutôt que de la faire réparer à Paris, où cela m’eût coûté beaucoup plus cher. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles de M. Quemeneur.

 De son côté, M. Le Grand, industriel à Landerneau, nous a dit  :
M. Quemeneur est venu me rendre visite précisément la veille de son départ pour Rennes. Il m’a informé qu’il s’occupait actuellement de l’achat d’automobiles américaines demeurées en France, et qu’il devait les livrer à Paris à un commissionnaire américain; nommé Scherdly, qui s’en rendait acquéreur au prix de 30.000 francs pièce. Il paraissait enchanté et me dit  :
 »  — Nous allons bientôt rouler sur l’or  !
 »  — Mais, pour réaliser votre projet, lui dis-je, il faut beaucoup d’argent  !
 »  — Je mets 80.000 francs dans l’affaire, et Sezenec, de Morlaix, en met 40.000[.]

 Disons que M. Pierre Quemeneur était originaire de Saint-Sauveur (Finistère).
 C’est en 1919, après avoir été élu conseiller général, qu’il vint s’installer à Landerneau, où il acheta une propriété, nommée Ker-Abri.

Enquête vaine

 Jusqu’ici, hormis les découvertes étranges que nous signalons d’autre part, rien n’a pu apporter la moindre lumière. On recherche en quel endroit de l’avenue du Maine M. Quemeneur pouvait avoir le rendez-vous annoncé à M. Sezenec. De même, on recherche le courtier américain, M. Scherdly. L’entrevue eut-elle lieu  ?
 En tout cas, il est établi dès maintenant que dans la matinée du 26 mai, jour où le conseiller général du Finistère avait ces rendez-vous à Paris, quelqu’un se présenta au bureau de poste du boulevard Malesherbes et demanda au guichet de la poste restante si un pli chargé n’était pas arrivé à l’adresse de M. Pierre Quemeneur. Mais ce pli n’était pas encore arrivé et ne put, en conséquence, être délivré. Ce pli était celui contenant le chèque de 80.000 francs demandé par M. Quemeneur son beau-frère. Est-ce M. Quemeneur qui se présenta ce matin-là au bureau de poste du boulevard Malesherbes  ? C’est possible. Mais on n’a pu l’établir de façon formelle.
 Par ailleurs, des recherches ont été faites par le service des garnis dans les hôtels de Paris. Nulle part, on ne trouve trace de M. Quemeneur.

AUTRES ARTICLES

La Croix, page 5.
La Dépêche de Brest (supra)
L’Écho d’Alger, page 1.
Excelsior (supra)
Le Figaro, page 2.
Le Gaulois, page 2.
L’Humanité, page 3.
Le Journal, page 1.
Le Matin (supra)
L’Ouest-Éclair (supra)
Le Petit Journal, pages 1 et 3.
Le Petit Parisien, page 1.
Le Populaire, page 1.
La Presse (supra)


In Le Journal.


In Le Petit Journal.


In Le Petit Parisien.

Mercredi 13 juin 1923

12 juin 1923 | 14 juin 1923
DOCUMENTS  : Récit de Pouliquen - Lettre de Pouliquen - Télégramme de Quéméner

ÉVÉNEMENTS

 À 16 heures 35, un télégramme signé «  Quéméneur  » est envoyé du bureau de poste du Havre à destination de «  Quéméneur Ngt Landerneau  »1. Jeanne Quéméner, qui le reçoit, envoie un télégramme à la Sûreté générale pour demander l'arrêt de l'enquête sur la disparition de son frère2.

___
1. Le texte de ce télégramme est reproduit ci-dessous.
2. Récit de Jean Pouliquen (voir la page du 14 juin 1923).

RÉCIT DE JEAN POULIQUEN

Le [mercredi]1 matin 13, ma première démarche fut d'aller au palais de justice quai des Orfèvres. De là on m'indiqua la direction de la police de la Seine. Dans ce dernier bureau je ne pouvais préciser le lieu du crime et que mon beau-frère semblait avoir disparu à Dreux, son passage n'ayant été signalé nulle part à Paris. On m'adressa à la Sûreté Générale, 11 rue des Saussai[e]s. Je demandais une audience au commissaire principal, M. Rémond2, et je lui expliquais le but de ma visite. Ce dernier fit aussitôt appeler M. Vidal, commissaire, qu'il chargea d'éclaircir cette affaire. J'eus l'après-midi un long entretien avec M. Vidal, à qui je racontai tout ce que je savais personnellement, tout ce que m'avait raconté Seznec et le résultat de mes recherches à Paris. Je ne lui cachais pas que l'Américain Ackermann semblait avoir connu l'affaire d'automobiles pour laquelle mon beau-frère était aux dires de Seznec venu à Paris  ; que cette coïncidence me semblait au moins bizarre, qu'il y avait sans doute urgence à prendre des renseignements auprès de cette personne, ce qui fut fait immédiatement3.
 Nous
4 quittâmes Paris le soir même, 13 juin, après avoir laissé entre les mains de M. Vidal une plainte écrite5 destinée au parquet de Brest et qu'un inspecteur de la Sûreté devait apporter le lendemain même à Brest6.

___
1. Source  : «  mardi  ».
2. Joseph Albert Reymond, commissaire divisionnaire au Contrôle général des recherches.
3. L'audition d'Ernest Acherman n'eut lieu que le 27 juin 1923, mais il fut peut-être entendu informellement par la police auparavant.
4. Jean Pouliquen et Louis Quéméner. Pouliquen semble avoir fait seul les démarches de cette journée.
5. On trouvera le texte de cette lettre ci-dessous.
6. Bernez Rouz, pages 107 et 108.

LETTRE DE JEAN POULIQUEN

Paris, le 13 juin 1923

Monsieur le Directeur de [la]
1 Sûreté Générale2
Paris

J'ai l'honneur de porter à votre connaissance les faits suivants  :
 Monsieur Pierre Quéméneur, mon beau-frère, négociant en bois, Conseiller Général du Finistère, demeurant à Landerneau, a quitté son domicile le jeudi 24 mai 1923  ; il a pris à Landerneau l'express de 8  h.  46 à destination de Paris  ; il s'est arrêté à Rennes, où il est arrivé à 12  h.  46. Là, il a été rejoint par M. Seznec, marchand de bois demeurant à Morlaix, qui avait fait le trajet de Morlaix-Rennes sur une automobile Cadillac qu'il pilotait lui-même. Ils ont tous deux passé la nuit à Rennes à l'Hôtel Parisien et sont repartis ensemble le lendemain vendredi 25 mai à 5 heures du matin pour Paris dans l'automobile de M. Seznec. Par suite de pannes et crevaisons nombreuses, ils ne sont arrivés à Dreux qu'à 4 ou 5 heures de l'après-midi. Après avoir réparé la voiture au garage Hodey, 33, rue d'Orfeuil à Dreux, ils ont de nouveau repris la direction de Paris, mais la voiture ne leur donnant pas satisfaction, M. Quéméneur, qui avait un rendez-vous d'affaires à Paris pour le lendemain matin 8 heures et craignant de manquer le rendez-vous, faisait faire demi-tour à la voiture au bout de quelques kilomètres et revenait à la gare de Dreux, où M. Seznec prétend l'avoir quitté à la tombée de la nuit, c'est-à-dire vers 8 ou 9 heures du soir.
 Depuis cette époque, M. Quéméner
3 ne nous a jamais donné de ses nouvelles et nul ne l'a vu. A-t-il pris à la gare de Dreux le dernier train se dirigeant sur Paris, c'est-à-dire celui de 21  h.  56 arrivant à la gare des Invalides à 23  h.  34  ? C'est probable.
 Mon beau-frère semble avoir correspondu avec un sujet américain habitant Paris et donnant comme adresse 6, boulevard Malesherbes. Il s'appelait Chardy ou Cherdy et employait dans ses correspondances du papier à lettre portant l'en-tête de la Chambre Américaine de Paris, 32, rue Taitbout. C'est avec cette personne que mon beau-frère devait avoir un rendez-vous le samedi 26 mai à 8 heures du matin  ; cette entrevue a-t-elle eu lieu comme il était convenu  ? Nul ne le sait.
 Mon beau-frère semble avoir correspondu avec un autre sujet américain nommé Ackermann, habitant à Paris, 16, rue Popincourt.
 D'après enquête personnelle faite par moi l'adresse donnée par M. Chardy semble fausse et je n'ai pu le retrouver  ; quant à M. Ackermann il habite bien Paris à l'adresse indiquée, mais il prétend ne point connaître mon beau-frère et ne l'avoir jamais vu.
 Avant son départ pour Paris mon beau-frère m'avait prié de lui adresser à Paris Poste Restante n°  3 un chèque de soixante mille francs sur la Société Générale. Je lui ai adressé sous pli chargé ce chèque à l'adresse indiquée et d'après renseignements pris à la poste-même, ce chargement a bien été demandé dans la journée du 26 mai, alors qu'il n'était pas encore arrivé, n'ayant quitté Quimper [que]
4 ce jour-même. Depuis le chargement n'a plus été réclamé et mon beau-frère qui semblait cependant en avoir un besoin urgent pour traiter son affaire n'est plus revenu à la poste restante où le chargement est toujours en instance.
 Dans ces conditions, étant donné la conduite toujours régulière menée par mon beau-frère et son éloignement de tout amusement futile je suis amené à formuler les présomptions les plus funestes. Un accident n'est même pas admissible car il portait sur lui toutes les pièces nécessaires pour l'établissement de son identité et nous en aurions été prévenus.
 Ceci expliqué, je vous serais reconnaissant, Monsieur le Directeur, de vouloir bien prescrire d'urgence toutes les recherches nécessaires pour éclaircir cette affaire.

Jean Pouliquen, notaire à Pont-l'Abbé
Finistère
5

___
1. Mot omis.
2. Louis Marlier, directeur de la Sûreté générale du 1er mars 1923 au 8 juillet 1924.
3. Rare occurrence de la graphie «  Quéméner  » chez Jean Pouliquen.
4. Mot omis.
5. Denis Langlois, «  L’Affaire Seznec 1 (1923-1924)  ».

TÉLÉGRAMME DE PIERRE QUÉMÉNER
adressé à lui-même

 LE HAVRE CENTRAL
 13-61

NUMÉRO. 4691
NOMBRE DE MOTS. 162
HEURE DE DÉPÔT. 16h35

Quéméneur Ngt Landerneau Finistère
Ngt Ne rentrerai Landerneau que dans quelques
jours tout va pour le mieux
Quéméneur

Nom et adresse de l'expéditeur  : Quéméneur Negt a Landerneau

1 mot
rayé3

___
1. Cachet.
2. Le nom du bureau télégraphique, «  Landerneau Finistère  », ne compte que pour un mot selon le règlement.
3. En marge, suivi de la signature.


Le télégramme du Havre in Le Journal, 3 juillet 1923.

Mardi 12 juin 1923

11 juin 1923 | 13 juin 1923
DOCUMENT  : Récit de Pouliquen

RÉCIT DE JEAN POULIQUEN

Arrivés à Paris le 12 juin au matin, nous1 commençâmes immédiatement nos recherches, accompagnés d'un agent de renseignements2. Nous allâmes tout d'abord boulevard Malesherbes à la recherche de l'Américain Sherdy. Comme je m'y attendais, il était inconnu aux numéros indiqués par Seznec, mais je ne fus pas peu étonné de me trouver au numéro 6 de cette rue devant le bureau de poste numéro 3. J'entrais immédiatement et je demandais s'il y avait un chargement au nom de M. Quemeneur. L'employé me répondit affirmativement et me demanda si j'avais sur moi des pièces d'identité. Je lui fis savoir que c'était moi l'expéditeur du chargement et non le destinataire  ; je le priais à l'avenir de ne délivrer le chargement à personne et lui demandais s'il n'avait pas été réclamé. L'employé me fit savoir que la lettre avait été réclamée, mais comme il n'était pas de service ce jour-là il me pria de passer l'après-midi et je pourrais voir son collègue qui se trouvait au guichet quand le pli chargé fut réclamé et qui pourrait me renseigner plus utilement. Je revins en effet l'après-midi et après avoir consulté un petit calendrier, l'employé3 me fit savoir que le chargement avait été réclamé par deux fois le samedi. Je lui fis remarquer que le samedi 26 [mai]4 la lettre n'était pas encore arrivée et qu'en effet il n'avait pas pu la délivrer ce jour-là. L'employé me laissa dire. Mais depuis, quand il a connu la gravité du témoignage qui lui était demandé, cet employé s'est rétracté formellement et a affirmé que c'est le samedi 2 juin que le chèque lui avait été demandé et que c'est par inadvertance qu'il a répondu à la personne qui s'était présentée que le chèque n'était pas arrivé.
 Nous nous rendîmes ensuite chez le nommé Ackermann, demeurant dans un hôtel meublé, 16 rue de l'Asile-Popincourt. Il travaillait aux usines Renault et ne devait rentrer que le soir à six heures. Nous promîmes de revenir et allâmes déjeuner. L'après-midi nous prîmes la direction de la rue [Taitbout]
5 où se trouvait la Chambre de Commerce américaine de Paris, nous demandâmes des nouvelles de Sherdy, mais il nous fut répondu que personne de ce nom n'était employé dans la maison et que les lettres à en-tête n'étaient pas à disposition du public. Nous nous rendîmes de là à l'Hôtel de Normandie, près6 la gare St-Lazare, où mon beau-frère d'après Seznec avait promis de descendre. Nul dans cet hôtel ne se rappelait l'avoir vu et le registre ne faisait aucune mention de son passage. Passablement édifiés par toutes ces déconvenues, nous retournâmes au domicile de l'Américain Ackermann que nous avions vainement recherché le matin. Sa femme7 se trouvait à la maison et nous invita à entrer pour attendre son mari qui du reste ne tarda pas à rentrer. Nous lui exposâmes que, de passage à Paris, nous venions lui rendre visite de la part de son ami Seznec de Morlaix et nous lui demandâmes s'il n'avait point récemment reçu la visite de M. Quemeneur venu à Paris pour affaires quinze jours auparavant. Il nous répondit qu'il n'avait vu personne et que quelques jours auparavant il avait envoyé par télégramme à Seznec la même réponse. Comme je lui demandais s'il ne connaissait point un Américain du nom de Sherdy ou Charly s'occupant d'automobiles, il me répondit qu'il avait autrefois connu une personne de ce nom ou prénom et qu'il y en avait des quantités. Je demandais encore s'il n'avait pas entendu parler de marchés de vente ou d'achat d'automobiles  ; sa femme prenant la parole répondit qu'il y avait quelques mois elle avait entendu son mari parler de ventes d'automobiles Cadillac à des Américains  ; il avoua qu'il avait été effectivement question de cette affaire mais qu'elle n'avait pas eu de suite. Cette coïncidence me parut bizarre et je quittais Ackermann persuadé qu'il savait plus long qu'il ne voulait dire et qu'il avait été l'associé de Seznec. Je décidais immédiatement de porter plainte le lendemain matin et de saisir la police.8

___
1. Jean Pouliquen et Louis Quéméner.
2. M. Delangle.
3. Alfred Bégué.
4. Source  : «  juin  ».
5. Source  : «  Toutbout  ».
6. L'utilisation de «  près  » sans la préposition «  de  » est une forme vieillie.
7. Julienne Vorillion, épouse Ackerman (graphie de l'acte de mariage), 22 ans et 11 mois.
8. Bernez Rouz, pages 105 à 107.

Dimanche 10 juin 1923

Du 4 au 9 juin 1923 | 11 juin 1923
DOCUMENTS  : Récit de Pouliquen - Rapport de Fabrega

ÉVÉNEMENTS

 Vers 5 heures du matin, Jean Pouliquen et Louis Quéméner quittent Landerneau en voiture de location pour se rendre chez Guillaume Seznec.
 Quand ils arrivent à Morlaix vers 6 heures 30, Seznec est encore couché  ; sa bonne Angèle Labigou les fait patienter dans la salle à manger. Une demi-heure plus tard, Seznec et sa femme les y rejoignent. Pouliquen demande à Seznec un récit détaillé du voyage et des explications sur certains points qui lui semblent étranges.
 Pouliquen et Louis Quéméner rentrent ensuite à Landerneau. Après une discussion avec Jeanne Quéméner, ils décident d'aller demander une enquête discrète à la brigade de police mobile de Rennes. Seznec est prié par téléphone de se joindre à eux et il accepte.
 Pouliquen et Louis Quéméner prennent le train à Landerneau, Seznec monte à Morlaix et ils arrivent à Rennes le soir-même1.
 Vers 19 heures 50, ils se présentent à la brigade. L'inspecteur Léopold Fabrega leur dit que sans dépôt de plainte préalable, la police ne peut commencer à enquêter. Pouliquen veut effectuer des vérifications avant de déposer plainte et Seznec doit être à Saint-Brieuc le lendemain matin  ; il est donc décidé de rentrer dans la nuit.

___
1. Il s'agit certainement du train de 14 heures 53 à Landerneau, arrêt à Morlaix à 15 heures 59, arrivée à Rennes à 19 heures 43.

RÉCIT DE JEAN POULIQUEN

Ma belle-sœur1 ayant prévenu Seznec de ma visite, j'eus peur qu'il ne s'absentât pour n'avoir pas à me répondre, et je quittais Landerneau le dimanche matin à quatre heures2 en automobile accompagné de Louis Quemeneur, mon beau-frère. Nous trouvâmes Seznec encore couché et la bonne, qui venait de se lever, nous fit entrer dans la salle à manger, où Seznec et sa femme [vinrent]3 nous rejoindre une demi-heure après.
 Je fis remarquer à Seznec combien un silence aussi prolongé me rendait inquiet sur le sort de M. Quemeneur et je l'invitais à me raconter en détail le but de leur voyage à Paris, où et comment il avait quitté mon beau-frère. Il me fit savoir que mon beau-frère et lui étaient allés à Paris pour traiter un marché d'automobiles Cadillac  ; que le gouvernement américain, voulant faire rentrer toutes les voitures de cette marque dans le but de ravitailler les soviets, avait chargé un de ses agents à Paris de s'occuper de cette affaire  ; que mon beau-frère avait été par son intermédiaire en relation avec cet agent qui leur avait promis moyennant une commission de deux mille francs par voiture la totalité de ce marché pour la France entière. Toutes les voitures en état de marche devaient être payées au prix uniforme de trente mille francs chacune. Les voitures devaient être livrées par série de cinq et la première livraison devait avoir lieu le 2 juin. Seznec devait parcourir la France entière pour rechercher ces voitures et mon beau-frère devait s'occuper uniquement de la livraison à Paris. Voilà ce que je tirais de Seznec sur l'affaire en question.
 La voiture Cadillac que Seznec avait déposée à Landerneau devait faire partie de la première livraison et c'est pourquoi elle avait été retirée du garage dès le 23 mai et ramenée par Seznec à Morlaix. En revenant de Brest le 22 mai, ils avaient passé par Lesneven où ils s'étaient assurés d'une autre voiture Cadillac.
 Le 24 mai, après avoir pris toutes leurs dispositions la veille, Seznec et mon beau-frère prenaient la direction de Paris. M. Quemeneur prenait à Landerneau l'express de neuf heures et descendait à Rennes à treize heures. Seznec, parti de Morlaix dans la matinée, n'arrivait à Rennes avec son automobile Cadillac qu'à sept heures du soir environ. Tous deux dînèrent et couchèrent à l'Hôtel Parisien en face de la gare après avoir remisé la voiture dans un garage voisin.
 Le lendemain matin 25 mai à cinq heures du matin, ils reprennent, ensemble cette fois et en automobile, la route de Paris. Ils auraient déjeuné au Mesle dans la Sarthe et seraient arrivés à Dreux vers seize heures après plusieurs pannes, dont la dernière à Dreux même. Ils auraient réparé chez un garagiste nommé Hodey, rue d'Orfeuil, pour ensuite essayer de regagner Paris. Mais au bout de quelques kilomètres, voyant que l'auto ne marchait pas et craignant de ne pouvoir atteindre Paris où M. Quemeneur, mon beau-frère, avait un rendez-vous urgent pour le lendemain matin huit heures dans une brasserie de l'avenue du Maine en face de la gare Montparnasse, ils résolurent de revenir à Dreux, où mon beau-frère prit le dernier train pour Paris. D'après les ordres de mon beau-frère, Seznec devait si possible reprendre la route de Paris et en cas d'impossibilité absolue retourner à Morlaix, puis revenir ensuite à Paris où il devait trouver mon beau-frère à l'Hôtel de Normandie près de la gare St-Lazare. Il reprit la route de Paris après avoir déposé M. Quemeneur à l'entrée de la gare de Dreux, mais une nouvelle panne l'immobilisa à douze kilomètres environ au-delà de cette dernière ville  ; il était tard et après avoir vainement tenté de réparer, il s'endormit dans sa voiture et reprit le lendemain la route de Morlaix.
 Je fis remarquer à Seznec les points faibles de cette déclaration. Comment avait-il pu revenir à Morlaix avec une auto incapable de fournir le trajet de Dreux à Paris  ? Il me répondit que c'était M. Quemeneur qui lui aurait conseillé de venir réparer à Morlaix où son mécanicien lui coûterait moins cher, que la voiture ne pouvait pas être présentée sans une réparation sérieuse.
 Je demandais ensuite comment et par qui ils avaient été mis au courant de cette affaire. Il me répondit que M. Quemeneur correspondait par son intermédiaire avec un Américain dont il ne put d'abord me donner ni le nom ni l'adresse. Il alla alors me chercher une autre lettre d'un nommé Ackermann, citoyen américain, habitant Paris, et qu'il avait autrefois connu dans le camp américain de Brest. Dans cette lettre cet Américain lui demandait une avance de dix mille francs lui promettant un intérêt mensuel de mille à mille deux cents francs.
 Comme je m'étonnais que des personnes comme eux habituées aux affaires, aient pu donner crédit à de pareilles absurdités, Seznec me déclara que ce n'était point cette personne qui lui avait offert l'affaire d'automobiles, que leur correspondant dans cette affaire, écrivait au contraire d'une façon impeccable et savait présenter son marché de telle façon que d'autres plus malins qu'eux auraient pu s'y laisser prendre, qu'en outre cette personne écrivait sur du papier portant en-tête Chambre américaine de Commerce de Paris, rue Toutbout
4. Ce qui avait encore augmenté leur confiance [c'est] que lui, Seznec recevait les lettres qu'il remettait à mon beau-frère après en avoir pris connaissance.
 Comme j'insistais pour connaître le nom de ce correspondant il finit par me dire après un instant d'hésitation qu'il devait s'appeler Scherdy ou Cherry, et qu'il habitait boulevard Malesherbes numéro 6, 26 ou 16, il ne pouvait préciser.
 Je faisais remarquer combien tout ce récit me semblait étrange, que nous n'avions trouvé trace de cette correspondance dans les papiers de mon beau-frère. Il me répondit que mon beau-frère voulait conserver cette affaire secrète à cause de sa situation politique et qu'il avait ces lettres sur lui au moment de son départ pour Paris.
 Il ne me parla point de l'acte de vente de la propriété de Plourivo, ni des dollars américains. Comme je lui demandais s'il avait confié de l'argent à mon beau-frère à qui il se disait associé, il me répondit qu'il ne lui avait rien remis. Il ne me parla pas non plus du chèque réclamé par mon beau-frère de Rennes, ce qu'il avoua ensuite connaître cependant.
 Je ne lui cachais pas mes inquiétudes et je lui expliquais que j'avais adressé à mon beau-frère à Paris un chèque de soixante mille francs qui n'avait jamais été réclamé et que je soupçonnais fort que mon beau-frère n'ait jamais atteint la capitale. À l'annonce du chèque Seznec se redressa et eut une exclamation  : «  Ah  ! vous aviez adressé un chèque à M. Quemeneur à Paris, je savais en effet qu'il vous en avait demandé un de Rennes.  »
 Sur ce, nous quittâmes Seznec et regagnâmes, mon beau-frère Louis Quemeneur et moi, la route de Landerneau. Après nous être concertés avec ma belle-sœur, nous résolûmes coûte que coûte d'éclaircir cette affaire et nous décidâmes de prendre le soir même l'express de Rennes pour aller conter notre affaire à la brigade mobile
5, et lui demander une enquête discrète à ce sujet. Nous fîmes téléphoner à Seznec pour lui annoncer notre décision et le prier de vouloir bien nous accompagner, puisque lui seul pouvait donner quelques renseignements utiles  ; il promit de nous rejoindre à la gare de Morlaix, ce qu'il fit.
 Nous arrivâmes à Rennes, Louis Quemeneur, Seznec et moi le dimanche soir 10 juin, et après avoir retenu nos chambres à l'Hôtel Parisien en face de la gare où mon beau-frère et Seznec étaient descendus quinze jours auparavant, nous allâmes directement à la brigade mobile. Nous fûmes reçus par un jeune inspecteur qui nous fit savoir que si nous n'avions pas déposé une plainte au parquet, la brigade mobile ne pouvait procéder à une enquête  ; que cependant, si nous voulions attendre le lendemain, nous pourrions voir le directeur. Seznec fit observer qu'il ne pourrait revenir le lendemain, ayant absolument besoin de consulter dans la matinée un avocat à St-Brieuc pour un procès en cours. De mon côté je déclarais que je n'étais pas encore résolu à déposer une plainte au parquet, que je voulais auparavant contrôler les renseignements fournis par Seznec, et que par suite
6 il était inutile que nous revenions le lendemain, la brigade mobile ne devant se mettre en campagne que sur une plainte officielle.7

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1. Jeanne Quéméner.
2. Le soleil se lève ce jour-là vers 5 heures 15 à Landerneau. Ils ne sont probablement pas partis avant 5 heures.
3. Source  : «  vint  ».
4. The American Chamber of Commerce in France, 32 rue Taitbout, Paris.
5. Les brigades régionales de police mobile, créées en 1907, sont l'ancêtre de la police judiciaire.
6. Dans L'Affaire Quéméneur-Seznec, Bernez Rouz a corrigé ce passage ainsi  : «  par [la] suite  », mais la phrase était correcte, «  par suite  » signifiant ici «  par conséquent  ».
7. Bernez Rouz, pages 100 à 105.

RAPPORT DE L'INSPECTEUR FABREGA

Le dimanche 10 juin 1923 à 19  h.  50 se sont présentés à notre brigade trois messieurs  : l'un d'eux me dit être M. Pouliquen, notaire à Pont-l'Abbé et me tint la conversation suivante  : «  Nous venons vous voir après avis de M. le commissaire de police de Landerneau et serions très obligés à la brigade mobile de vouloir bien effectuer des recherches officieuses sur un membre de notre famille parti à Paris pour affaires depuis une vingtaine de jours et duquel nous sommes sans nouvelle. Nous craignons une catastrophe1 mais désirerions toutefois que cette démarche de votre part ne fasse aucun bruit sur la presse afin d'éviter des ennuis à la personne que nous recherchons au cas où elle serait retrouvée.  » [...] M. Seznec qui n'avait jusqu'alors point pris la parole si ce n'est pour approuver l'amitié existante entre le disparu et lui, me dit qu'il comptait lui et ses deux compagnons quitter Rennes le lundi vers 2 heures du matin.2

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1. Source  : «  Nous craignons à une catastrophe  ».
2. Registre de main courante de la 13e brigade régionale de police mobile, à Rennes. Rapport signé par l'inspecteur Léopold Fabrega. Bernez Rouz, page 104, en note.