Lundi 3 septembre 1923

2 septembre 1923 | 4 septembre 1923
PRESSE  : L'Ouest-Éclair

L'Ouest-Éclair, 3 septembre 1923, page 2.

SEZNEC A-T-IL INCINÉRÉ LE CORPS DE SA VICTIME  ?

 MORLAIX, 2 septembre. — (De no[t]re envoyé spécial.) — Etant donné l'importance des déclarations faites hier par M. Paul Baron, qui avait travaillé chez Seznec comme affûteur de scies, nous sommes allé ce matin nous entretenir à leur sujet avec M. Raymond Samson, chauffeur de Seznec, et avec Mme Seznec.
 Les indications de M. Baron relatives à l'automobile seraient en grande partie inexactes. Quand Seznec est revenu de son voyage avec la Cadillac, il ne pouvait la mettre dans le garage qui était encombré par quatre autres voitures, un camion, une carrosserie en cours de fabrication, divers outils et des bidons. On ne pouvait non plus la laisser aux abords de la route ni sur le terre-plein du chantier, car celui-ci n'a pas de clôture du côté de la route. La voiture fut donc avancée d'une quarantaine de mètres dans le chemin qui conduit au bas de la scierie. Ce chemin descend rapidement  ; la voitur[e] n'était plus en vue de la route et il n'y avait plus de danger de vol.
 Si M. Baron n'avait jamais vu la Cadillac à cet endroit jusqu'alors, c'est qu'auparavant cette voiture était à Landerneau.
 Il est faux que la Cadillac ait été remontée le lundi 28 mai, car ce jour-là M. Samson s'en est servi. Ce n'est que le lendemain, 29 mai, que l'automobile a été remontée par Seznec et M. Samson, celui-ci ayant dit au préalable à son patron qu'il n'avait pas à s'en servir ce jour-là. Pour la faire entrer au garage, on dut faire sortir deux autres automobiles qui s'y trouvaient et on les conduisit dans le bas de la scierie, sous un petit hangar qui était près du moulin à eau et où ces voitures se trouvent encore, comme nous les y avons remarquées nous-mêmes à plusieurs reprises. Le moteur de la Cadillac cognait un peu lorsqu'on l'a remis en marche, mais on put néanmoins y parvenir. La voiture était sale et M. Samson proposa à Seznec de la nettoyer  ; celui-ci répondit que c'était inutile parce qu'or devait changer la carrosserie. En tout cas, M. Baron n'aida pas à rentrer la voiture.
 Ce n'est que quelques jours après qu'on installa un palan pour démonter une bielle dont le coussinet était fendu. Le travail dura une huitaine de jours, il n'était pas encore terminé lorsque la police vint prendre cette pièce pour conduire la voiture au garage Huitric. Le palan ne fut donc pas installé le 28 mai et lorsqu'il le fut, M. Baron ne prêta pas son concours.
 Pour ce qui est de la chaudière, M. Samson n'a jamais vu Seznec vider les cendres. C'était M. Samson qui s'occupait de la chaudière, il ne peut dire quel jour elle fut allumée pour la dernière fois, car son calepin, sur lequel il inscrivait tout ce qui avait trait à sa machine, a été saisi par M. le commissaire Cunat. Il nous fait observer qu'une masse comme celle de la chaudière, reste chaude assez longtemps  ; vingt-quatre heures après que le feu est éteint, il y a encore 5 kilos de pression.
 Jamais M. Baron ne s'est occupé d'enlever les cendres, opération à laquelle on procédait périodiquement. La police a vidé elle-même les cendres et a passé les cendres au tamis. M. Samson ne pense pas que la chaudière ait pu être allumée par quelqu'un d'autre que lui, car il s'en serait aperçu.

Ce que dit Mme Seznec

 Voici maintenant les observations de Mme Seznec  :
 Les allégations de M. Baron, relatives aux ordres transmis par Angèle Labigou sont exactes. Ce jour-là, M. Baron était occupé à réparer des chaînes, il n'avait rien à affûter  ; c'est pourquoi on lui avait demandé d'aller donner la main au personnel qui travaillait au bois de Pennelé. Il refusa d'y aller, on n'insista pas. Mme Seznec confirme les déclarations de son chauffeur, en disant que l'on n'a remonté la voiture que le mardi 29 et non la veille. Elle resta toute la journée du lundi sous ses yeux en plein air, ce qui prouve qu'on n'avait rien à cacher.
 Pour ce qui est de la chaudière, Mme Seznec ne croit absolument pas aux allégations de M. Baron, d'après lequel la chaudière aurait été nettoyée pur Seznec et nettoyée à nouveau par M. Baron. Celui-ci ne s'est occupé qu'un[e] seule fois de la chaudière en l'absence de M. Samson  ; il travailla pendant deux heures au chauffage de la machine et c'est tout. M. Samson nous a confirmé ce détail.
 Mme Seznec nous déclare que, bon ouvrier, M. Baron n'était pas un méchant homme. Elle ne comprend pas pourquoi il a raconté cette histoire ou plutôt ce ne peut être que la fille de M. Baron qui l'aura répandue dans l'usine où elle travaille.

Ce que dit un expert

 PARIS, 2 septembre. — On se souvient qu'à propos de l'affaire Landru, des experiences furent faites à l'effet de savoir si un corps humain pouvait être réduit totalement en cendres dans un foyer sans laisser de traces.
 Un de nos confrères de la presse a vu ce matin M. Duchemont, un des experts fumistes qui furent chargés par la justice d'éclaircir ce point important de l'enquête et lui a demandé si Seznec aurait pu, dans la petite chaufferie de sa scierie, réduire à rien le cadavre de M. Quemeneur. Fort des constatations précédentes, M. Duchemont a répondu  :
 Il a été prouvé d'une façon catégorique, lors de l'instruction de l'affaire Landru, qu'un criminel pouvait détruire en totalité le corps de sa victime dans le foyer d'une cuisinière moyenne. Huit heures de feu continu suffisent à réduire en cendres un cadavre de dimensions ordinaires. Ces cendres qui peuvent dissimuler des restes d'os calcinés, sont facilement triables et les déchets récalcitrants, soumis à une autre «  cuisson  », se résolvent cette fois en poussières.
 «  En résumé, une demi-journée de travail suffit pour faire disparaître la plus petite trace d'un corps.
 «  Dans une chaufferie dont le foyer est plus ardent et plus large, l'anéantissement est encore plus aisé  ; c'est l'affaire d'une soirée. Seznec a pu activer la destruction du corps en l'imbibant d'essence. La chaudière forme four crématoire, c'est le procédé le plus sûr de destruction et le plus rapide  ; il permet d'opérer sans complice.  »

1 commentaire:

MP a dit…

Décidément intéressant ce blog. Je découvre votre thèse que je n'avais pas encore lue et je suis bien près de vous rejoindre. Toutefois je trouverais utile pour l'émergence de la vérité que la police se saisisse des cendres retrouvées lors des fouilles de Morlaix. L'intéressante version de Serge Douay est que fatigue +alcool +jalousie =crime passionnel. Ce qu'a vu PG ne serait alors qu'une scène de séduction qui a mal tourné dans le sens où l'agresseur a été grièvement blessé. Mais si les enfants de PG persistent à affirmer que cette scène n'a pas eu lieu à la même date que le voyage je ne vois que la possibilité d'une agression passée sous silence le 6 mai, le dénouement du drame le 25 mai près de Houdan et un retour à Morlaix à bride abattue le soir du 27 avec tous les événements racontés par les Morlaisiens. Ce ne sont évidemment pas les témoignages de Samson et de Mme Seznec qui nous convaincrons! Quant à celui de Mr Lucas il ne contredit pas l'accusation de crémation.