Mardi 4 septembre 1923

3 septembre 1923 | 5 décembre 1923
PRESSE  : L'Ouest-Éclair

L'Ouest-Éclair, 4 septembre 1923, page 2.

L'HISTOIRE DE LA CHAUDIÈRE DE L'USINE SEZNEC

Les explications d'un ancien ouvrier de la scierie

 MORLAIX, 3 septembre. — (De notre envoyé spécial). — Les déclarations de M. Paul Baron, ancien ouvrier de Seznec, semblent devoir encourager aux confidences.
 Nous avons exposé hier ce qu'en pensaient Mme Seznec et son chauffeur M. Samson.
 Et voici qu'un autre ouvrier ayant travaillé chez Seznec, M. Pierre Lucas, nous fournit aujourd'hui son témoignage. Il tient tout d'abord à nous affirmer qu'il n'a pas à se plaindre de Seznec, qu'il ne lui veut ni du bien ni du mal. Il ne discute pas les faits dont son ancien patron est accusé. Il n'a que le souci de la vérité, mais il éprouve le besoin de rectifier certaines déclarations.
 M. Pierre Lucas, ouvrier mécanicien, demeurant à la Belle-Vue de la Madeleine, en Morlaix, a travaillé à plusieurs reprises chez Seznec, à des intervalles très irréguliers, suivant les travaux à effectuer.

Pourquoi la Cadillac n'était pas dans le garage

 Dans le courant de février, Seznec avait entrepris de monter toute son usine à l'électricité, mais les travaux exécutés par M. Caillé, électricien à Paris, furent suspendus, celui-ci ne recevant pas les acomptes prévus. Un procès s'ensuivit qui amena la liquidation judiciaire de Seznec. M. Pierre Lucas acheva une installation provisoire pour permettre à l'usine de fonctionner et notamment il monta les chaudières et les transmissions.
 Dans les derniers jours du mois de mai, M. Pierre Lucas travailla chez M. Réaux, mécanicien, rue de Brest. Le lundi 28 mai, comme M. Réaux l'a vérifié à l'aide de ses livres, il effectua un travail de forge pour la galerie d'une carosserie d'auto pour Seznec et, le travail terminé, il porta la galerie chez celui-ci, aidé d'un jeune ouvrier de M. Réaux. Ce jour-là, le chauffeur Samson était en route avec le camion et tous les ouvriers se trouvaient au bois de Pennelé. La voiture Cadillac était dans le chemin conduisant au bas de la sci[e]rie. Tous ces faits, signalés par M. Baron, ont d'ailleurs été confirmés par Mme Seznec et le chauffeur. Mais M. Pierre Lucas confirme que la voiture Cadillac n'aurait pas pu trouver place dans le garage ce jour-là, car il était absolument encombré. De plus, il avait constaté plusieurs fois que lorsque Seznec rentrait tard en auto, après le départ du chauffeur Samson, qui chaque soir fermait le garage et emportait la clef, il garait la voiture dans ce chemin, d'où elle n'était pas visible de la route. C'était une bonne précaution pour éviter de tenter les voleurs. M. Lucas se souvient en effet qu'une magnéto avait été volée sur un tracteur Renault qu'il avait laissé momentanément sur le terre-plein bordant la route près du garage.
 Il a la certitude absolue que la Cadillac n'a été démontée au garage que le lendemain, 29 mai, d'accord en cela avec le chauffeur et Mme Seznec, et avant de la rentrer, Seznec et lui se sont rendus avec la voiture jusqu'à Pont Traon, sur la route de Brest, pour voir comment elle se comportait, car le moteur marchait mal. La voiture était très sale, comme une voiture ayant beaucoup roulé, mais elle ne présentait aucune trace suspecte. Personne ne l'a encore nettoyée depuis son retour, comme on pourrait s'en rendre compte au garage Huitric, si la voiture n'était pas recouverte d'une bâche et mise sous scellés.

Rien d'anormal à la chaudière

 Pour ce qui est de la chaudière, s'il est vrai que Baron l'a trouvée chaude en y pénétrant suivant les instructions de Seznec, il n'y a rien d'étonnant à cela, car une chaudière comme celle-là, d'une force de 100 chevaux et solidement briquetée, peut conserver la chaleur pendant prés d'une semaine, après avoir été en service pendant plusieurs jours. Des experts pourraient faire l'expérience.
 Au sujet du palan, il est bien exact qu'on en a monté un pour soulever la machine, la fosse étant occupée, mais c'est plusieurs jours après le retour de la Cadillac et pour y effectuer une réparation.
 Enfin, sur la question des fumées, M. Lucas déclare que le foyer de la chaudière était toujours bourré de bois, de sciure, de chiffons gras qu'on allumait le soir habituellement pour que le lendemain, à la première heure, la machine fût sous pression.
 M. le juge d'instruction Campion entendra jeudi M. Paul Baron et M. Pierre Lucas et les mettra en présence de leur ancien patron.
 Samedi, il recueillera les dépositions du chef de gare et du facteur mixte de Houdan et les confrontera avec Seznec. Cette journée paraît devoir être intéressante.

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