Mercredi 11 juillet 1923

6 juillet 1923 | 1er septembre 1923
PRESSE : Le Petit Parisien

Le Petit Parisien, 11 juillet 1923, page 1.

SEZNEC VA ÊTRE TRANSFÉRÉ À MORLAIX

Des témoignages contradictoires laissent, à nouveau,
supposer qu'il eut, peut-être, des complices

 Morlaix, 10 juillet (de notre envoyé spécial.)
 L'ordre de transfert de Seznec a été envoyé ce soir à Paris. L'inculpé arrivera à Morlaix dans deux ou trois jours et sera immédiatement mis au secret.
 On prévoit que l'enquête en Bretagne sera longue, difficile ; on dit même qu'elle pourrait aboutir à de sensationnelles surprises. Mais que ne dit-on pas ?
 Il faut bien convenir que de nouveaux faits viennent à chaque heure embrouiller la situation. On en pourra juger par les déclarations que j'ai recueillies aujourd'hui.
 Deux sont à la charge de Seznec.
 Le 30 mai dernier, M. Batrude, marchand de machines à écrire à Brest, s'arrête chez le négociant morlaisien ; il est accompagné d'un peintre. Seznec lui demande s'il serait possible de changer le clavier américain d'une machine contre un clavier français. M. Batrude répond que l'opération serait coûteuse et difficile.
 Cette question, pense la justice, n'est pas naturelle.
 Quelques jours auparavant, le 15 mai, Seznec avait changé à l'agence du Crédit Lyonnais de Morlaix trois pièces d'or américaines, l'une de quatre dollars, les autres de deux dollars et employé la somme qu'il avait reçue à acheter pour sa fillette une toilette de première communion.
 Début de mise en scène, pense M. Vidal, dont la conviction est que l'inculpé a tenté, ainsi de faire croire à l'existence des quatre mille dollars or dont il devait parler au cours de ses premiers interrogatoires.
 D'un autre côté, j'ai vu cinq hommes d'affaires très honorables qui étaient en relations avec M. Quémeneur et avec Seznec. Deux d'entre eux étaient même les conseils de l'assassin présumé et de sa victime, Ils croient que l'éc[r]iture du télégramme adressé à Mlle Quémeneur et les signatures des deux actes de la vente de Plourivo sont de la main de M. Quémeneur.
 La famille du conseiller général, on le sait, affirme le contraire. Seznec écrit, assure-t-on, lourdement, sans aucun délié. Et si le télégramme, si les signatures de l'acte ne sont point de lui, on est amené à admettre l'existence d'un complice dont le rôle reste à déterminer.
 Un autre témoignage paraît favorable à Seznec. Celui de M. Salaün, fondé de pouvoir de la Banque Bretonne à Brest.
 — Lorsque M. Quémeneur, m'a dit celui-ci, est venu me voir pour me demander une ouverture de crédit de cent mille francs, sous prétexte de vente d'automobiles au gouvernement des soviets, je lui ai amicalement représenté que l'affaire ne paraissait pas tenir debout, et qu'il eut à se méfier d'une escroquerie. Il se défendit, m'expliquant qu'elle était très sérieuse et qu'il avait déjà rencontré à Paris un agent chargé de conclure les marchés, qui était l'homme le plus sérieux du monde.
 Je n'insistai pas. Mais il me semble évident que s'il se fût agi d'une combinaison ourdie par Seznec, M. Quémeneur eût, au moins, prononcé le nom de celui-ci.
 Menus incidents que tout cela, Mais ils ne sont pas à négliger, étant acquis que les ténèbres dont s'entoure la disparition de M. Quémeneur ne se di[ss]ipent pas, bien au contraire.

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