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Dimanche 2 septembre 1923

1er septembre 1923 | 3 septembre 1923
PRESSE  : L'Ouest-Éclair

L'Ouest-Éclair, 2 septembre 1923, page 2.

UNE ÉTRANGE RÉVÉLATION
D'UN ANCIEN OUVRIER DE SEZNEC

Pourquoi Seznec avait-il garé son auto
auprès de la chaufferie en revenant de Dreux  ?

Comment expliquer que la chaudière qui n'avait
pas été allumée par les ouvriers était chaude  ?

 MORLAIX, 1er septembre. — (De notre envoyé spécial). — Ayant appris ce matin qu'un ancien ouvrier de Seznec serait disposé à des révélations, nous sommes allé l'écouter incontinent. Il s'agit de M. Paul Baron, qui était depuis un an affûteur de scies chez Seznec lorsque les événements obligèrent celui-ci à licencier son personnel. M. Baron nous fait l'exposé suivant  :
 Le lundi 28 mai au matin, en reprenant leur travail, quelques ouvriers et lui-même ont vu l'automobile de leur patron, qu'ils savaient en voyage depuis quelques jours, garée au bas du chantier de la chaufferie, à un endroit où on ne la plaçait jamais d'habitude. Peu après, Angèle Labigou, la domestique, vint donner aux ouvriers les instructions de Seznec. Ils devaient TOUS se rendre au bois de Pennelé, en Saint-Martin-des-Champs, pour y travailler à une coupe de bois. M. Baron lui répondit que son métier n'était pas de remuer du bois et qu'il n'irait pas. Il resta donc au chantier. Angèle lui dit alors que le patron était couché et qu'il ne le verrait sans doute pas. Il était rentré fatigué, n'ayant pas dormi depuis deux jours.
 Dans l'après-midi, Seznec s'étant levé, vint au chantier, se rendit immédiatement près de la voiture, la fit remonter sur le terre-plein et la mit au garage. Dans ce dernier local, M. Baron aida à installer un palan pour soulever l'automobile. Seznec, avec l'aide de son chauffeur, se mit à démonter toute la voiture, capote comprise et à la nettoyer.
 Deux ou trois jours après, il ne se souvient pas exactement, Seznec dit à M. Baron qu'il faudrait vider la chaudière de la chaufferie et, tandis que l'ouvrier terminait le travail qu'il avait en mains, Seznec se mit à faire lui-même la besogne en manches de chemise. M. Baron le vit emporter les cendres avec sa brouette. Ensuite Seznec vint lui dire qu'il fallait entrer dans la chaudière pour la nettoyer à fond et la vider complètement.
M. Baron, en y entrant, fut surpris de la trouver chaude, étant donné qu'elle n'avait pas été allumée depuis le départ de Seznec, une huitaine de jours auparavant. Il fut obligé d'ouvrir le volet d'aération pour ne pas étouffer.
 Rapprochons simplement ce récit des fumées qui auraient été vues peu après le retour de Seznec. M. Campion s'est entretenu avec M. le commissaire François au sujet de ce nouveau témoignage.

Mme Seznec est interrogée

 Mme Seznec fut informée ce matin que M. le Juge d'Instruction Campion désirait la questionner à nouveau dans la matinée même, avant le nouvel interrogatoire de son mari, prévu pour cet après-midi. Bien que légèrement souffrante, Mme Seznec se rendit aussitôt au Palais, vers 10 heures, accompagnée de sa fille cadette.
 Le magistrat instructeur lui demanda de nouvelles précisions au sujet des dollars pour les rapprocher des renseignements que lui avait fournis hier à ce sujet la domestique Angèle Labigou.
 Mme Seznec a confirmé les indications relatives à la boîte des dollars, mais celle-ci pesait au moins 5 kilos. Remarquons que s'il y avait bien une somme de 65.000 francs en dollars, au cours actuel, la boîte devait être d'environ 6  k.  500.
  Le magistrat instructeur a mis sous les yeux de Mme Seznec la longue lettre de son mari, saisie dans le coulisseau du sac à linge et M. Jézéquel, greffier, en a fait la lecture intégrale. M. Campion en a alors exposé toute la gravité à Mme Seznec, ajoutant  : «  Votre mari qui doit bien connaître votre caractère, a-t-il pu croire que vous vous seriez prêtée à de telles manœuvres  ?  »
 «  Jamais je n'y aurais consenti, a répliqué Mme Seznec, avec un accent de sincérité. Mon mari s'est trompé sur ce point parce que tous ces événements ont dû lui troubler l'esprit. Autrement, il n'aurait jamais eu une telle idée.  »
 M. le Juge d'Instruction lui a demandé si avant cette dernière lettre interceptée, elle n'en aurait pas reçu une ou plusieurs autres par ce même stratagème ou par tout autre moyen irrégulier  : elle a affirmé que non.
 Le parquet aurait-il laissé passer volontairement une correspondance frauduleuse reconnue anodine  ? Nous n'avons pas pu pénétrer ce secret.
 Enfin, le magistrat Instructeur a fait savoir à Mme Seznec qu'elle ne pourrait plus voir son mari qui est maintenant en cellule.
 Mme Seznec, que nous voyons à sa sortie du Palais, vers midi, est encore toute émue de cette dernière nouvelle  : «  Guillaume qui est d'une frêle constitution, nous dit-elle, pourrait bien ne pas résister à un pareil régime. Sans parler d'une fièvre typhoïde l'an dernier, il a eu une congestion pulmonaire voici quatre ans et son médecin déclara à ce moment qu il devait prendre de grands ménagements. Or, il couche maintenant sur une paillasse, sans draps, avec une couverture, et il est exposé à l'humidité et aux courants d'air.  »

Me Pouliquen et Mlle Quemeneur sont confrontés avec Seznec

 Les dépositions de Me Pouliquen et de Mlle Quemeneur reportées à cet après-midi n'ont présenté que peu d'intérêt, de même que les confrontations avec Seznec.
 Me Pouliquen, notaire à Pont-l'Abbé, beau-frère du disparu, et Mlle Quemeneur, sœur de celui-ci, expriment au juge d'instruction leur étonnement que leur parent, ait sollicité, sans les prévenir ni les mettre au courant un emprunt de 150.000 francs à la Banque Bretonne de Brest pour réaliser l'affaire d'automobiles américaines.
 Cependant, ce fait est certain puisqu'il est reconnu par M. Salaün, directeur de la Banque, qui n'accorda pas les fonds, n'ayant pas eu confiance en l'affaire. Me Pouliquen pense que son beau-frère songea à ce moment-là à lui demander les 60.000 francs. En arrivant à Rennes, par la train de midi, le 24 mai, M. Quemeneur aurait mis son projet à exécution en lui demandant la somme par télégramme, mais sans lui indiquer où il fallait l'envoyer. Sur ces entrefaites, Seznec serait arrivé à Rennes, en automobile, dans le courant de l'après-midi du même jour et aurait influencé M. Quemeneur qui téléphona alors à son beau-frère pour le prier d'adresser un chèque de 60.000  frs. au bureau de poste du boulevard Malesherbes.
 Seznec, confronté a maintenu ses déclarations antérieures et a soutenu qu'il n'avait nullement conseillé M. Quemeneur en quoi que ce soit et que ce dernier avait pris l'initiative de la demande d'envoi du chèque au bureau du poste du boulevard Malesherbes  ; et même, qu'il avait déjà téléphoné à son beau-frère à ce sujet lorsqu'il est arrivé à Rennes.
 Une foule très dense se pressait aux abords du Tribunal à la sortie du prisonnier qui était entre le maréchal-des-logis Leguen et le gendarme Calvez.
 Ce matin, avant de se rendre au Palais de Justice, Mme Seznec avait reçu la visite de Me Vérant, notaire et Me Belz, avoué liquidateur, au sujet de ses intérêts.
 Me Belz nous a déclaré que, dans le courant de ce mois, deux réunions des créanciers auront lieu à quelques jours d'intervalle. Il reste probable que la situation financière de Seznec se soldera par un actif appréciable.

Fausse alerte dans la région de Houdan

 PARIS, 1er septembre. — M. Vidal a été appelé inopinément à partir pour la région de Houdan, afin d'effectuer certaines vérifications à un endroit où la terre avait été fraîchement remuée et d'où se dégageait une odeur cadavérique. Les recherches n'ont donné aucun résultat  ; les émanations provenaient tout simplement de champignons.

Mercredi 11 juillet 1923

6 juillet 1923 | 1er septembre 1923
PRESSE : Le Petit Parisien

Le Petit Parisien, 11 juillet 1923, page 1.

SEZNEC VA ÊTRE TRANSFÉRÉ À MORLAIX

Des témoignages contradictoires laissent, à nouveau,
supposer qu'il eut, peut-être, des complices

 Morlaix, 10 juillet (de notre envoyé spécial.)
 L'ordre de transfert de Seznec a été envoyé ce soir à Paris. L'inculpé arrivera à Morlaix dans deux ou trois jours et sera immédiatement mis au secret.
 On prévoit que l'enquête en Bretagne sera longue, difficile ; on dit même qu'elle pourrait aboutir à de sensationnelles surprises. Mais que ne dit-on pas ?
 Il faut bien convenir que de nouveaux faits viennent à chaque heure embrouiller la situation. On en pourra juger par les déclarations que j'ai recueillies aujourd'hui.
 Deux sont à la charge de Seznec.
 Le 30 mai dernier, M. Batrude, marchand de machines à écrire à Brest, s'arrête chez le négociant morlaisien ; il est accompagné d'un peintre. Seznec lui demande s'il serait possible de changer le clavier américain d'une machine contre un clavier français. M. Batrude répond que l'opération serait coûteuse et difficile.
 Cette question, pense la justice, n'est pas naturelle.
 Quelques jours auparavant, le 15 mai, Seznec avait changé à l'agence du Crédit Lyonnais de Morlaix trois pièces d'or américaines, l'une de quatre dollars, les autres de deux dollars et employé la somme qu'il avait reçue à acheter pour sa fillette une toilette de première communion.
 Début de mise en scène, pense M. Vidal, dont la conviction est que l'inculpé a tenté, ainsi de faire croire à l'existence des quatre mille dollars or dont il devait parler au cours de ses premiers interrogatoires.
 D'un autre côté, j'ai vu cinq hommes d'affaires très honorables qui étaient en relations avec M. Quémeneur et avec Seznec. Deux d'entre eux étaient même les conseils de l'assassin présumé et de sa victime, Ils croient que l'éc[r]iture du télégramme adressé à Mlle Quémeneur et les signatures des deux actes de la vente de Plourivo sont de la main de M. Quémeneur.
 La famille du conseiller général, on le sait, affirme le contraire. Seznec écrit, assure-t-on, lourdement, sans aucun délié. Et si le télégramme, si les signatures de l'acte ne sont point de lui, on est amené à admettre l'existence d'un complice dont le rôle reste à déterminer.
 Un autre témoignage paraît favorable à Seznec. Celui de M. Salaün, fondé de pouvoir de la Banque Bretonne à Brest.
 — Lorsque M. Quémeneur, m'a dit celui-ci, est venu me voir pour me demander une ouverture de crédit de cent mille francs, sous prétexte de vente d'automobiles au gouvernement des soviets, je lui ai amicalement représenté que l'affaire ne paraissait pas tenir debout, et qu'il eut à se méfier d'une escroquerie. Il se défendit, m'expliquant qu'elle était très sérieuse et qu'il avait déjà rencontré à Paris un agent chargé de conclure les marchés, qui était l'homme le plus sérieux du monde.
 Je n'insistai pas. Mais il me semble évident que s'il se fût agi d'une combinaison ourdie par Seznec, M. Quémeneur eût, au moins, prononcé le nom de celui-ci.
 Menus incidents que tout cela, Mais ils ne sont pas à négliger, étant acquis que les ténèbres dont s'entoure la disparition de M. Quémeneur ne se di[ss]ipent pas, bien au contraire.

Jeudi 28 juin 1923

27 juin 1923 | 29 juin 1923
PRESSE  : La Dépêche de Brest - La Croix - Le Journal - Autres articles

ÉVÉNEMENTS

 Vers 7 heures 15, Guillaume Seznec arrive à Paris, gare Montparnasse, par le rapide de Brest. Il porte sa mallette en osier. Suivi discrètement dès son arrivée par deux inspecteurs1, il se rend au café-restaurant À la Ville de Brest, 5 place de Rennes2, près de la gare. Il prend un café et plusieurs croissants, ainsi qu’un verre de vin blanc, et lit la presse avec intérêt. Au moment de payer, il dépose sa mallette à la caisse en disant qu’il repassera la chercher le soir même. Les inspecteurs, qui étaient assis à une table voisine, récupèrent la mallette après son départ3.
 Tôt dans la matinée, deux inspecteurs de la Sûreté générale se rendent à Millemont et interrogent les deux aubergistes et le garagiste du village, sans succès. Puis, à La Queue-lez-Yvelines, ils retrouvent la trace du passage de Seznec le 26 mai4.
 Vers 9 heures 30, Seznec arrive à la Sûreté générale, rue des Saussaies. Il est interrogé toute la journée par le commissaire Achille Vidal. Interrompue par le déjeuner, l’audition reprend vers 14 heures5. Elle est suivie d’une confrontation avec Jean Pouliquen et Jenny Quéméner6.
 Le commissaire Léon Labouérie et quelques inspecteurs de la police mobile de Rennes se rendent à Morlaix chez les Seznec. Audition de Marie-Jeanne, perquisition de la maison et du garage, et mise sous scellés de la Cadillac.
 Audition de Gabriel Saleun.
 Dans la journée, un journaliste du Petit Journal rencontre Jean Marc, père de Marie-Jeanne Seznec, qui donne de très mauvais renseignements sur son gendre7.
 L’audition de Guillaume Seznec dure jusqu’à 22 heures. Il renonce à dîner et passe la nuit dans un hôtel voisin de la rue des Saussaies, accompagné de deux inspecteurs8.

___
1. Probablement Pierre Bonny et Alphonse Royère, qui secondent le commissaire Vidal dans son enquête. L’inspecteur Albert Tissier, 25 ans, est présent en arrière-plan sur la photographie de Guillaume Seznec prise ce matin-là devant la Sûreté générale, mais il a les mains vides et l’homme qui l'accompagne ne transporte pas la mallette de Seznec.
2. Aujourd’hui À la Duchesse Anne, 5 place du 18-juin-1940.
3. Le Petit Journal du 29 juin 1923 et Le Petit Parisien du 3 juillet 1923.
4. Le Petit Parisien du 30 juin 1923.
5. La Dépêche de Brest du 29 juin 1923.
6. Le Petit Journal du 29 juin 1923.
7. Le Journal et Le Petit Journal du 1er juillet 1923.
8. Le Petit Parisien et Le Petit Journal du 30 juin 1923.

LA DISPARITION DE M. QUÉMÉNEUR

La Dépêche de Brest & de l’Ouest, 28 juin 1923, pages 1, 2 et 5.

Le conseiller général de Sizun avait eu plusieurs entrevues
avec le mystérieux Charly — S’est-il jamais rendu au Havre  ?
Une véritable mise en scène

 Il est certain aujourd’hui que M. Quéméneur était entré en relations avec l’individu qui lui écrivait sous l’en-tête de la Chambre de commerce américaine de Paris et qu’on désignait sous le nom de Charly par l’intermédiaire d’une annonce répandue dans les journaux.
 Des recherches nous ont permis de retrouver une annonce parue fin novembre dernier et libellée comme suit  :
 «  Automobiles. Suis acheteur comptant toutes voitures et châssis Cadillac et camions U.S.A. provenant des stocks, dans n’importe quel état.  »
 Cela répond parfaitement, on le voit, aux besoins de l’affaire entreprise par M. Quéméneur, U.S.A. et Cadillac, telles étaient les marques qu’il réclamait.
 «  Quel que soit l’état des voitures, disait-il, pourvu qu’elles roulent, cela suffit.  »
 Et l’on recherche à présent l’auteur de cette annonce.
 Quant à Charly lui-même, M. Seznec nous disait, avant-hier, qu’il ne croyait pas que M. Quéméneur l’eût jamais vu  ; mais il ne pouvait rien affirmer à ce sujet.
 Nous avons rencontré, hier, un confident du disparu auquel celui-ci déclarait nettement  :
 — Celui qui me procure l’affaire, je l’ai vu plusieurs fois et puis lui accorder autant de confiance qu’à moi-même. Il m’a d’ailleurs communiqué des documents qui ne me permette d’avoir aucun doute. Ces documents étaient des pièces émanant d’un gouvernement et démontraient qu’il avait assez d’influence pour me permettre non seulement d’obtenir l’affaire, mais de la continuer en la renouvelant.
 «  Mais, ajoutait M. Quéméneur, je n’ai pas l’intention d’accaparer tous les marchés  ; lorsque je les aurais eu trois ou quatre fois, je les passerai à d’autres, car à ce moment le bénéfice obt[e]nu sera suffisant  ».
 Qu’est donc devenu ce Charly qui avait si bien capté la confiance du conseiller général de Sizun et dont on n’a pu découvrir la trace jusqu’à présent  ?
 On avait tout d’abord mis son existence en doute  ; mais il ne peut plus [en]1 être question aujourd’hui, quel que soit son nom, puisque M. Quéméneur déclarait l’avoir rencontré.

Les surprises de la graphologie

 M. Quéméneur était au Havre le 13 juin, nous dit-on, mais sur quoi repose cette affirmation  ? Sur le fait qu’un télégramme signé Pierre aurait été adressé à sa sœur, dans cette ville  ? Sur les inscriptions relevées dans le carnet qui lui permettait de tenir ses comptes au jour le jour  ?
 Qu’est-ce qui démontre tout d’abord que le disparu ait atteint Paris, sinon une simple ligne griffonnée sur ce carnet étroit dont l’encre est délavée et les caractères imprécis au point de n’être pas complètement déchiffrés  ?
 Il n’est pas, en effet, encore établi que M. Quéméneur ait rencontré qui que ce soit dans la capitale. Il est, par contre, certain qu’il n’est pas descendu à l’hôtel de Normandie où devait le retrouver M. Seznet2, comme lui intéressé à cette affaire qui déterminait leur déplacement commun.
 Toujours, se basant sur les inscriptions du carnet, on déclare encore que M. Quéméneur fit un voyage de Paris au Havre, un autre voyage dont on ne peut distinguer le terme, puis revint au Havre d’où il songea seulement le 13 juin à télégraphier à sa sœur. Il était donc à ce moment resté 19 jours sans donner de ses nouvelles.
 Or, il est établi que cela est absolument contraire à ses habitudes. Partout où il se trouvait — nous avons en cela fait appel au témoignage de tous ceux qui l’approchaient — il s’empressait, chaque fois qu’il était retenu à Landerneau même ou qu’il voyageait dans les environs, de téléphoner ou d’écrire à sa sœur. Dans toutes les maisons où il avait coutume de fréquenter, le fait fut maintes fois remarqué.
 Est-il admissible, par suite, qu’au cours de voyages aussi inattendus il soit resté de si longs jours sans adresser le moindre mot  ?
 M. Quéméneur était au Havre le 13 juin  ! Possible, mais ne doit-on pas se souvenir qu’hier encore on déclarait que le télégramme signé de son nom n’était pas écrit de sa main  ?
 L’erreur est donc admise en ce qui concerne l’examen d’une écriture qui a pu se développer normalement sur toute la largeur d’une feuille  ; mais ne serait-elle pas possible lorsqu’il s’agit de l’examen de l’écriture d’une note hâtivement portée sur l’étroitesse d’un carnet qui, de plus, a subi une immersion assez longue  ?
 N’est-il pas encore bien plus difficile, dans ces conditions, de donner à ces lettres une paternité certaine  ?
 Serait-il exagéré d’émettre l’hypothèse que l’écriture du télégramme, comme celle du carnet, fut truquée  ?
 N’est-on pas amené logiquement à le penser lorsque l’on se trouve en présence d’une véritable mise en scène comme celle de la valise  ?
 De cette valise qu’on retrouve — comme par hasard — dans la salle d’attente d’une gare, avec une serrure forcée, quelques taches de sang par ci par là, des papiers d’identité soigneusement collectionnés pour qu’on ne s’y trompe pas, et enfin ce carnet où rien n’est plus simple que d’ajouter quelques lignes en tenant compte de la forme des inscriptions précédentes.
 Ce carnet, fort aimablement rapporté, n’est-il pas là mis au point pour confirmer qu’à la date du 13 juin M. Quéméneur pouvait encore télégraphier à sa sœur  :
 «  Ne rentrerai Landerneau que dans quelques jours. Tout va pour le mieux. — Pierre.  »

DES FAUX DANS LA VALISE  (?)

 Paris, 26. — La famille Quéméneur a reconnu la valise trouvée au Havre, mais elle élève des doutes au sujet de certaines inscriptions du carnet et surtout au sujet d’un acte sous seing privé daté du 22 mai et signé Quéméneur et Seznec. Cet acte concerne la vente d’une propriété.
 La voiture Cadillac dans laquelle M. Seznec s’est rendu à Dreux va être saisie pour expertise.

M. Seznec part pour Paris

 M. Seznec, nous l’avons dit, a été entendu par les délégués de la police mobile  ; puis, dans la soirée, il était convoqué à Paris afin de fournir quelques précisions réclamées par M. Vidal, commissaire de la sûreté générale, section des recherches, chargé de l’enquête.
 L’industriel morlaisien prenait le train hier soir pour Paris.

Un avis de la Sûreté générale

 Paris, 27. — On nous prie d’insérer la note suivante  :
La personne qui a écrit, hier, à la sûreté générale, au sujet de l’affaire Quéméneur, est priée de vouloir bien se présenter à M. Vidal, commissaire de police, au contrôle des services de recherches judiciaires, 11, rue des Saussaies, à Paris, ou lui écrire pour fixer rendez-vous.
 La plus grande discrétion est assurée.

Un point à éclaircir

 Landerneau. — On sait que la famille de M. Quéméneur reçut, le 13 juin au soir, un télégramme ainsi conçu  : «  Tout va bien. Signé  : Pierre.  » et qu’à la suite de cet avis, Mlle G. Quéméneur3 adressait à son tour, à M. et Mme Seznec, courtiers à Morlaix, une carte postale avec ces mots  : «  Reçu hier, 13 au soir, un télégramme de Pierre. Tout va bien, soyez donc rassurés et croyez à mes meilleurs sentiments.  [»]
 Mais comme il existe à Landerneau, rue de la Fontaine-Blanche, une très importante maison de nouveautés et fabrique de parapluies, dirigée par M. Quéméner qu’à la suite de notre premier article concernant la disparition de M. Quéméneur, paru dans la Dépêche de dimanche dernier 24 courant, plusieurs personnes de la ville et aussi des fournisseurs de Paris, ont pensé qu’il s’agissait du propriétaire de la maison de la rue de la Fontaine-Blanche, car nous avions employé le mot «  négociant à Landerneau  » pour indiquer la qualité du disparu  ; nous pensons aujourd’hui que ce mot «  négociant  », qui a prêté à confusion, pourrait aussi servir à éclairer sérieusement un point troublant de cette affaire.
 Les télégrammes adressés Quéméner négociant à Landerneau, sont, d’après ce que nous avons appris, généralement déposés à la maison Quéméner, rue de la Fontaine-Blanche, et comme le disparu connaissait sûrement cette habitude de la poste, il prenait sans aucun doute toujours la précaution de porter comme adresse sur sa correspondance et sur ses télégrammes, les mots  : «  Quéméneur, à Ker-Abri, près Landerneau  », ou encore «  Quéméneur, marchand de bois à Landerneau  ».
 Cette remarque facile à vérifier a donc une importance très grande, si la dépêche du 13 juin a été vraiment libellée par M. Quéméneur, le mot négociant ne doit pas y figurer  ; écrite au contraire par une personne étrangère, on comprend facilement qu’on ait pu l’employer, et elle émanerait donc sans discussion possible d’une personne intéressée à rassurer pour quelques jours les inquiétudes de la famille du disparu. Comme Mlle Quéméneur doit toujours posséder le télégramme, nous apprendrons certainement avant peu si à la date du 13 M. Quéméneur, son frère, lui a bien, en personne, télégraphié de ses nouvelles.

L’enquête se poursuit dans la région de Dreux et au Havre

 Paris, 27. — L’enquête que mène la sûreté générale au sujet de la mystérieuse disparition de M. Quéméneur, se poursuit très activement. Les recherches se sont portées, au cours de la journée, en deux points  : au Havre et dans la région de Dreux.
 On sait que la valise du disparu a été trouvée à la gare du Havre. C’est là qu’on perd les traces du conseiller général  ; mais une première difficulté surgit quant à la dernière journée qu’il a passée dans le chef-lieu de la Seine-Inférieure. Est-ce le 13 ou le 14 [juin]4  ? Son carnet ne donne de renseignements que jusqu’au 13. C’est à cette dernière date que figure la mention de la dernière dépense, mais le télégramme rassurant reçu par la famille Quéméneur est du 145.
 On a émis tout d’abord des doutes sur l’authenticité de ce télégramme. Mais après examens minutieux, il semble bien qu’il a été écrit de la main de M. Quéméneur. La mauvaise qualité des plumes en usage dans les bureaux de poste avait seule motivé la suspicion première.
 M. Quéméneur était-il vivant au Havre le 13 ou le 14 au matin  ? Voici donc la première question que se posent les agents de la sûreté.
 Seconde énigme  : le carnet de dépenses du disparu, ainsi que nous l’avons annoncé, porte une inscription qui est restée indéchiffrable, et qui a trait à un voyage mystérieux qui s’ajouterait au trajet D[r]eux-Paris, Paris-Le Havre. Aucun Œdipe n’est encore parvenu à démêler le sens de cette phrase, qui commence par le mot  : Voyage.
 La famille de M. Quéméneur est arrivée à Paris pour reconnaître la valise, ainsi que les objets et papiers qu’elle renferme encore. Espérons qu’elle sera plus heureuse et qu’elle réussira à déchiffrer la phrase énigmatique.
 L’enquête, en ce qui concerne les événements qui ont eu la région de Dreux pour théâtre, présente également un vif intérêt. Rappelons que c’est à Dreux que M. Seznec, d’après ses déclarations, a vu pour la dernière fois son ami Quéméneur. Ils se rendent à Paris dans une automobile qui leur appartient à tous les deux. A Dreux, une panne les immobilise un instant. Ils repartent après réparation  ; mais sur la grand[’]route une seconde panne se produit. Les deux voyageurs reviennent à Dreux. M. Quéméneur, qui a un rendez-vous avec un mystérieux Américain, avenue du Maine, derrière la gare Mon[tp]arnasse, perd patience et prend le train. C’est le 25 mai.
 M. Seznec ne reverra plus M. Quéméneur. Le mécanicien de Dreux qui dépanna la voiture aux dires de M. Seznec a été recherché. Il donnera vraisemblablement des détails intéressants sur l’odyssée des deux automobilistes venus par la longue route vers un rendez-vous mystérieux auquel ne se présenta que l’un d’eux que l’on n’a plus revu.
 Pendant que M. Quéméneur partait ainsi sur le chemin dont il n’est pas revenu, M. Seznec essayait, a-t-il dit, de se rendre à Paris où M. Quéméneur lui avait dit, à tout hasard, qu’il le rencontrerait à la porte de Versailles le lendemain, sans plus de précision. Mais décidément la voiture à vendre n’était pas vendable, puisqu’elle eut une nouvelle panne à quelques kilomètres de Dreux. M. Seznec revint, de guerre lasse, vers Morlaix, qu’il n’atteignit finalement, après des arrêts provoqués par la mauvaise volonté de la voiture, que le 28.
 Les choses en sont là. M. Seznec, qui ne sera entendu que demain matin par la commissaire Vidal, de la sûreté générale, fournira peut-être quelque lumière supplémentaire sur l’extraordinaire randonnée de ces dernières journées de mai, au cours de laquelle il perdit un ami familier, qu’il tutoyait.

L’AFFAIRE QUÉMÉNEUR

M. Bollon ne connaissait pas M. Quéméneur

 Paris, 27. — M. Bollon, 33, avenue Sainte-Foy, à Neuilly-sur-Seine, nous a fait les déclarations suivantes  : «  Il est exact que j’ai donné une annonce à la Dépêche de Brest et de l’Ouest, ainsi qu’à un journal de Nantes, au sujet d’achat d’automobiles d’occasion. Mais je n’ai jamais été en relations d’affaires avec M. Quéméneur, dont j’ai lu dans les journaux la disparition. Je ne le connais pas.  »

___
1. Mot omis.
2. Sic.
3. Jenny Quéméner (l’initiale est erronée).
4. Source  : «  mai  ».
5. En réalité du 13.

LA DISPARITION DE M. QUÉMENEUR

La Croix, 28 juin 1923, page 5.

 L’affaire de la disparition du conseiller général Quémeneur reste toujours mystérieuse.
 Un point semble maintenant à peu près établi  : le télégramme expédié du Havre le 13 juin à Mlle Quémeneur, aurait bien été rédigé par son frère.
 Donc M. Quémeneur était alors encore vivant. Sa valise fut retrouvée le 20  : que s’est-il passé entre ces deux dates  ?
 Une autre question se pose  : alors que depuis quarante-huit heures tous les journaux consacrent de longs articles à la disparition de M. Quéméneur, pourquoi M. Sherdly, l’Américain avec lequel il était en affaires, ne s’est-il pas encore fait connaître  ?
 L’orthographe de ce nom ne serait peut-être pas très exacte, mais la consonnance permet de rectifier ce point de détail. Aussi la police recherche-t-elle le pseudo Sherdly dont le témoignage lui paraît fort intéressant.
 Par ailleurs, c’est en vain qu’on a jusqu’à ce jour cherché trace du passage à Paris de M. Pierre Quémeneur. Ce dernier n’a été vu, pas plus à l’hôtel où il avait donné rendez-vous à M. Sezenec, qu’avenue du Maine où il devait se rendre.
 Est-il bien venu Paris  ? On ne sait.
 D’autre part, à Morlaix, M. Sezenec, interrogé a déclaré  :
 «  L’affaire que nous devions traiter à Paris avec l’Américain nous semblait excellente et devait rapporter gros  ; il s’agissait de rechercher et d’acheter pour la Russie toutes les automobiles américaines demeurées en Bretagne après le départ de nos alliés. M. Quémeneur, homme politique, ne voulait pas paraître en nom dans l’affaire, c’est moi qui traitais, lui apportait les capitaux.
 Ajoutons que la Sûreté générale a prié M. Sezenec de venir d’urgence à Paris pour déposer au sujet de son voyage en auto de Rennes à Dreux avec M. Quémeneur.

LA MYSTÉRIEUSE DISPARITION DE M. QUÉMÉNEUR
DEVIENT DE PLUS EN PLUS TROUBLANTE

Le Journal, 28 juin 1923, page 3.

[DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL]

 BREST, 27 juin. — L’enquête que mènent parallèlement la Sûreté générale et le parquet de Brest sur la mystérieuse disparition de M. Quémeneur semble devoir aboutir à des résultats assez inattendus. Il serait imprudent de vouloir tirer déjà de certains faits une conclusion assez sensationnelle, mais l’affaire prend, on n’en peut douter, une tournure de plus en plus troublante.
 M. Binet, juge d’instruction, avait, comme nous l’avons dit, lancé à Paris, au Havre, à Dreux, à Rennes et à Morlaix diverses commissions rogatoires, dont les résultats ont commencé d’arriver ce soir. On a appris ainsi que Mlle Quémeneur, sœur du disparu, et M. Pouliguen, son beau-frère, avaient formellement reconnu comme ayant appartenu au conseiller général la valise et les objets trouvés en gare du Havre, mais ces deux personnes ont émis des doutes sur l’authenticité des notes et des inscriptions relevées sur le carnet que contenait également la valise. Ce détail n’est pas le seul à être d’une certaine gravité. En effet, une suspicion a été formulée quant à l’acte sous-seing privé, daté du 22 mai et trouvé en la possession de M. Sezenec, acte que MM. Quémeneur et Sezenec auraient passé entre eux au sujet de la vente d’une propriété. D’après M. Sezenec, cet acte représenterait la garantie que M. Quémeneur lui aurait remise en échange des 4,000 dollars or qu’il lui aurait donnés à Brest, avant leur départ pour Paris, comme on s’en souvient. Enfin, des instructions ont été données pour que soit saisie et mise en lieu sûr la fameuse automobile actuellement garée à Morlaix et dans laquelle MM. Quémeneur et Sezenec se rendirent à Dreux.
 On sait que, d’après les déclarations de M. Sezenec, M. Quémeneur, avant son départ pour Paris, était venu à Brest et s’était rendu à la Société Bretonne pour demander ouverture d’un crédit de 100.000 francs qui, paraît-il, lui étaient nécessaires pour conclure son affaire d’automobiles. M. Saleun a bien reçu, en effet, le 22 mai — date à laquelle l’acte sous-seing privé dont il est question plus haut, aurait été passé entre MM. Quémeneur et Sezenec — la visite du conseiller général.
 «  C’est le mardi matin que M. Quémeneur vint me trouver, m’a déclaré M. Saleun. Il voulait des fonds pour le jeudi 24 mai. Contrairement à ce que M. Sezenec affirme, nous ne les lui avons pas refusés. En effet, la demande d’ouverture de crédit de M. Quémeneur devait être soumise au conseil d’administration qui aurait décidé, le lendemain 23 mai  ; or le même 22 mai, à 1  h.  30 de l’après-midi, M. Quémeneur vint à nouveau me trouver à la banque pour m’informer qu’il n’avait plus besoin de ce crédit. Il me déclara qu’il avait téléphoné à un parent qui lui avancerait les fonds.  »
 Il s’agit là de M. Pouliguen, son beau-frère, qui expédia à Paris le chèque de 60.000 francs.
 «  Néanmoins, reprend M. Saleun, nous continuâmes notre conversation  ; le sujet en était la mirifique affaire d’autos. Je dois vous dire que M. Quémeneur, bon garçon au demeurant, était assez naïf en affaires, et plusieurs fois j’avais eu l’occasion de le tirer des griffes de certains aigrefins qui visaient sa bourse. En apprenant donc qu’il s’agissait de drainer les autos américaines de la région pour les revendre à Paris à un intermédiaire chargé de les acheter pour le compte des soviets, je tentai de détourner M. Qué[m]eneur1.
 Il s’agissait donc bien d’acheter un lot d’autos, réunies sans doute par ce Charly avant de les revendre par l’intermédiaire de cet individu aux soviets, avec le gros bénéfice que l’on avait fait miroiter à mon ami pour l’attirer dans le guet-apens avec la certitude qu’il aurait sur lui une importante somme d’argent. Pourtant, devant la confiance si complète de M. Quemeneur il me semble — contrairement encore à ce qu’affirme M. Sezenec — que mon ami devait être en relations suivies avec l’introuvable Charly. De plus sur une question de moi, j’appris qu’il avait découvert cette affaire par une annonce parue dans les journaux.  »
 J’ouvre ici une parenthèse pour dire que dans les journaux locaux où j’ai fait des recherches, j’ai découvert l’annonce suivante dans le numéro du 30 novembre 1922 de la Dépêche de Brest.
Automobiles. — Suis acheteur comptant toutes voitures et chassis Cadillac et camions U.S.A. provenant des stocks dans n’importe quel état. Ecrire détails Bollon, avenue Sainte-Foy, Neuilly, Seine.
 Cette annonce semblerait être celle qui attira l’attention de M. Quemeneur en raison de ce fait qu’elle demandait des autos quel que soit leur état.
 Enfin M. Saleun termina notre entretien en notant que la plus grande partie des déclarations de M. Sezenec, notamment celles qui concernent l’étrange voyage interrompu à Dreux et la remise des 4.000 dollars par lui paraissent extrêmement étranges  : M. Quemeneur ne lui parla jamais de cet argent. — HENRY BARBY.

L’enquête à Paris

 L’enquête que conduit M. le commissaire Vidal, de la Sûreté générale, s’est poursuivie toute la journée d’hier, à Paris. Aujourd’hui sera entendu, à titre de témoin, M. Sezenec, le négociant de Morlaix. Il sera confronté avec M. Pouliguen, beau-frère du disparu.
 D’autre part, la Sûreté générale fait savoir que la personne qui, avant-hier, écrivit il cette administration au sujet de l’affaire Quemeneur, est priée de vouloir bien se présenter à M. Vidal, commissaire de police au contrôle des services des recherches judiciaires, 11, rue des Saussaies, à Paris, ou de lui écrire pour fixer un rendez-vous  ; la plus grande discrétion sera observée.

Chez M. Bollon

 Nous avons pu voir, hier, M. Bollon, garagiste, domicilié 33, avenue Sainte-Foy, à Neuilly, qui fit paraître dans la Dépêche de Brest l’annonce dont il est question plus haut.
 «  Je n’ai jamais eu de relation, commerciale ou autre, nous dit-il, ni avec M. Quémeneur ni avec M. Sezenec. Les rares personnes touchées par mon avis, dans la région du Finistère, n’habitent d’ailleurs pas Landerneau et Morlaix.  »

Quel est ce noyé  ?

 LE HAVRE, 27 juin. — A 5 heures du matin, le 14 juin dernier, un pêcheur d’Octeville, près du Havre, découvrait le cadavre d’un baigneur. Aucune disparition n’ayant été signalée dans les environs, on l’inhuma au cimetière communal et l’affaire fut classée. Or, hier, en compulsant des dossiers, on constata que la découverte correspondait à un jour près à la disparition de M. Quémeneur et que le signalement du noyé était sensiblement le même que celui du disparu. On se demanda si le 13 juin, M. Quémeneur, se baignant au Havre, ne s’y serait pas noyé et si son corps n’aurait pas été transporté par le courant à Octeville, comme il arrive fréquemment. Toutefois — et c’est aussi l’avis de la Sûreté générale — on croit ne se trouver qu’en présente d’une coïncidence.

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1. Source  : «  Quémemeneur  ».

AUTRES ARTICLES

La Croix (supra)
La Dépêche de Brest (supra)
Excelsior, page 3.
Le Figaro, page 2.
Le Gaulois, pages 2 et 3.
L’Homme Libre, page 2.
L’Humanité, page 2.
L’Intransigeant, page 3.
Le Journal (supra)
Journal des Débats, page 4.
La Lanterne, page 2.
Le Matin, pages 1 et 3.
L’Ouest-Éclair, pages 1 à 4.
Le Petit Journal, pages 1 et 3.
Le Petit Parisien, page 3.
Le Populaire, page 2.
La Presse, page 1.
Le Radical, page 2.
Le Rappel, page 2.
Le Temps, page 4.

Mardi 22 mai 1923

21 mai 1923 | 23 mai 1923
DOCUMENTS  : Récit de Pouliquen - Promesse de vente - Convention d’achat-vente

ÉVÉNEMENTS

 Jean Pouliquen prend à Landerneau le train de 5 heures 21 pour Pont-l’Abbé, où se trouve son étude de notaire.
 Vers 9 heures, Pouliquen arrive à Pont-l’Abbé.
 Dans la matinée, Guillaume Seznec arrive en train à Landerneau1 et se rend chez Quéméner. Ils partent ensemble dans la Panhard de ce dernier. Ils s’arrêtent d’abord chez Julien Legrand, Seznec ayant un papier à faire signer2 à cet ami commun. Puis Quéméner et Seznec partent pour Brest.
 Ils arrivent à Brest probablement vers 11 heures et se séparent.
 Dans la matinée, Pouliquen reçoit de Brest un appel téléphonique de Pierre Quéméner, qui lui demande de lui avancer 100.000 à 150.000 francs pour quelques jours. Pouliquen lui répond qu’il ne peut disposer que de 50.000 francs. Quéméner lui dit alors qu’il verra avec son banquier.
 Vers 11 heures 20, Quéméner se rend au siège de la Société Bretonne de Crédit et de Dépôts3 et demande à Gabriel Saleun, fondé de pouvoir, un crédit de 100.000 francs pour le 24 mai. Saleun lui répond que sa demande sera soumise au conseil d’administration du lendemain.
 Vers 11 heures 30, Jean Vérant, notaire à Morlaix, croise Seznec au bas de la rue de Siam. Seznec lui dit qu’il vient d’acheter une propriété avec ses dollars4.
 Vers 11 heures 40, Seznec retrouve Quéméner à l’Hôtel des Voyageurs, rue de Siam, où ils prennent l’apéritif puis déjeunent. Ils se quittent à nouveau vers 13 heures 30.
 Vers 13 heures 45, Quéméner retourne à la banque et effectue un retrait de 10.000 francs.
 Vers 15 heures 30, Seznec et Quéméner se retrouvent à nouveau à l’Hôtel des Voyageurs. Selon Seznec, Quéméner a entre-temps fait dactylographier en deux exemplaires une promesse de vente de sa propriété de Plourivo à Seznec.
 Plus tard dans l’après-midi, Quéméner et Seznec se rendent chez Jean Le Verge à Lesneven. Quéméner prend une option sur une Cadillac que Le Verge a mise en vente5.
 Le même jour, Quéméner envoie de Landerneau une lettre demandant à Pouliquen de lui envoyer un chèque de 60.000 francs à Paris, à l’adresse qu’il lui indiquera.
 Le soir, Seznec dîne rapidement chez Quéméner, puis repart à Morlaix en train6.

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1. Il peut être venu par le train de 8 heures 34 à Morlaix, arrivée à Landerneau à 9 heures 29.
2. Il s’agit d’un escompte de 4.800 francs payé par M. Berthou sur l’achat d’une automobile Sizaire et Naudin appartenant à Seznec, dont l’échéance est au 20 août 1923. Seznec reverse cette somme à Legrand, à qui il doit de l’argent. Bernez Rouz, pages 75 et 80.
3. Bureau principal au 23 rue du Château à Brest.
4. Témoignage tardif et controversé.
5. Jean Le Verge avait fait paraître dans L’Ouest-Éclair les 3, 7, 10, 14 et 17 septembre 1922 l’annonce suivante  : «  A VENDRE CADILLAC Peinture neuve mécanisme parfait état  ; ou échangerions contre bonne voiture 10-12 HP. A débattre. — S’adresser à LE VERGE Frères, Lesneven. 36438-D  ».
6. Il peut avoir pris le train de 19 heures 55 ou celui de 20 heures 45 à Landerneau, arrivées respectives à Morlaix à 20 heures 38 et 21 heures 51.

RÉCIT DE JEAN POULIQUEN

Le lendemain matin, je prenais le train de cinq heures vingt et une pour Pont-l’Abbé sans avoir revu mon beau-frère.
 Rentré à Pont-l’Abbé à neuf heures du matin, je recevais peu après un appel téléphonique de Brest. C’était mon beau-frère qui se trouvait à l’appareil et qui me demandait si je pouvais lui avancer pour quelques jours une somme de cent mille à cent cinquante mille francs. Je lui faisais remarquer qu’il me prenait au dépourvu et que je ne pouvais immédiatement lui avancer pareille somme, que je ne pouvais disposer de plus de cinquante mille francs. Je m’étonnais d’une pareille demande, car la veille il ne me laissait prévoir aucun besoin d’argent et je lui demandais pour quel motif imprévu il me demandait cette somme. Il me répondit que c’était pour une affaire avec Seznec et qu’il ne pouvait me renseigner par téléphone, qu’au surplus il allait voir son banquier et que peut-être il n’aurait pas besoin de mon concours. Ceci se passait donc le mardi 22 mai.
1

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1. Bernez Rouz, pages 97 et 98.

PROMESSE DE VENTE
détenue par Guillaume Seznec

 Entre les Soussignés
Monsieur QUEMENEUR Né´gociant demeurant à LANDERNEAU
Finistère; et Monsieur SEZNEC dem industriel demeurant à
MORLAIX Finistère, il a é´té´ convenu ce qui suit:
Monsieur QUEMENEUR a par le pré sent donné promesse
de vente à Monsieur SEZNEC qui accepte avec toute
garantie de droit: Une Proprié té appelé Taou-Nez situé
en PLOURIVO Cotes Du Nord d’une contenance de 90 hectares
environs avec toutes ses dépendances sans exception ni
réserve,) L’acquéreur entrera le 30 Septembre 1923 ( le
trente septembre mil neuf cent vingt trois) en possession
et jouïssance de la propriété cité plus haut dont la vente devra se faire
avant cette date, L’acquéreur la prendra dans l’état ou elle se trouvera alors,et il n’aura
le droit à aucune indemnité pour dégradation ni contenanced de terrain .
Le vendeur devra , jusque-là jouïr du tout comme par le passé sans qu’il ai
le droit d’abatre arbre ni plant, L’acqué reur paiera tous les frais de vente.
Cette vente n’est en outre consentie que moyennant le prix de 35000 Fr,
(TRENTE CINQ MILle FRANCS) Que l’acquéreur s’engage à payer au vendeur le
jour de son entrée en jouissance, En cas de non paiement à cette date
les intérêts courront de plein droit à 8% ( huit pour cent l’an) jusqu’à
complet paiement.

Fait double à Landerneau le
 vingt deux mai mil neuf
 cent vingt trois

CONVENTION D’ACHAT-VENTE
entre Jean Quéméner et Le Verge Frères

Entre monsieur Quéméneur
négociant à Landerneau et monsieur
Le Verge Frères minotier à Lesneven a été
convenu ce qui suit  :
 Monsieur Le Verge Frères vend à monsieur
Quéméneur une voiture Cadillac
essayée ce jour vendue pour le
prix de douze mille francs payables
le trente courant.
 Monsieur Quéméneur se
réserve le droit d’option sur
la voiture en question d’ici la
date de la livraison et même le
droit de ne pas la prendre si bon
lui semble.
 Fait à Landerneau le vingt
deux mai mil neuf cent vingt trois.
1

___
1. Cette convention a été écrite sur une feuille à en-tête de Le Verge Frères (Moulin à Cylindres de Lescoat) et ne comporte que la signature de Pierre Quéméner. Les mentions «  Frères  » ont été ajoutées au-dessus des lignes, mais «  monsieur  », «  minotier  » et «  vend  » n’ont pas été accordés. C’est la Pièce de Comparaison no  5 pour les experts en écriture. Il s’agit certainement de la copie conservée par les frères Le Verge, le double conservé par Quéméner ayant apparemment disparu.