Mercredi 13 juin 1923

12 juin 1923 | 14 juin 1923
DOCUMENTS  : Récit de Pouliquen - Lettre de Pouliquen - Télégramme de Quéméner

ÉVÉNEMENTS

 À 16 heures 35, un télégramme signé «  Quéméneur  » est envoyé du bureau de poste du Havre à destination de «  Quéméneur Ngt Landerneau  »1. Jeanne Quéméner, qui le reçoit, envoie un télégramme à la Sûreté générale pour demander l'arrêt de l'enquête sur la disparition de son frère2.

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1. Le texte de ce télégramme est reproduit ci-dessous.
2. Récit de Jean Pouliquen (voir la page du 14 juin 1923).

RÉCIT DE JEAN POULIQUEN

Le [mercredi]1 matin 13, ma première démarche fut d'aller au palais de justice quai des Orfèvres. De là on m'indiqua la direction de la police de la Seine. Dans ce dernier bureau je ne pouvais préciser le lieu du crime et que mon beau-frère semblait avoir disparu à Dreux, son passage n'ayant été signalé nulle part à Paris. On m'adressa à la Sûreté Générale, 11 rue des Saussai[e]s. Je demandais une audience au commissaire principal, M. Rémond2, et je lui expliquais le but de ma visite. Ce dernier fit aussitôt appeler M. Vidal, commissaire, qu'il chargea d'éclaircir cette affaire. J'eus l'après-midi un long entretien avec M. Vidal, à qui je racontai tout ce que je savais personnellement, tout ce que m'avait raconté Seznec et le résultat de mes recherches à Paris. Je ne lui cachais pas que l'Américain Ackermann semblait avoir connu l'affaire d'automobiles pour laquelle mon beau-frère était aux dires de Seznec venu à Paris  ; que cette coïncidence me semblait au moins bizarre, qu'il y avait sans doute urgence à prendre des renseignements auprès de cette personne, ce qui fut fait immédiatement3.
 Nous
4 quittâmes Paris le soir même, 13 juin, après avoir laissé entre les mains de M. Vidal une plainte écrite5 destinée au parquet de Brest et qu'un inspecteur de la Sûreté devait apporter le lendemain même à Brest6.

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1. Source  : «  mardi  ».
2. Joseph Albert Reymond, commissaire divisionnaire au Contrôle général des recherches.
3. L'audition d'Ernest Acherman n'eut lieu que le 27 juin 1923, mais il fut peut-être entendu informellement par la police auparavant.
4. Jean Pouliquen et Louis Quéméner. Pouliquen semble avoir fait seul les démarches de cette journée.
5. On trouvera le texte de cette lettre ci-dessous.
6. Bernez Rouz, pages 107 et 108.

LETTRE DE JEAN POULIQUEN

Paris, le 13 juin 1923

Monsieur le Directeur de [la]
1 Sûreté Générale2
Paris

J'ai l'honneur de porter à votre connaissance les faits suivants  :
 Monsieur Pierre Quéméneur, mon beau-frère, négociant en bois, Conseiller Général du Finistère, demeurant à Landerneau, a quitté son domicile le jeudi 24 mai 1923  ; il a pris à Landerneau l'express de 8  h.  46 à destination de Paris  ; il s'est arrêté à Rennes, où il est arrivé à 12  h.  46. Là, il a été rejoint par M. Seznec, marchand de bois demeurant à Morlaix, qui avait fait le trajet de Morlaix-Rennes sur une automobile Cadillac qu'il pilotait lui-même. Ils ont tous deux passé la nuit à Rennes à l'Hôtel Parisien et sont repartis ensemble le lendemain vendredi 25 mai à 5 heures du matin pour Paris dans l'automobile de M. Seznec. Par suite de pannes et crevaisons nombreuses, ils ne sont arrivés à Dreux qu'à 4 ou 5 heures de l'après-midi. Après avoir réparé la voiture au garage Hodey, 33, rue d'Orfeuil à Dreux, ils ont de nouveau repris la direction de Paris, mais la voiture ne leur donnant pas satisfaction, M. Quéméneur, qui avait un rendez-vous d'affaires à Paris pour le lendemain matin 8 heures et craignant de manquer le rendez-vous, faisait faire demi-tour à la voiture au bout de quelques kilomètres et revenait à la gare de Dreux, où M. Seznec prétend l'avoir quitté à la tombée de la nuit, c'est-à-dire vers 8 ou 9 heures du soir.
 Depuis cette époque, M. Quéméner
3 ne nous a jamais donné de ses nouvelles et nul ne l'a vu. A-t-il pris à la gare de Dreux le dernier train se dirigeant sur Paris, c'est-à-dire celui de 21  h.  56 arrivant à la gare des Invalides à 23  h.  34  ? C'est probable.
 Mon beau-frère semble avoir correspondu avec un sujet américain habitant Paris et donnant comme adresse 6, boulevard Malesherbes. Il s'appelait Chardy ou Cherdy et employait dans ses correspondances du papier à lettre portant l'en-tête de la Chambre Américaine de Paris, 32, rue Taitbout. C'est avec cette personne que mon beau-frère devait avoir un rendez-vous le samedi 26 mai à 8 heures du matin  ; cette entrevue a-t-elle eu lieu comme il était convenu  ? Nul ne le sait.
 Mon beau-frère semble avoir correspondu avec un autre sujet américain nommé Ackermann, habitant à Paris, 16, rue Popincourt.
 D'après enquête personnelle faite par moi l'adresse donnée par M. Chardy semble fausse et je n'ai pu le retrouver  ; quant à M. Ackermann il habite bien Paris à l'adresse indiquée, mais il prétend ne point connaître mon beau-frère et ne l'avoir jamais vu.
 Avant son départ pour Paris mon beau-frère m'avait prié de lui adresser à Paris Poste Restante n°  3 un chèque de soixante mille francs sur la Société Générale. Je lui ai adressé sous pli chargé ce chèque à l'adresse indiquée et d'après renseignements pris à la poste-même, ce chargement a bien été demandé dans la journée du 26 mai, alors qu'il n'était pas encore arrivé, n'ayant quitté Quimper [que]
4 ce jour-même. Depuis le chargement n'a plus été réclamé et mon beau-frère qui semblait cependant en avoir un besoin urgent pour traiter son affaire n'est plus revenu à la poste restante où le chargement est toujours en instance.
 Dans ces conditions, étant donné la conduite toujours régulière menée par mon beau-frère et son éloignement de tout amusement futile je suis amené à formuler les présomptions les plus funestes. Un accident n'est même pas admissible car il portait sur lui toutes les pièces nécessaires pour l'établissement de son identité et nous en aurions été prévenus.
 Ceci expliqué, je vous serais reconnaissant, Monsieur le Directeur, de vouloir bien prescrire d'urgence toutes les recherches nécessaires pour éclaircir cette affaire.

Jean Pouliquen, notaire à Pont-l'Abbé
Finistère
5

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1. Mot omis.
2. Louis Marlier, directeur de la Sûreté générale du 1er mars 1923 au 8 juillet 1924.
3. Rare occurrence de la graphie «  Quéméner  » chez Jean Pouliquen.
4. Mot omis.
5. Denis Langlois, «  L’Affaire Seznec 1 (1923-1924)  ».

TÉLÉGRAMME DE PIERRE QUÉMÉNER
adressé à lui-même

 LE HAVRE CENTRAL
 13-61

NUMÉRO. 4691
NOMBRE DE MOTS. 162
HEURE DE DÉPÔT. 16h35

Quéméneur Ngt Landerneau Finistère
Ngt Ne rentrerai Landerneau que dans quelques
jours tout va pour le mieux
Quéméneur

Nom et adresse de l'expéditeur  : Quéméneur Negt a Landerneau

1 mot
rayé3

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1. Cachet.
2. Le nom du bureau télégraphique, «  Landerneau Finistère  », ne compte que pour un mot selon le règlement.
3. En marge, suivi de la signature.


Le télégramme du Havre in Le Journal, 3 juillet 1923.

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