Mardi 12 juin 1923

11 juin 1923 | 13 juin 1923
DOCUMENT  : Récit de Pouliquen

RÉCIT DE JEAN POULIQUEN

Arrivés à Paris le 12 juin au matin, nous1 commençâmes immédiatement nos recherches, accompagnés d'un agent de renseignements2. Nous allâmes tout d'abord boulevard Malesherbes à la recherche de l'Américain Sherdy. Comme je m'y attendais, il était inconnu aux numéros indiqués par Seznec, mais je ne fus pas peu étonné de me trouver au numéro 6 de cette rue devant le bureau de poste numéro 3. J'entrais immédiatement et je demandais s'il y avait un chargement au nom de M. Quemeneur. L'employé me répondit affirmativement et me demanda si j'avais sur moi des pièces d'identité. Je lui fis savoir que c'était moi l'expéditeur du chargement et non le destinataire  ; je le priais à l'avenir de ne délivrer le chargement à personne et lui demandais s'il n'avait pas été réclamé. L'employé me fit savoir que la lettre avait été réclamée, mais comme il n'était pas de service ce jour-là il me pria de passer l'après-midi et je pourrais voir son collègue qui se trouvait au guichet quand le pli chargé fut réclamé et qui pourrait me renseigner plus utilement. Je revins en effet l'après-midi et après avoir consulté un petit calendrier, l'employé3 me fit savoir que le chargement avait été réclamé par deux fois le samedi. Je lui fis remarquer que le samedi 26 [mai]4 la lettre n'était pas encore arrivée et qu'en effet il n'avait pas pu la délivrer ce jour-là. L'employé me laissa dire. Mais depuis, quand il a connu la gravité du témoignage qui lui était demandé, cet employé s'est rétracté formellement et a affirmé que c'est le samedi 2 juin que le chèque lui avait été demandé et que c'est par inadvertance qu'il a répondu à la personne qui s'était présentée que le chèque n'était pas arrivé.
 Nous nous rendîmes ensuite chez le nommé Ackermann, demeurant dans un hôtel meublé, 16 rue de l'Asile-Popincourt. Il travaillait aux usines Renault et ne devait rentrer que le soir à six heures. Nous promîmes de revenir et allâmes déjeuner. L'après-midi nous prîmes la direction de la rue [Taitbout]
5 où se trouvait la Chambre de Commerce américaine de Paris, nous demandâmes des nouvelles de Sherdy, mais il nous fut répondu que personne de ce nom n'était employé dans la maison et que les lettres à en-tête n'étaient pas à disposition du public. Nous nous rendîmes de là à l'Hôtel de Normandie, près6 la gare St-Lazare, où mon beau-frère d'après Seznec avait promis de descendre. Nul dans cet hôtel ne se rappelait l'avoir vu et le registre ne faisait aucune mention de son passage. Passablement édifiés par toutes ces déconvenues, nous retournâmes au domicile de l'Américain Ackermann que nous avions vainement recherché le matin. Sa femme7 se trouvait à la maison et nous invita à entrer pour attendre son mari qui du reste ne tarda pas à rentrer. Nous lui exposâmes que, de passage à Paris, nous venions lui rendre visite de la part de son ami Seznec de Morlaix et nous lui demandâmes s'il n'avait point récemment reçu la visite de M. Quemeneur venu à Paris pour affaires quinze jours auparavant. Il nous répondit qu'il n'avait vu personne et que quelques jours auparavant il avait envoyé par télégramme à Seznec la même réponse. Comme je lui demandais s'il ne connaissait point un Américain du nom de Sherdy ou Charly s'occupant d'automobiles, il me répondit qu'il avait autrefois connu une personne de ce nom ou prénom et qu'il y en avait des quantités. Je demandais encore s'il n'avait pas entendu parler de marchés de vente ou d'achat d'automobiles  ; sa femme prenant la parole répondit qu'il y avait quelques mois elle avait entendu son mari parler de ventes d'automobiles Cadillac à des Américains  ; il avoua qu'il avait été effectivement question de cette affaire mais qu'elle n'avait pas eu de suite. Cette coïncidence me parut bizarre et je quittais Ackermann persuadé qu'il savait plus long qu'il ne voulait dire et qu'il avait été l'associé de Seznec. Je décidais immédiatement de porter plainte le lendemain matin et de saisir la police.8

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1. Jean Pouliquen et Louis Quéméner.
2. M. Delangle.
3. Alfred Bégué.
4. Source  : «  juin  ».
5. Source  : «  Toutbout  ».
6. L'utilisation de «  près  » sans la préposition «  de  » est une forme vieillie.
7. Julienne Vorillion, épouse Ackerman (graphie de l'acte de mariage), 22 ans et 11 mois.
8. Bernez Rouz, pages 105 à 107.

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