Lundi 2 mars 2020

LE LIVRE NON-ÉVÉNEMENT

 Bertrand Vilain a publié le mois dernier son second livre sur l’affaire Seznec. Son titre tapageur, Affaire Seznec  : Les Archives du FBI ont parlé1, semble annoncer une résolution de l’énigme presque centenaire. Juste avant la sortie de cet ouvrage, j’écrivais en commentaire sur le blog de Liliane Langellier  : «  Un livre, fût-il celui de Bernez Rouz ou de Michel Pierre, n’offre qu’un regard sans contradiction et n’est jamais exempt d’erreurs. Il en sera de même du nouveau livre de Monsieur Vilain  : il ne contribuera à la réflexion générale sur l’affaire que si l’on en fait une critique minutieuse et sans concession.  »
 J’avais déjà constaté, notamment lors de l’affaire Berlivet, la faiblesse des démonstrations de l’auteur, ainsi que sa lecture inattentive des commentaires sur ses recherches et prétendues trouvailles, qui l’amenait à répondre à chaque fois à côté des critiques et à obliger ses interlocuteurs à repartir pour un nouveau tour d’explication. C’était un engrenage sans fin. Il ne se donne, en fait, jamais beaucoup de peine pour lire, ni pour écrire, d’où ses failles importantes dans les deux domaines. De plus, il ne comprenait visiblement pas l’intérêt de recevoir une contradiction argumentée et appuyée par des preuves, puisqu’il avait toujours raison et que les autres étaient des ânes.
 Je n’excluais cependant pas qu’il eût découvert un fait important concernant l’affaire Seznec. Il annonçait sur son blog qu’il avait identifié de façon certaine l’Américain nommé «  Charly  » dont parlait Guillaume Seznec. Je savais que ce dernier n’avait parlé que d’un Scherzy, Scherky, Scherldy, Scherdly ou Cherdy, et que, de toute façon, cela ne changerait pas grand-chose, puisque le mystère résidait ailleurs, mais j’étais tout de même curieux de connaître le nom du personnage. J’attendais surtout de savoir sur quels éléments probants il fondait cette identification.
 Concernant son hypothèse sur le déroulement des événements du 26 au 28 mai 1923, qu’il allait manifestement nous présenter comme une vérité indiscutable car conçue par son génie supérieur, j’avais les pires craintes, car il annonçait le 19 janvier dernier sur son blog  : «  De ces évènements, il découle logiquement que Pierre Quéméneur, qui a un comportement raisonnable et rationnel, retourne à Morlaix2.  » Ce retour à Morlaix le 27 mai reposait donc entièrement sur la logique de l’auteur, puisqu’il n’existe en sa faveur aucun élément de preuve ni témoignage, à part celui, très controversé, de Guillaume Seznec fils, dit Petit-Guillaume.
 La parution du livre a permis de constater immédiatement que la «  démonstration implacable  » annoncée avec force tambours et trompettes ne s’y trouvait pas. C’est, au mieux, une piste intéressante qu’il convient d’examiner. L’auteur, cependant, refuse toute critique de son chef-d’œuvre. Il est sûr de son fait et n’a pas trouvé d’élément contredisant sa thèse.
 Sur la forme, cet ouvrage est très mauvais et n’aurait jamais dû voir le jour si rapidement et dans ces conditions. Après l’échec des différentes relectures, c’est un logiciel qui a été chargé de fournir la troisième version du livre numérique, censée être dépourvue de fautes. Je me demande pourquoi l’on paie des gens pour faire de la correction littéraire, si des machines peuvent très bien faire l’affaire. C’est en réalité un travail de réécriture complète qui était nécessaire. Non seulement la construction générale est fautive, mais le contenu de chaque chapitre ne ressemble qu’à des notes jetées au hasard les unes après les autres. On ne remarque un effort de rédaction que par endroits, mais invariablement sans réussite. Le livre est rempli de fautes et de maladresses, qui sont en effet, comme l’auteur s’y attendait, très dures à avaler pour les maniaques de l’orthographe et de la grammaire que sont certains lecteurs indélicats, sans parler de l’ignorance des règles de la ponctuation, de la typographie et de tout ce qui peut donner une apparence respectable à un ouvrage. Je ne vais pas faire l’analyse de ces erreurs, car elle serait plus longue que le texte d’origine.
 Cette terrible faiblesse de la forme serait cependant tout excusée si le contenu apportait ce qu’il avait promis. Mais, là encore, on est bien loin de trouver satisfaction. L’auteur ne mentionne pratiquement jamais ses sources et nous demande de les chercher nous-mêmes. Le problème est qu’il est coutumier des erreurs d’interprétation et des fausses déductions. Alors, comme je me méfie déjà des conclusions des meilleurs essayistes et que je vérifie toujours les sources, préférant savoir exactement ce que Cicéron a écrit dans une lettre plutôt que ce qu’un historien m’en dit, je demande à me faire ma propre opinion à partir d’éléments fiables, n’ayant pas l’intention de prendre le salmigondis indigeste de l’auteur pour parole d’évangile.
 Je ne compte pas faire ici la critique complète de ce livre raté, car cela demanderait beaucoup d’efforts pour un sujet qui ne les mérite pas, mais je reviendrai en détails dans d’autres billets sur certains points avancés par Bertrand Vilain.

1. Saint-Éloy, Éditions MonsieurBrocanteur, 2020.
2. Je n’ai pas résisté à la tentation d’ajouter deux virgules là où elles s’imposaient.

1 commentaire:

Liliane Langellier a dit…

Cher Marc…

Grand merci de cette critique du dernier mauvais ouvrage de Bertrand Vilain.

Je me sens moins seule à devoir l'affronter. Et à risquer ses crachats.

Quand je l'ai acheté sur Kindle - il y a maintenant 15 jours - je ne m'attendais pas à grand chose, mais cela a été au-delà de mes espérances.

Je n'ai toujours pas compris à quoi cela sert d'introduite un certain Léon George Turrou, supposé être l'américain Charly, dans le tramé d'une affaire qui est déjà assez compliquée comme ça.
D'autant plus que Guillaume Seznec a bien écrit du bagne de Guyane, en août 1926 à sa femme Marie-Jeanne, pour lui dire que Charly, c'était Sherdy. Oui Francis Gherdi.
Qui, mieux que lui, pouvait connaître l'identité de Charly ?
Qui ?

Alors, inutile de revenir sur ce personnage mystérieux pour nous frimer avec des recherches au FBI (à la portée de tous) et un livre de M. Patenaude.

Un simple billet de blog aurait largement suffi, et cela aurait évité de couper des arbres !