Lundi 15 juin 2020

LE DÉTECTIVE PRIVÉ DELANGLE

 Le 10 juin 1923, Jean Pouliquen et Louis Quéméner rendent visite à Guillaume Seznec à Morlaix pour qu’il leur explique dans quelles conditions Pierre Quéméner et lui se sont quittés dans la nuit du 25 au 26 mai. Ils rentrent ensuite à Landerneau, mais décident d’aller le soir même à Rennes signaler la disparition inquiétante de leur parent à la brigade de police mobile, et se font accompagner par Seznec. À Rennes, l’inspecteur Fabréga leur dit qu’ils doivent déposer plainte pour qu’une enquête soit ouverte. Pouliquen, qui mène les opérations d’une main ferme, décide de vérifier d’abord par lui-même les renseignements fournis par Seznec. Il rentre à Landerneau dans la nuit avec Louis Quéméner et, ce 11 juin, les deux hommes prennent l’express de 20 heures 40 pour Paris afin d’y mener leur propre enquête.
 Ce jour-là, ils achètent probablement Le Journal. En première page, on annonce la mort, la veille, de Pierre Loti. En cinquième page, se trouvent les annonces suivantes :

 Des agences qui n’indiquent pas leurs tarifs, un ancien juge d’instruction, d’anciens commissaires... Les recherches par les anciens inspecteurs de l’agence Delangle, au moins, sont bon marché. La publication de l’annonce a coûté 50 francs, mais une enquête ne coûte que 20 francs, une filature 30 francs, une recherche 40 francs. L’agence est située 22, rue Cadet, dans le neuvième arrondissement, quartier Faubourg-Montmartre. Téléphone : Bergère 57-40. En fait, une coquille s’est glissée : le véritable numéro est 51-40.
 Depuis février 1923, Delangle publie régulièrement dans Le Journal des annonces similaires pour son agence de renseignements. Mais, depuis janvier 1921, il fait également paraître plusieurs fois par semaine dans L’Intransigeant, pour seulement 8 francs la ligne, des annonces pour son agence de location, située à la même adresse, avec le même numéro de téléphone. Cela représente plusieurs centaines d’annonces en deux ans et demi (quelques unes sont également parues dans Le Matin). Celles de l’agence de location s’arrêtent en juillet 1923, tandis que celles de l’agence de renseignement perdurent jusqu’en juillet 1925 (il y en a même quelques unes dans Paris-Soir en mai et juin 1925).
 Dans le recensement de 1926, au 22, rue Cadet, on trouve : Bréjat, dit Delangle (pas de prénom), née en 1892 en Lorraine, veuve, chef de famille, patronne, teinturière. Son mari, monsieur Delangle, ou plutôt Bréjat, est donc mort peu avant.
 En effet, le 25 juillet 1925, Henri Bréjat, 47 ans, agent d’affaires, est décédé en son domicile, 22, rue Cadet. Il avait épousé, le 14 octobre 1922 à la mairie du neuvième arrondissement de Paris, Anna Pax, 30 ans, originaire de Neunkirch en Moselle (aujourd’hui un quartier de Sarreguemines), sans profession, domiciliée à la même adresse. Il était né le 28 avril 1878 dans le quatorzième arrondissement de Paris.
 En 1915, Henri Bréjat avait fait parler de lui dans la presse parisienne. Le Matin du 6 août 1915 résume les faits :

 Hier soir, à la suite d’une discussion, boulevard Sadi-Carnot, 87, M. Henri Brejat, dit Delangle, trente-sept ans, sans profession, demeurant 27, rue Lepeletier, à Paris, a tiré plusieurs coups de revolver sur la maîtresse de son frère, Mme Juliette Dumont, vingt-sept ans, sans profession. Brejat, qui s’est présenté spontanément au commissariat, a été mis en état d’arrestation. Mme Dumont, qui a été atteinte de trois balles, est soignée à son domicile.

 L’édition du 7 août 1915 du journal Le Temps nous en donne un autre aperçu (« hier » correspond en fait ici au jeudi 5 août) :

 Un nommé Bréjat se présentait hier, vers sept heures du soir, à la minoterie Alfred Delangle, boulevard Sadi-Carnot, 87, à Ivry, accompagné d’une jeune artiste, Mlle Henriette Duriez, âgée de vingt ans, et habitant rue Rossini, 8, à Paris. Les visiteurs furent reçus par Mme Juliette Dumont, amie de l’industriel. Que se passa-t-il entre ces trois personnes ? On l’ignore. Toujours est-il qu’au cours d’une violente discussion, M. Bréjat tira trois coups de revolver sur Mme Dumont, qui fut assez grièvement atteinte. Après quoi le meurtrier se rendit au commissariat d’Ivry pour se constituer prisonnier. Il a été envoyé au Dépôt.

Le Petit Parisien du même jour nous donne beaucoup plus de détails, mais, bien entendu, ne se prive pas d’écorcher les noms des protagonistes au passage et de se tromper de boulevard et de ville :

 Nous avons relaté sommairement, hier, les péripéties d’un drame qui, la veille, s’était déroulé dans une usine d’Ivry. Voici, d’après l’enquête à laquelle nous avons procédé, la genèse et les circonstances précises de cette affaire.
 Les frères Alfred et Henri Brézat, dits Delangle, possédaient en commun, il y a quelques années, l’importante minoterie sise 87, boulevard Lamouroux, à Vitry [sic]. Un jour, pour des raisons personnelles, M. Henri Brézat fit session de sa part de propriété à son frère Alfred qui, de ce fait, devint seul directeur de l’usine, à charge pour lui de verser certaines mensualités à son ex-associé qui, ayant cessé de fournir sa collaboration à l’usine, vivait, à Paris, en désœuvré, de la petite rente consentie par son frère.
 Or cette situation ne se prolongea pas sans quelques froissements de part et d’autre, et la correspondance échangée témoigne de la tension des rapports existant entre les deux frères.
 C’est ainsi que, jeudi, dans l’après-midi, une jeune femme, Mlle Henriette Duruz, danseuse, amie de M. Henri Brézat, s’étant présentée à la caisse de la minoterie, avait été éconduite. M. Henri Brézat en avait conçu une irritation violente et, sans hésiter, en compagnie de sa maîtresse, il s’était rendu à Ivry. En habitué de la maison il avait franchi les quelques marches d’accès et avait pénétré dans le vestibule où il s’était trouvé face à face avec une jeune femme, Mme Dumont, amie de son frère, qui tenait son bébé entre ses bras. Que se passa-t-il alors ? Une courte explication, des menaces, puis, coup sur coup, trois détonations, suivies bientôt de deux autres. Après quoi, M. Henri Brézat allait se constituer prisonnier au commissariat de police, où il déclarait avoir fait feu sur Mme Dumont, et l’avoir atteinte.
 Et, en effet, la jeune femme, qui avait échappé aux trois premiers projectiles, avait été touchée au bras et au sein gauche. Elle raconta qu’ayant pu mettre son enfant à l’abri, elle avait dû se livrer à un véritable jeu de cache-cache avec le meurtrier.
 Assez sérieusement blessée, mais non en danger, elle est soignée à son domicile. Quant à M. Henri Brézat, qui n’a voulu fournir aucune explication, il a été envoyé au dépôt.

Le Journal du même jour complète un peu ces informations, en nommant le commissaire chargé de l’enquête et en expliquant plus précisément les raisons du premier passage à l’usine de la jeune amie d’Henri Bréjat, dont le nom ne m’est pas tout à fait étranger. On note également que, grièvement atteinte selon Le Temps, Juliette Dumont ne l’a été que peu gravement selon ce journal :

 Poursuivant son enquête sur la tragédie qui, jeudi soir, a eu pour théâtre la minoterie Delangle, à Ivry, M. Ameline, commissaire de police, en a établi les causes ainsi :
 Henri Bréjat, le meurtrier, est le frère du minotier qui se fait appeler Delangle mais, en réalité, se nomme aussi Bréjat.
 Hier soir, Henri Bréjat, qui a des intérêts dans la minoterie, avait envoyé sa maîtresse, Mlle Henriette Durriez, réclamer à son frère une somme d’argent qu’on devait lui verser d’après des conventions antérieures.
 N’ayant pu obtenir le paiement de cette somme, Mlle Durriez revint à Paris annoncer l’échec de sa démarche à Henri Bréjat, qui retourna avec elle à la minoterie. Là Bréjat se trouva en présence de la maîtresse de son frère, Mme Dumont ; il eut avec cette personne une violente discussion et c’est au cours de cette scène que, fou de rage, il tira à bout portant trois coups de revolver sur Mme Dumont. Heureusement celle-ci ne fut atteinte que peu gravement et son état n’inspire aucune inquiétude.

 Tout cela, en fait, nous rappelle un peu, par la maladresse du tireur, Paul Verlaine ouvrant le feu sur Arthur Rimbaud, même si le mobile est bien différent.
Le Journal du 29 août 1915 nous donne l’épilogue du drame d’Ivry :

 Le 5 août, boulevard Sadi-Carnot, à Ivry, un rentier, M. Henri Brréjat, âgé de 52 ans [sic], blessait légèrement de deux coups de revolver Mlle Juliette Dumont, âgée de 27 ans.
 Le docteur Marie, médecin-aliéniste, ayant déclaré que M. Henri Bréjat était irresponsable, M. Coutant, juge d’instruction, a signé, hier, une ordonnance de non-lieu.

 Henri Bréjat, finalement, décide de faire quelque chose de son existence en janvier 1921 et de créer une agence de location, sise à son domicile. Cette profession n’étant pas pratiquée que par des gens honnêtes, la justice s’y intéresse de très près et Bréjat fait l’objet d’un contrôle quelques mois plus tard, comme nous le raconte Le Petit Journal du 27 septembre 1921 :

 Sur commissions rogatoires de M. Marigny, juge d’instruction, M. Faralicq, commissaire à la direction de la police judiciaire, a fait, hier, plusieurs perquisitions relatives à l’affaire des agences de location dont nous avons déjà parlé.
 Il s’est rendu chez M. Demonceaux, qui tenait une de ces agences, 13, rue Grange-Batelière, mais qui a cessé ses opérations depuis mai dernier ; aucun document intéressant dans l’appartement de M. Demonceaux, 107, rue Jean-Jacques-Rousseau, à Issy-les-Moulineaux.
 M. Faralicq a, par contre, saisi la comptabilité et de nombreux documents, chez M. Steiger, citoyen suisse, 55, rue Saint-Jacques, qui, lui aussi, a fermé son agence de location, depuis quelque temps ; et chez M. Bréjat, dit Delangle, 22, rue Cadet, qui tient à cette adresse une agence de location.
 Les pièces saisies vont être examinées par un expert.

 L’édition du même jour de L’Œuvre nous donne un autre angle, avec l’écorchage de nom de rigueur :

 Les annonces des agences de location se multiplient à l’approche du terme. Toutes, en style plus ou moins fleuri, promettent à l’envi des appartements vacants et recrutent des clients qui, dans la plupart des cas, doivent avant tout verser quelque argent entre les mains des tenanciers de ces agences.
 Ce commerce frise assez souvent l’escroquerie. Et le parquet en suit les opérations avec une vigilante attention, car des plaintes nombreuses de victimes s’amoncellent quotidiennement entre les mains du procureur de la République.
 Hier encore, agissant sur mandat de M. Marigny, juge d’instruction, M. Faralicq, commissaire à la police judiciaire, se présenta au siège de plusieurs de ces officines, où il saisit la comptabilité et un certain nombre de documents.
 Chez M. Demoucaux, 13, rue Grange-Batelière, et chez M. Brezat, dit Delangle, 22, rue Cadet, les choses se passèrent sans encombre. Mais chez M. Steger, citoyen suisse, demeurant 57, rue Saint-Jacques, le magistrat eut une légère surprise. Le citoyen Steger, en effet, et sa femme se prétendaient « professeurs de langues ». Ils simulèrent un profond étonnement quand les premières questions du commissaire, relatives à leur agence de location, leur furent posées.
 Cependant, après quelque défense, le mari et la femme durent reconnaître que, parfois, « pour rendre service à leurs amis » et contre un peu de monnaie, ils procuraient des domiciles dont la vacance parvenait à leur connaissance.
 Cet aveu a suffi pour qu’ils fussent inculpés, comme leurs collègues, et que leur comptabilité fût saisie.

 Cependant, le flux des annonces publiées par Henri Bréjat dans L’Intransigeant n’a pas faibli le moins du monde par la suite et on peut supposer qu’il n’a pas été inquiété davantage par la justice. Mais il semble que son activité d’agent de renseignements soit devenue suffisamment lucrative — incidemment au moment même de l’affaire Quéméner, sur laquelle il a été amené à enquêter brièvement (s’il est bien l’homme mentionné par Jean Pouliquen dans sa déposition du 30 juillet 1923, comme on peut raisonnablement le supposer) — pour lui permettre de fermer son agence de location.

ADDENDA

 La tragédie d’Ivry s’est terminée par un mariage : le 18 mai 1916 à Ivry-sur-Seine (département de la Seine), Alfred Bréjat, meunier, domicilié 31, boulevard Sadi-Carnot à Ivry, né le 20 janvier 1871 dans le quatorzième arrondissement de Paris, épouse Anne Marie Juliette Dumont, sans profession, même adresse, née à Eymoutiers (Haute-Vienne) le 25 avril 1888, divorcée de Pierre Jean Marie Abadie.
 Alfred Bréjat meurt à Ivry en 1938. Son acte de décès est signé le 6 décembre.
 Le 4 février 1939, Le Temps annonce la faillite suivante : « Feu Brejat, dit Alfred Delangle, minoterie, à Ivry-sur-Seine, 31, boulevard Sadi-Carnot, y ayant demeuré. (M. Coutant, syndic.) »

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8 commentaires:

Marc Du Ryez a dit…

Je tiens à préciser que je ne participe pas à un "concours de mâles", puisque j'avais bien précisé à madame Langellier : "D'autres pourront peut-être compléter." C'est ce qu'a fait Thierry, je le découvre aujourd'hui, en établissant l'arbre généalogique d'Henri Bréjat. Par contre, Skeptikos ne remporte aucun pompon. Sans les petites indications que j'avais fournies dans mon article publié le 12 juin, il n'aurait jamais rien trouvé (sinon, on se demande pourquoi il ne l'a pas fait plus tôt).

Je disais à madame S. en commentaire le 5 juin que j'avais commencé à écrire mon article sur le bureau de poste deux jours plus tôt. Dès cette date, j'avais déjà parcouru plus de 400 annonces publiées par Delangle et les articles qui parlent de lui (j'y avais passé la journée). Il ne m'était donc plus inconnu. J'ai également consacré ensuite une journée à établir la biographie de Fernand Etlicher, qui, à ma connaissance, n'avait jamais été nommé par personne dans cette affaire, les auteurs se contentant de l'évoquer par son titre à la Sûreté générale, alors que j'ai donné son nom il y a plus de deux ans. Cependant, je suis resté sur le sujet de la poste pendant dix jours et j'ai gardé mes notes sur Bréjat dit Delangle pour plus tard.

J'aurais donc pu écrire les quelques lignes vite griffonnées par Skeptikos il y a près de deux semaines. Seulement, je ne procède pas ainsi. Je présente les choses dans l'ordre, de la façon la plus complète et la plus lisible possible, avec les références, pour qu'elles puissent être exploitées ensuite par d'autres. Je clarifie. Je ne crée pas du vague (il y en a déjà largement assez dans cette affaire).

Cela fait donc près de deux semaines que j'ai identifié l'annonce exacte qui a amené Pouliquen à choisir Delangle. Elle n'apparaissait même pas dans les résultats sur Gallica. Il y avait le 8 et le 15 juin. J'ai donc vérifié les journaux du 9 au 12 un par un pour trouver la bonne annonce. Logiquement, le 8 juin, il est encore trop tôt pour que Pouliquen décide d'engager un détective privé. Le 11 juin, il est dans le train pour Paris et il a du temps pour lire le journal.

Marc Du Ryez a dit…

Voici les notes que j'avais, au sein des notes que j'avais prises pour mon billet sur le bureau de poste (deux ou trois éléments ne figurent pas dans mon billet d'hier) :

"Delangle 22 rue Cadet

Appartements à louer, annonces dans L'Intransigeant et dans Le Journal de janvier 1921 à juillet 1923 (et quelques unes dans Le Matin)

Offre d'emploi 23 octobre 1921 dans Le Journal

Enquêtes, annonces dans Le Journal, février 1923 à juillet 1925 (au moins une dans Le Matin, aussi)
y compris 11 juin 1923 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k76085373/f5
(aussi 8 et 15)
Ex inspecteur, 6 annonces dans Paris-Soir, mai-juin 1925

Recensement de 1926
Bréjat dit Delangle, née en 1892 en Lorraine, veuve, chef de famille, patronne, teinturière
partie en 1931

Mariage Henri Bréjat, 14 octobre 1922 à Paris 9e

Henri Bréjat, dit Delangle, 32/37 ans en 1915, 27 rue Le Peletier à Paris 9e (quartier Faubourg-Montmartre)
son amie : Henriette Duriez/Durriez/Duruz, 20 ans en 1915, danseuse, 8 rue Rossini à Paris 9e (quartier Faubourg-Montmartre) à 50 mètres de chez lui

Alfred Bréjat, dit Delangle, minoterie 87 boulevard Sadi-Carnot à Ivry (aussi boulevard Lamouroux)
(demeure 31 boulevard Sadi-Carnot)
son amie : Juliette Dumont, 27 ans, un bébé

M. Ameline, commissaire de police
Docteur Marie, médecin-aliéniste
M. Coutant, juge d'instruction (Coutant, syndic, faillite Alfred)"

Marc Du Ryez a dit…

Ce billet sur Delangle, commencé hier à 10 heures du matin à partir de notes prises début juin, a été publié à 20 heures 40, ce que je ne considère pas comme très tard. Je vois qu'on m'attaque également sur la longueur de mes billets. Celui-ci (en dehors de l'addenda, ajouté une heure plus tard) comporte 1924 mots, dont 792 seulement sont de moi (un peu plus de deux pages dans un livre, ce qui n'est pas la mer à boire). Le reste, ce sont des citations, dont je préfère donner une version parfaitement lisible et facile à réutiliser par d'autres personnes, plutôt qu'une image. Cela me prend beaucoup de temps. Mon précédent billet représentait environ vingt pages de livre (avec probablement la même proportion de citations). Pour ne pas être assommé, il suffit de ne pas me lire. Je n'écris ici nullement pour divertir la galerie, ni pour participer à un débat de l'instant, mais pour apporter des informations vérifiables, qui pourraient s'avérer utiles. J'ai malgré tout trouvé le temps, en même temps, de compléter et valider mon année universitaire en première session, de traduire plusieurs films (ces deux activités ayant reçu ma priorité) et de faire mille autres choses. L'affaire Quéméner n'est pas mon seul intérêt. Je ne souhaite pas qu'écrire sur le sujet fasse de moi la cible de remarques désobligeantes, alors que j'ai toujours essayé d'aider les uns et les autres dans leurs recherches et de traiter tout un chacun avec respect.

S a dit…

Merci Marc pour cet apport remarquable.

Je prépare quelques éléments complémentaires pour le sujet du bureau de poste.

Marc Du Ryez a dit…

Merci à vous, chère S. Vos contributions sont les bienvenues. J'aime recevoir une contradiction intelligente qui pointe mes erreurs et mes oublis. C'est ainsi que nous pouvons avancer tous ensemble.

Je peux critiquer moi-même l'une de mes affirmations : je ne peux, bien entendu, que supposer que Jean Pouliquen a trouvé l'annonce de Delangle dans "Le Journal" du 11 juin 1923. C'est fort probable, mais il peut également avoir trouvé celle du 8 juin, si quelques journaux traînaient à Ker-Abri. Par contre, je ne crois pas qu'il ait pensé à engager un détective avant la discussion avec l'inspecteur Fabréga, puisqu'il venait demander à la police la réalisation d'une enquête discrète. Logiquement, quand il a compris que cette enquête ne serait discrète que s'il la menait lui-même, il a pensé à se faire assister par un enquêteur privé et il a acheté un journal parisien à son retour à Landerneau. J'ai succombé à la tentation de la narration romanesque dans ce petit passage de mon billet, mais j'espère que l'on comprend que ce n'est qu'une hypothèse.

Marc Du Ryez a dit…

En fait, Thierry Lefebvre a établi la généalogie de Bréjat-Delangle il y a un an ou deux. Il nous a donc tous devancés très largement et je ne peux que saluer son immense travail de l'ombre, fort utile, dont il ne cherche à tirer aucune gloire. J'ai commis la faute, pour une fois, de ne pas consulter ses arbres généalogiques avant de me lancer dans des recherches. J'aurais gagné du temps sur la partie généalogique, mais je ne pouvais échapper à l'étude systématique de toutes les mentions de cet homme dans les journaux, et j'espère avoir présenté correctement les différents éléments de sa vie. Je ne suis d'ailleurs entré dans les détails que parce que c'était assez pittoresque. Il nous suffit de savoir que Delangle n'était pas un ancien inspecteur, et je ne crois pas non plus qu'il ait été véritablement irresponsable en 1915. Un simple coup de folie. Il a ensuite mis de l'ordre dans sa vie, et il avait probablement quelques qualités en tant que détective privé, puisqu'il a exercé cette profession de février 1923 à sa mort en juillet 1925.

PS : J'ai ajouté du conditionnel à la petite phrase qui m'a valu des critiques sévères. J'étais sorti de l'objectivité que j'essaie de m'imposer. Je ne peux pas à la fois critiquer les autres quand ils font du roman et en faire moi-même.

S a dit…

Cher Marc,

Vous nous avez écrit là un intéressant portrait psychologique et historique de ces ratés fin de race si fréquents dans ce monde où l'on pouvait encore (avant 1920) être rentier.

L'après-guerre fut la ruine de ces rentiers, qui durent travailler, souvent dans des professions "marginales".

Agents immobiliers, détectives, agents d'assurances... tous ces métiers à l'époque mal définis et mal protégés, refuges d'aigrefins...

Cela ne les rend pas d'ailleurs incompétents, ce sont souvent des gens instruits et assez au fait de l'âme humaine, et j'imagine que le plan de recherches du détective et surtout sa vision des choses n'ont pas dû être neutres dans les décisions d'un Me Pouliquen aux prises avec ce mystère.

Votre idée de l'annonce trouvée dans le journal ne pourra jamais être prouvée, elle est tentante. Le texte de Me Pouliquen ne dit pas comment M. Delangle a été choisi, il est assez douteux que sa réputation soit parvenue jusqu'en Finistère, département avec lequel il n'a aucune attache. Il me semble au demeurant que Me Pouliquen n'aurait jamais, par souci du scandale, pris un détective connaissant des personnes de son entourage.

Pour finir, je ne vois pas en quoi Skeptikos (qui écrit souvent des choses intéressantes avec un regard original) et vous vous livreriez à un "combat de mâles".

Marc Du Ryez a dit…

Je vais répondre ici à Skeptikos, qui, je l'admets, a parfaitement raison de s'énerver, y compris contre moi. Je vais juste donner quelques explications, puisqu'il se pose quelques questions.

Tout d'abord, on me dit que Seznek a des infos sur Delangle depuis une dizaine d'années. Il a donc l'antériorité, même si l'idéal est de partager ces informations de manière claire et accessible, ce que Thierry et moi avons fait (à deux ans d'écart), et notre but n'était pas d'avoir un scoop ni de placer une petite plaisanterie, mais d'informer la population. Point.

Concernant les petites indications, je voulais dire qu'à partir du moment où j'avais dit deux ou trois choses sur Delangle, insinuant que j'avais des informations, on savait qu'il était possible de trouver, et c'était sûrement amusant d'essayer de balancer quelque chose vite fait avant de me donner le temps d'exposer tout cela de manière ordonnée. Maintenant, à qui appartient la démarche puérile ? Est-ce que j'ai répondu à madame Langellier "Oh, oui, je suis très fortiche mais je veux faire durer le suspense" ou plutôt "Attendez que je trouve cinq minutes et je vais vous donner tout ce que j'ai" ? À la décharge de Skeptikos, cependant, il a posté son article juste avant que je poste ma réponse et il ne pouvait donc pas en tenir compte (je n'avais pas non plus vu son article au moment de répondre).

Concernant Gallipoli, le détail résolu, c'est la question que je me posais à moi-même. Car j'indiquais assez clairement que, moi aussi, je croyais que c'était la péninsule de Gallipoli en Turquie, lieu magnifique que je connais quand même un peu, et cela m'étonnait, jusqu'à ce que je fasse des vérifications qui m'ont permis de savoir en cinq minutes que ce n'était pas du tout le cas. Alors, associer Gallipoli en Italie avec la bataille des Dardanelles dans un article où on écrit "Vérifier avant d’écrire, ça ne coûte rien", c'est assez ironique, en effet, mais involontairement. Et il serait bien de modifier l'article ensuite pour retirer l'illustration inappropriée, parce que les écrits restent et peuvent induire en erreur de futurs lecteurs.

Je suis d'accord sur la nécessité d'éviter toute grossièreté dans nos échanges et cesser les invectives. J'ai d'ailleurs ajouté sur mon blog depuis quelque temps les liens vers les blogs de Skeptikos et de madame Jourdan, et j'aimerais bien que de tout côté on baisse les armes et se contente de faire progresser la connaissance générale de l'affaire, à la seule destination de nos lecteurs silencieux, qui doivent en avoir plus qu'assez de toutes ces polémiques.