LA CONVERSATION DU RADOTEUR
Un internaute-blogueur qui se fait appeler Bertrand Vilain prétend avoir trouvé des contresens dans mon dernier billet, dont je ne retirerai cependant pas un mot, car, si je suis toujours prêt à admettre que j’ai commis une erreur (contrairement à certains), je ne peux le faire qu’à la suite d’une démonstration argumentée ayant un peu de sérieux et je n’en trouve aucune dans le libelle besogneux que l’on m’oppose, qui n’a pour but que de défendre une théorie grotesque ayant servi de remplissage à un livre inutile, et surtout de parader triomphalement à la fin, en déclarant l’adversaire vaincu.
Car le but poursuivi par Bertrand Vilain n’est aucunement de découvrir une vérité historique par une prudente approche scientifique (pour cela, il lui faudrait tenir compte de la contribution de ses contradicteurs), mais de se rendre intéressant. Pour ce qui est d’attirer l’attention sur lui, j’admets bien volontiers qu’il a pleinement réussi, même si ce n’est que celle d’une poignée de spécialistes de l’affaire Seznec, mais il n’en ressort pas grandi, loin de là. Il a certainement perdu le peu d’estime que lui avaient imprudemment accordé jusque-là certains auteurs.
Ayant osé faire imprimer pour l’éternité un livre paresseusement écrit, ignorant des règles de la syntaxe, de la grammaire et de la typographie, Bertrand Vilain nous a suffisamment démontré qu’il ne maîtrisait pas la langue française autant que sa pédanterie le souhaiterait, et que prendre un ton hautain est assez ridicule quand on n’écrit pas mieux qu’un lycéen d’aujourd’hui. Alors, quand il nous dit qu’il « maîtrise assez bien la langue anglaise », on est en droit d’en douter.
Je suis bilingue depuis vingt ans. Ma compagne est une intellectuelle anglophone et ne parle pas français. L’anglais est la langue que je parle, écris et lis principalement. Pendant quelques années, j’ai même eu très rarement l’occasion de pratiquer le français et j’avais commencé à en perdre l’usage naturel, jusqu’au jour où je suis devenu traducteur, parallèlement à d’autres activités. J’ai ainsi pu renouer avec la langue française, que j’avais négligée. Je ne suis pas certain d’avoir retrouvé tout le naturel que j’avais acquis dans ma jeunesse à la lecture passionnée de la littérature française, de Rutebeuf à Marcel Proust, mais j’espère que mes écrits ne sont pas trop embrouillés. Quoi qu’il en soit, j’en suis aujourd’hui à ne plus savoir, quand j’ai lu un texte, s’il était en anglais ou en français, et il m’arrive de répondre en anglais à une question qui m’est posée en français.
Ma connaissance de l’anglais ne se limite pas au langage courant, bien évidemment, puisque je précisais dans mon dernier billet que je lisais des articles de revues académiques en anglais tous les jours, et cela depuis des années. Mon profil sur Academia.edu (je sais que certains d’entre vous l’ont consulté, car je reçois une notification à chaque visite, m’indiquant le nom de la ville du visiteur) me permet de recevoir des suggestions quotidiennes d’articles en rapport avec mes intérêts. Celui du jour : « The Belen and Kelbessos farmsteads with towers on the border of Pisidia-Lycia and some thoughts on security in the countryside » (l’une de mes spécialités étant la Lycie antique). Je ne me limite cependant pas aux travaux d’universitaires et pour la littérature, je ne lis jamais la traduction française d’une œuvre publiée à l’origine en anglais, car il m’est tout aussi facile (et plus enrichissant) de la lire dans la langue de l’auteur.
Bertrand Vilain nous dit que The Big Show in Bololand de Bertrand Patenaude (ils n’ont véritablement en commun que le prénom) « est complexe à lire car il utilise un langage universitaire qui est littéraire et loin du "slang" communément parlé. » Cela, je veux bien le lui concéder : ce livre n’est pas écrit en argot, malheureusement pour notre brocanteur à l’international. Son style est, certes, littéraire, mais pas universitaire. Le style universitaire est le plus souvent scientifique, précis et ennuyeux, car son objectif n’est pas de plaire mais d’informer, de présenter des analyses fondées sur des éléments concrets et de proposer des théories avec la prudence requise.
Bertrand Vilain poursuit : « De plus, les archives utilisées datent des années 20 ou la langue était assez différente. » Tout d’abord, il aurait été nécessaire de préciser qu’il s’agissait des années 1920, car nous sommes désormais dans les années 2020. Je suis quant à moi habitué aux écrits de Jane Austen (1775-1817) et de Daniel Defoe (1660-1731), qui sont autrement plus alambiqués, et je ne vois aucune difficulté dans de simples rapports du début du vingtième siècle.
J’ai dit dans mon dernier billet à propos de The Big Show in Bololand : « cet ouvrage est en réalité très plaisant à lire, accessible au grand public et son vocabulaire est même parfois familier. » Je parlais du grand public anglophone, bien entendu, pour le distinguer du lectorat universitaire. Le terme « ardu » ne peut pas s’appliquer à un livre qui se lit comme un roman (malgré le sérieux des recherches). Quant à l’usage occasionnel d’un vocabulaire familier, il est flagrant, et « suckered » en était un parfait exemple dans le petit extrait que je donnais.
J’ai osé dire que « Bertrand Patenaude s’exprime parfois assez maladroitement », en effet, car, malgré ses très grandes qualités, il n’est pas exempt de tout reproche. Son titre de professeur ne fait pas automatiquement de lui un grand littérateur. Le passage que je citais en l’occurrence n’était ni universitaire, ni littéraire, et était assez « clumsy ». Il était cependant infiniment supérieur à la prose pataude de notre cacographe finistérien.
Bertrand Vilain pense (et donc affirme) que je ne comprends pas le terme « chevalier d’industrie », alors que Les Confessions du chevalier d’industrie Felix Krull de Thomas Mann, que j’ai lu il y a plus de trente ans, est l’un de mes livres préférés. Définition tirée du Trésor de la langue française : « personne qui se livre à des activités peu scrupuleuses, aventurier, escroc. » Joindre le club des chevaliers d’industrie ne peut donc signifier que commencer une vie d’escroc. On me dit que j’ai « des difficultés avec la langue anglaise mais aussi avec la langue française semble t'il. » Au moins, je sais écrire « semble-t-il » et je l’aurais fait précéder d’une virgule.
On me reproche donc deux contresens. Le premier concernerait mon interprétation du « get rich quick game », ce qui montre que Bertrand Vilain n’a strictement rien compris de mon dernier billet. Ma démonstration ne s’appuyait pas sur une traduction de ce terme, mais sur l’usage qu’en avait fait Bertrand Patenaude : après avoir énuméré des faits qui pouvaient laisser à penser que Leon Turrou s’était rendu coupable d’une arnaque, il admettait que, finalement, Turrou avait peut-être été la victime dans cette affaire, citant la phrase en question comme une indication dans ce sens. Je n’avais fait qu’une allusion à la méprise de Bertrand Vilain concernant le sens du verbe « purport » (prétendre), qu’il traduisait (et traduit à nouveau) comme s’il s’agissait du nom commun « purport » (intention, objectif), mais j’aurais dû développer ce point pour les personnes qui ne comprennent pas l’anglais littéraire. « What purports to be » signifie « ce qui est censé être ». Walter Lyman Brown a écrit à propos de la déclaration sous serment de Turrou : « Cela donne une longue et triste histoire de ce qui est censé être sa tentative de faire fortune rapidement », ou si l’on veut « d’une prétendue tentative de sa part de faire fortune rapidement. » C’est-à-dire que ce « get rich quick game » était ce que Turrou confessait avoir voulu faire dans sa déclaration. Ce n’était pas une accusation de Brown contre Turrou, mais un aveu de Turrou en lequel Brown ne croyait pas vraiment. Il ne pouvait donc s’agir d’une escroquerie.
Le deuxième contresens dont on m’accuse serait « de penser que Turrou sort blanchi et innocent. » Je n’ai pas prétendu qu’il était innocent dans cette affaire, et au lieu d’essayer de me contredire à tort sur les points précédents, il aurait été plus intelligent d’évoquer la montre en platine, dont le destin ne nous est pas connu. Si Turrou l’a conservée, il l’a donc volée, mais il y aurait été contraint par l’opposition au chèque qui lui avait été rendue nécessaire pour éviter une perte considérable concernant les diamants. L’honnêteté aurait dû l’obliger à joindre aux faux diamants un nouveau chèque pour le paiement de la montre. Il est cependant difficile de se faire une opinion sur cette partie, puisque Bertrand Patenaude ne nous apprend pas ce que cette montre est devenue. Je n’ai donc fait que dire que Turrou avait été blanchi, ce qui est peut-être exagéré. Les dirigeants de l’A.R.A. avaient dû se contenter, faute de preuves, de sa déclaration sous serment, qui ne pouvait en aucun cas être l’aveu d’une tentative d’escroquerie, car elle n’aurait pas mis un terme à cette affaire et Turrou n’aurait pas pu obtenir par la suite un rendez-vous avec Herbert Hoover. De plus, Cyril Quinn avait demandé à ce que Turrou remboursât le vendeur, et un autre passage de la lettre de Brown montre bien que cette demande n’était plus d’actualité après la déclaration sous serment. Bertrand Vilain nous en donne une traduction correcte : « De toute façon, je ne vois pas ce que l'on peut faire de plus ici. Nous ne pouvons pas engager des poursuites ou l'obliger à restituer [les diamants] même s'il a commis une fraude. » Oui, même dans l’éventualité d’une fraude, c’est-à-dire même si ce qu’il racontait dans la déclaration sous serment était faux.
On n’oubliera pas que c’est Turrou lui-même qui avait mis William Haskell au courant de l’affaire dès le début. On n’oubliera pas que le refus de Quinn de permettre à un coursier de l’A.R.A. de transporter les faux diamants était certainement l’unique raison pour laquelle Turrou les aurait ensuite confiés à un certain Natchimoff. On n’oubliera pas que Quinn avait trouvé le vendeur des diamants d’un genre peu recommandable. On n’oubliera pas que Quinn avait nié qu’un dénommé Natchimoff se fût présenté à Moscou, alors que celui-ci était censé aller directement trouver Volodine, et non se présenter aux bureaux de l'A.R.A. Je crois, pour ma part, que Turrou peut profiter dans cette affaire du bénéfice du doute. En tout état de cause, il n’existe aucune preuve d’une escroquerie de sa part. Il est très amusant que ceux qui tiennent absolument à innocenter Guillaume Seznec, sur lequel pèsent tant de charges, soient prêts à diffamer pour cela la mémoire d’un homme contre lequel il n’existe pas un seul élément probant.
Mais j’en ai maintenant plus qu’assez de répondre aux propos haineux et souvent répugnants de Bertrand Vilain, et je ne perdrai plus mon temps à contrer ses affirmations mensongères. Ses deux livres, qui se contredisent, sont pour moi nuls et non avenus. Tout ce que l’on pourra lui opposer ne l’empêchera jamais de répondre chaque fois : « En conclusion mon livre est solide. » Je le laisse à ses certitudes.
Je respecte qui me respecte. Je n’ai commencé à répondre durement à ce personnage qu’à la suite de ses premières pitoyables et puériles moqueries, dues à son incapacité à admettre la moindre de ses erreurs.
Bertrand Vilain, dans sa confiance en soi sans bornes, conséquence de sa mythomanie, prend de haut régulièrement des personnes dont il ne peut percevoir, en raison de ses propres limites, le niveau culturel, intellectuel et littéraire, très au-dessus du sien. Je pense à Liliane Langellier, à Alain Delame, à Michel Pierre, à Thierry Lefebvre et à l’auteur du blog L’Affaire Seznec revisitée (dont j’emprunte les mots pour le titre de ce billet). Bertrand Vilain se pense l’égal de Denis Langlois et de Bernez Rouz, parce qu’il ont accepté de poser pour une photo avec lui, mais il ne leur arrivera jamais à la cheville. Deux livres brouillons qui disent tout et son contraire ne font pas de lui un écrivain.
Billet précédent : Les diamants de Leon Turrou
Billet suivant : Scherdin, boulevard Malesherbes à Paris
1 commentaire:
Cher Marc…
C'est quand même dommage de devoir se justifier en permanence pour des gens qui sont mal dans leur peau et qui ont raté leur vie.
Thierry me le faisait remarquer l'autre jour : et de trois échecs pour Bertrand Vilain :
- son premier livre, où il nous a menti sur le co-auteur Al Baker qui est, en fait, le grand-père de son épouse, livre qui n'a RIEN apporté à l'affaire Seznec,
- les fouilles de Morlaix où les Pieds Nickelés n'ont trouvé que deux os de bœuf. Et où il nous a entretenu pendant des jours et des jours sur l'analyse de scories dont tout le monde se foutait,
- son dernier livre édité à compte d'auteur. Qui est une véritable catastrophe. Et qui dit tout le contraire du précédent.
Il a panné toutes les possibilités de réseaux de vente avec son mauvais caractère. Lui restent que les lieux du Faou où il est client...
Avec l'achat des archives Belz qui lui ont coûté 2.000 euros sur Le Bon Coin…
L'addition commence à être lourde.
Pour pas grand chose.
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