LES DOLLARS OR DE LA COMMUNION DE JEANNE
On peut lire dans Le Petit Parisien du 11 juillet 1923 (passage repris dans Seznec a-t-il assassiné ?, compilation d'articles de presse parue en 1931 dans une collection dirigée par le romancier Arthur Bernède) :
[...] le 15 mai, Seznec avait changé à l'agence du Crédit Lyonnais de Morlaix trois pièces d'or américaines, l'une de quatre dollars, les autres de deux dollars et employé la somme qu'il avait reçue à acheter pour sa fillette une toilette de première communion.
Début de mise en scène, pense M. Vidal, dont la conviction est que l'inculpé a tenté, ainsi de faire croire à l'existence des quatre mille dollars or dont il devait parler au cours de ses premiers interrogatoires.
Comme nous le rappelait Liliane Langellier récemment, il s'agissait en fait de la communion solennelle de Jeanne Seznec, qui avait dix ans et six mois, et non de sa première communion. Mais le véritable problème dans cette phrase du Petit Parisien, c'est que les pièces en or de deux et quatre dollars, ça n'existait pas.
À cette époque, les différents pièces d'or américaines étaient les suivantes : double eagle (20 dollars), eagle (10 dollars), half eagle (5 dollars) et quarter eagle (2 dollars et demi). Toutes avaient, comme leur nom l'indique, un aigle sur le revers.
Les half eagles et quarter eagles avaient sur leur face la tête d'un vieil indien avec coiffe, conçue par Bela Lyon Pratt. Ils furent fabriqués de 1908 à 1915, puis à nouveau de 1925 à 1929. Ils étaient gravés en creux, ce qui déplaisait aux utilisateurs car la saleté s'y incrustait, et ils n'eurent pas un grand succès. Ils circulèrent très peu et étaient généralement offerts comme cadeau de Noël aux États-Unis.
Half eagle (1908).
Quarter eagle (1908).
Une pièce beaucoup plus prestigieuse fut l'eagle conçu par Augustus Saint-Gaudens, avec sur sa face une tête de Miss Liberty portant la coiffe d'un indien. Celle-ci circula beaucoup. Elle fut produite de 1907 à 1916, puis en 1920, 1926, 1930, 1932 et 1933 (la première guerre mondiale ayant entraîné une limitation de l'usage de l'or).
Eagle (1907). La devise « In God We Trust » fut ajoutée en 1908.
Saint-Gaudens souhaitait utiliser également cette Liberty à coiffe d'indien pour le nouveau double eagle. Un exemplaire unique fut réalisé, mais il ne fut pas retenu et devint ainsi la pièce la plus précieuse de l'histoire de la monnaie américaine.
On produisit à la place, de 1907 à 1916 et de 1920 à 1933, des double eagles avec sur leur face une figure entière de Miss Liberty portant une torche et un rameau d'olivier, conçue par le même sculpteur. Ces pièces étaient très répandues, surtout dans le commerce international.
Double eagle (1907). La devise « In God We Trust » fut ajoutée en 1908.
Photographies par Jaclyn Nash, National Numismatic Collection, National Museum of American History.
Les Seznec ne possédaient donc probablement, comme ils l'affirmaient, que des pièces de 20 et 10 dollars. Il ressort de l'audition de Marie-Jeanne Seznec par le commissaire Jean-Baptiste Cunat le 30 juin 1923 que les Seznec avaient en réalité changé 40 dollars le 11 mai pour la communion de leur fille. Il s'agissait certainement d'une pièce de 20 dollars et de deux pièces pièces de 10 dollars.
MISE À JOUR
J'ai reproduit sur ma page du 19 avril 1936 le très bel article de Marius Larique, directeur de l'hebdomadaire Détective, sur Guillaume Seznec au bagne, ses multiples tentatives d'évasion et sa demande de concession agricole. J'en recommande la lecture.
68 commentaires:
Merci Marc pour toutes ces informations, je me demandais si réellement Seznec avait vendu quelques dollars (Bernez Rouz n'avait rien retrouvé) et vous nous dites où et quand cela s'est fait.
Vous avez fait un vrai travail de bénédictin. J'ignorais que les pièces de 20 dollars avaient surtout un usage international.
Quel est votre avis sur le fait que des Américains paient en dollars-or circa 1918 ? je penche plutôt pour des paiements en dollars-papier, ou en francs pour les administrations, mais je suis loin d'en être sûr... à vrai dire, j'imagine assez mal un officier traverser l'Atlantique avec des pièces d'or plein les poches, je le vois plutôt se faire envoyer des mandats par sa famille au service d'intendance qui lui convertirait cela en francs... quelle est votre idée à ce propos ?
En ce qui concerne la communion, l'achat d'une tenue le 15 mai semble militer pour une communion le dimanche suivant, il me semble, celui de Pentecôte, ce qui confirmerait bien que ce n'est pas de ce dimanche-là que parle Petit-Guillaume. Est-ce que cela vous paraît cohérent ?
Tout dernier point, qui est purement de détail et qui ne change rien au fond de l'affaire : je suis un peu surpris par l'âge de Jeanne à sa Communion solennelle, il me semblait qu'elles avaient lieu, ces communions-là, en mai de l'année de sixième, c'est à dire plutôt vers 12 ans. Serait-il possible, comme le principe de la première communion précoce ne remonte qu'à 1907, que la Bretagne conservatrice soit restée à l'ancienne coutume ? cela expliquerait à la fois l'âge un peu jeune pour une communion solennelle et l'article du journal.
Bonjour, JM. C'est en fait Bernez Rouz qui confirme ces 40 dollars (page 149 de l'édition de poche) et il s'agit du 11 mai (l'article du Petit Parisien avait tort également sur la date). La communion a donc pu se faire le dimanche 13.
La communion solennelle depuis 1910 se faisait entre 10 et 12 ans. Comme les Seznec étaient très religieux, je ne crois pas que Jeanne avait trois ans de retard sur sa première communion, mais plutôt un an d'avance sur sa communion solennelle. Appeler cette dernière "première communion" était une confusion de language courante, je pense.
Chez Bernez Rouz, l'enfant concerné par cette communion n'est pas mentionné, donc il pourrait s'agir de la première communion d'Albert ou de la communion solennelle de Guillaume, mais c'est peu probable, je crois, car le journaliste du Petit Parisien aurait vraiment eu tout faux.
En ce qui concerne la source de ces dollars, il ne faut pas s'en tenir à la dernière version des Seznec, qui veut qu'ils aient appartenu uniquement à Marie-Jeanne et qu'elles les aient obtenus par son travail de blanchisseuse. Il y a d'autres versions. J'y reviendrai dans un autre billet.
J'ajoute qu'Angèle Labigou aurait dit : "J'ai vu aussi Mme Seznec remettre à son mari des dollars le jour de la première communion de sa fille" (Bernède). Le jour ou deux jours avant, plus probablement, le temps de faire les achats. Angèle était absente de chez les Seznec du 15 au 23 mai. Cela confirmerait la date du 13 mai pour la communion de Jeanne.
Jeanne a fait sa communion solennelle le Jeudi 17 mai 1923.
C'est le jour de l'Ascension.
(cf in "Notre bagne" de Claude Sylvane)
Merci, Liliane. Angèle n'était donc pas présente, mais comme je le disais, la remise des dollars a dû se faire quelques jours avant la communion.
La tenue de communiante peut avoir été achetée le mardi 15, ce qui expliquerait la date donnée par Le Petit Parisien, puisqu'on parle dans la même phrase de la vente des pièces et de l'utilisation de la somme (environ 600 francs, tout de même).
Pour Marc : je vois donc d’où vient ma confusion : Angèle utilise aussi fautivement le terme de première communion...
Pour Liliane : Je pense par ailleurs que Claude Sylvane se trompe : si Pentecôte est le 20 alors l’Ascension est le 10... dans ce cas la seule date possible (après le 11 et en présence d’Angèle) est le 13...
La somme est effectivement importante, 600 euros à peu pres, je n’avais pas remarqué cela...
Merci à toutes et tous pour cette recherche de précision !
"Quant à moi, je rentrai à Saint-Martin où je fis ma première communion. C'était le 17 mai 1923. On nous avait habillées de blanc, mes compagnes et moi et on nous accompagnait à l'église."
in Claude Sylvane en page 28.
Jeanne a fait sa petite communion chez les Soeurs de Kerbonne (Brest), elle n'avait pas encore 5 ans (printemps/été 1917 ?)
Ascension le 10 et Pentecôte le 20, en effet : https://www.capeutservir.com/calendrier/?startDate=01%252F1923. Exactement comme cette année, mêmes jours de la semaine.
Le 11 mai 1923, un dollar se vendait 15,185 francs (Figaro du 12 mai). 40 dollars = 607,40 francs. Plus que le salaire mensuel d'un ouvrier.
On ne saurait être trop méticuleux ! Il est essentiel de se revérifier à plusieurs !
Mais la communion solennelle, dans les pensionnats très catholiques, ça se faisait un jour de semaine. A!ors, je répète, Jeanne a bien fait sa communion solennelle le 17 mai 1923. Bon, ce n'était pas l'Ascension, autant pour moi, mais c'est moi qui sais la date en tous cas.
Vous apportez là encore une précision fondamentale : il ne faut pas raisonner en inflation mais en pouvoir d’achat.
En un siècle ce dernier a beaucoup plus progressé que l’inglation, surtout durant les trente glorieuses. Pour avoir une idée du pouvoir d’achat il faut multiplier par 2 ou 3. On voit d’ailleurs que l’echelle Des prix n’est pas la même : les propriétés sont plus chères maintenant, les voitures moins. Je veux dire par là qu’il faut moins de temps de travail pour acheter une voiture.
Mais si si Angèle elle était présente : en page 28 de"Notre bagne" :
"(...) C'était le 17 mai 1923. On nous avait habillées de blanc, mes compagnes et moi, et on nous accompagnait à l'église. Comme nous entrions, je vis Angèle, les yeux rougis, qui s'approcha de moi. Elle venait m'embrasser avant de prendre le train, car elle avait appris, le matin même, la mort de son frère, tué net par la chute d'un lourd palan dans un bateau. Il laissait deux orphelins."
Oui, chère Liliane, c'est certainement la date que vous donniez. En résumé, on peut estimer que le 11 mai, Marie-Jeanne donne 40 dollars à son mari devant Angèle et il les change le jour même. Le 15 mai, Angèle quitte les Seznec et on achète une tenue de communiante pour Jeanne. Le 17 mai, Jeanne fait sa communion solennelle.
Non. Angèle apprend la mort de son frère, au mieux le 16 mai, et elle passe embrasser sa petite Jeanne juste avant la cérémonie de sa communion solennelle. Puis, elle prend son train pour aller à l'enterrement de son frère.
Je viens de vous recopier la citation exacte chez Sylvane.
Nos commentaires se sont croisés, Liliane. Le récit que vous citez semble honnête, donc Angèle n'est pas partie à la date indiquée par Bernez Rouz, mais deux jours plus tard. C'est possible. En partant du 17 au 21, elle ne prenait pas un long congé, car le 20 était un dimanche et le 21 un jour férié.
Vu effectivement si la communion a lieu un jour de semaine cela change tout.
Dans ce cas Angèle irait aux obsèques de son frère et au conseil de famille traditionnel, c’est crédible.
Je pense que M. Vidal se trompe quand il voit là une manœuvre liée à Plourivo, j’y vois plutôt effectivement une façon de faire savoir qu’il a bien des dollars mais plutôt pour l’affaire Cadillac. Ce n’est qu’une opinion. Des dollars, oui, mais combien au total ?
Dieu sait, Marc, que je n'ai aucune confiance en Claude Sylvane pour les dates et les faits...
Mais je la pense exacte sur tout ce qui est le ressenti de la petite enfance de Jeannette, puisque c'est Jeannette elle-même qui lui confie. Et en direct.
Le frère d'Angèle n'est pas mort sur un bateau mais au fond d'un puits :
François Louis Labigou, ouvrier ardoisier, travaillait le 15 mai avec ses camarades au fond du puits à la carrière de la Société des ardoisières armoricaines sise au hameau de Cars-Allain en Plounévezel quand soudain un chaînon tombant du sommet du puits vint le frapper à la base du crâne – Transporté d'urgence à l'hôpital de Carhaix, le malheureux y est décédé quelques heures après l'accident.
J'avais fait confiance à mon téléphone pour publier les commentaires. Apparemment, certains ne m'avaient pas été signalés (ou je n'avais remarqué qu'une seule notification quand il y avait deux ou trois messages à la fois). Je viens d'approuver tous ceux qui restaient à l'instant et les commentaires se retrouvent en ordre chronologique d'envoi, non de publication. Désolé d'avoir causé une certaine confusion à cause de ça. Je vais relire tout le fil.
Donc tout se confirme, en effet. 15 mai, François Labigou est blessé dans un puits. Il meurt "quelques heures" plus tard. Le même jour, on achète la tenue de communiante de Jeanne. Le 17 au matin, Angèle apprend la mort de son frère. Elle voit Jeanne défiler en communiante puis prend le train pour se rendre à l'enterrement de son frère. Elle rentre le 21.
C’est très cohérent. Il a pu mourir le 16.
Concernant la conviction de Vidal qu'il y avait là un "début de mise en scène", je suis d'accord avec vous, JM. L'obsession de la police et des juges pour la préméditation n'a d'ailleurs pas convaincu les jurés.
Pour ce qui est du pouvoir d'achat, oui, il était très différent et par conséquent difficilement comparable. Une automobile était vraiment du luxe. Et aujourd'hui, je crois que Traou-Nez et ses 90 hectares vaudraient 500 ou 600.000 euros.
"Jeudi à St-Martin ont eu lieu les fêtes de la Première Communion. La retraite avait été prêchée aux enfants par M. l'abbé Barvet, vicaire à St-Melaine. La procession put l'après-midi se dérouler à travers la paroisse en dépit du temps, aigre et pluvieux. Et les "cloches de St Martin" sonnèrent joyeusement en l'honneur du "plus beau jour" de la vie du chrétien."
La Résistance du samedi 19 mai 1923.
Il y a bien eu Communion le jeudi 17 mai 1923 à la paroisse Saint-Martin, mais l'article parle de la Première Communion. Est-ce qu'à l'époque la Communion solennelle était désignée ainsi ?
Je crois me souvenir que dans mon enfance, on en était encore à confondre les deux, ou plutôt à parler de "première communion" pour la communion solennelle et de "petite communion" (expression également employée par Liliane plus haut) pour la toute première.
J'ai ajouté des photos à mon billet, pour qu'on se fasse une meilleure idée sur l'apparence des dollars or. Ce n'est pas du luxe, parce que mes descriptions ne suffisaient pas.
Je me demande si dans les années 60 on ne faisait pas encore la confusion...
Après tout l’expression « comme un premier communiant ou communiante » se réfère à un adolescent et non à un enfant. Je pense que chez moi on appelait la première communion la communion privée et la seconde la première, si j’ose dire. Ma grand’ mère disait aussi diner pour déjeuner...
Marc, en ce qui concerne l’acharnement sur la préméditation, j’ai une théorie mais elle n’est basée que sur des recoupements mais aucune preuve. Je vous en parlerai si vous le souhaitez quand vous ouvrirez un fil sur un thème approchant. Cette théorie est pure spéculation mais elle permet d’expliquer des faits périphériques mystérieux. En revanche elle n’apporte rien sur la disparition de Quéméner.
Je répète, et je l'avais écrit ici...
Jeannette a fait sa petite communion a à peine 5 ans (cf page 22 chez Sylvane)
C'est encore courant, de nos jours, pour les familles très pratiquantes.
C'est sa communion SOLENNELLE qu'elle fait le jeudi 17 mai 1923.
Elle aura 11 ans en novembre.
Oui, chère Liliane, il n'y a pas de doute là-dessus. Nous nous interrogions seulement sur la faute de language des journalistes et en fait d'à peu près tout le monde à l'époque, apparemment. Mais au moins, nous savons qu'il s'agissait bien d'une communion solennelle.
Nous sommes tous d’accord : elle a bien fait sa communion solennelle, c’est certain.
Le débat ne portait que sur les deux appellations journalistiques.
C'est qui ce JM qui décide pour ce blog ?
Et qui se permet de me renvoyer dans mes buts ?
Hein, c'est qui encore?
#jeposequestion
Chère Madame Langellier, promis, juré, croix de bois, croix de fer, je ne peux pas avoir toutes les qualités, je ne suis pas JM. Pas sûr d'ailleurs qu'il se dénonce si c'est pour se faire traiter de "dingue"
Bonjour Madame.
Je ne me serais pas permis la moindre remarque à votre propos : je répondais simplement à Marc, vous pouvez constater que mon message suit le sien et que le nous, comme dans le sien, est un renvoi à Thierry, lui et moi, qui avions posé cette question des premières communions qui revenait dans des textes différents.
Bonjour Marc.
Je m’interroge sur le montant de cette vente, 600 francs de l’epoque, soit, en pouvoir d’achat, 1800 euros de maintenant, très approximativement.
Voici mon idee, qu’en pensez-vous ?
Cette somme est sans rapport avec une tenu de communion et, comme la communion a eu lieu un jeudi, je n’imagine pas de banquet. D’autre part, personne ne parle d’epargne au profit de la communiante.
Je ne vois qu’une possibilité : Seznec, par cette vente, accréditer de façon ostensible l’existence des dollars sans forcément les montrer. Il y a alors deux raisons possibles : soit effectivement il a prémédité le coup de la promesse de vente ; soit il veut faire croire à Quéméner qu’ il dispose de cet argent pour l’affaire des Cadillacs.
Voyez-vous autre chose ?
Chers amis, j'ai fait quelques recherches quant à cette communion. Voici les publicités du BHV de 1925 (vous noterez que le BHV persiste à appeler cela "Première communion", pourtant les modèles ont bien plus de dix ans). Le prix d'une tenue est vers les 100 francs.
https://i.ebayimg.com/images/g/EAgAAOxycmBSrIg9/s-l1600.jpg
Bonjour, JM. J'ai aussi fait des recherches l'autre jour. Le magasin parisien "A Réaumur", qui avait plusieurs succursales dont une à Nantes, a passé une annonce dans Le Petit Journal et Le Petit Parisien du 24 avril 1923, ainsi que dans Le Matin et L'Ouest-Éclair du lendemain. Il s'agit de "vêtements de première communion" (l'erreur était très répandue, par habitude, mais les modèles ont là aussi environ 12 ans). Une toilette pour fille allait de 32 à 75 francs (ce dernier modèle dit "riche" étant en mousseline de belle qualité). Par contre, un costume de garçon pouvait monter jusqu'à 180 francs, auxquels s'ajoutait un brassard, etc. Les vêtements de ce magasin étaient de bonne qualité à prix attractif. Je pense qu'on pouvait acquérir une belle tenue complète pour fille avec tous les accessoires pour 150 francs environ. Les 40 dollars n'ont pas dû servir qu'à la toilette de Jeanne.
Bonsoir Marc.
J'aurais une question quant à Jeanne. Elle est donc plus jeune que Guillaume dit Guy. Elle n'est sans doute pas en sixième ou équivalent. Savez-vous où elle faisait sa scolarité, pour comprendre comment le frère aîné pouvait être à la maison un dimanche, et elle non ?
C'est Liliane qui connaît bien ces choses-là. Comme rappelé sur ce fil, Jeanne était en pension à Saint-Martin (Saint-Martin-des-Champs, j'imagine). Je ne sais pas pourquoi Marie et Jeanne auraient été absentes ce dimanche-là.
Je crois que Marie était en pension à Huelgoat et que les Seznec lui ont rendu visite le dimanche 27 juin 1923 (elle ne rentrait donc pas régulièrement). Jeanne n'était qu'un peu en dehors de Morlaix, par contre.
Je viens de vérifier : Marie était assez loin, en revanche Jeanne était à St Martin de Morlaix, et les deux garçons à St Joseph. Donc il n'y a pas de raison pour que les garçons soient là et la fille non.
Et le monastère en question est tenu par les Augustines, dans le couvent de Saint François, voici un article à leur propos :
http://www.letelegramme.fr/ar/viewarticle1024.php?aaaammjj=20041011&article=8809239&type=ar
C'est donc à deux kilomètres.
Oui, son absence est assez étrange. Elle ne jouait certainement pas avec ses frères dans le jardin, mais elle devait bien être dans la maison quelque part, je pense.
Je voulais dire le dimanche 24* juin, pour Huelgoat.
Ouest-Éclair du 19 juillet 1923, au passif de la liquidation judiciaire : Pension des enfants 1.600 fr (les deux garçons sont en pension à St Joseph de Morlaix, une des filles est à St Martin de Morlaix, la fille aînée est au Huelgoat, dans la famille de la bonne, Angèle Labigou.
Notez cependant que Guy ne nous parle que d'Albert... je ne suis d'ailleurs pas certain que les quatre enfants aient été pensionnaires le 27 mai : à la liquidation Seznec, ils le sont. Cela ne veut pas dire qu'ils l'étaient avant. Je crois que Me Langlois nous parle seulement des visites d'Angèle à Guy, et non aux deux autres enfants.
Guy ? Vous voulez dire Guillaume fils ? Comme Liliane, je n'aime pas trop ce "Guy". Bernard Le Her l'appelait Guillaume, donc je crois préférable de continuer à l'appeler Guillaume fils ou Petit-Guillaume. Guy, c'était sûrement pour les voisins et amis quand il ne voulait pas être associé à l'affaire.
L'absence de Jeanne dans le récit de Petit-Guillaume est un mystère, en effet. Aussi, que fait Albert pendant que son père, sa mère, son frère et la bonne sont en séance de brainstorming pendant des heures ? Bon, ça, c'est dans l'émission d'aujourd'hui, car je crois que Petit-Guillaume a dit qu'il n'avait pas assisté à ces discussions.
Cela dit, je préfère réfléchir à partir des faits et des éléments de l'enquête plutôt que sur des témoignages tardifs, très imprécis et remplis d'erreurs. Je cherche à clarifier certains points, avant tout.
jm, 27 mai - 19 juillet, je doute qu'ils aient accumulé 1600 fr de passif sur la pension des enfants en à peine 2 mois. Ils étaient donc certainement pensionnaires au moment de l'affaire non ?
Effectivement, les faits parlent déjà assez par eux-mêmes : on voit qu'il y a une vente de dollars l'ordre de 600 francs pour une toilette qui ne devrait pas dépasser les 150. Rassembler 150 francs, cela ne semble tout de même pas impossible.
A ce stade, on peut donc, de mon point de vue, formuler l'hypothèse que cette "sortie" de dollars est due à la nécessité de montrer au public qu'on dispose de ces dollars, avec deux possibilités : soit pour justifier le paiement en liquide d'une part de propriété (hypothèse Vidal), soit pour justifier qu'on a des liquidités devant soi (hypothèse Legrand). Trouvez-vous cela farfelu ?
Oui, je crois que les enfants n'ont connu que la pension. Marie-Jeanne était très occupée avec la correspondance commerciale.
C'est vrai, Thierry, c'est une belle somme... mais il est aussi possible que Seznec ait, là comme ailleurs, beaucoup de retard, rien ne nous dit qu'il était à jour ! quoi qu'il en soit, comme le dit Marc, ce n'est pas central, je m'en veux de lancer des débats périphériques mais j'essaie de savoir qui est où et qui fait quoi, avec précision, aux différents moments...
Concernant les 40 dollars, je pense que c'est pour un besoin immédiat d'argent liquide, en partie seulement pour la toilette de communiante. Mais pourquoi être allé à Brest changer le reste au lieu de le faire à Morlaix ? C'est pourtant ce que Seznec dit qu'il est parti faire à Brest. Et c'est ce qu'il a fait, d'après moi.
J'attends avec un très réel intérêt votre prochain fil sur ce thème !
Pourquoi ne pas voir dans ce prélèvement de 40 dollars la preuve que les Seznec sont aux abois et n'ont plus de liquidités ?
Mais c'est ce que je vois également.
La valeur de ces pièces d'or pouvait encore doubler ou tripler en quelques années. Ils ne devaient donc ne se dessaisir de leurs prétendus 4.040 dollars que dans deux situations : 1) pour acheter un propriété ou investir dans une affaire encore plus profitable, ou 2) en cas de force majeure, pour éviter le dépôt de bilan ou parer à une catastrophe.
Par contre, échanger 40 dollars or pour 600 francs, ça ne s'explique pas autrement que par l'incapacité de disposer de cette somme relativement peu importante en liquide à ce moment-là, car c'est idiot autrement.
Pourquoi Brest plutôt que Morlaix, parce que, peut-être, Morlaix ne disposait pas autant de liquidités, parce que à Brest les taux de change étaient plus intéressants, parce que à Morlaix tout se sait et que gs ne voulait pas que ça se sache, parce qu'à Brest le contrat pouvait être rédigé et signé et forts de cet engagement les protagonistes ont pu envisager de se mettre en quête d'une voiture à Lesneven ???
À mon avis Seznec a changé ses dollars dans un bureau de change brestois. Mais il ne pouvait pas le dire à cause du risque d'être démenti sur le montant. Il prétendait avoir remis l'équivalent de 65000 francs alors que d'après le calcul de nombreux blogueurs il n'en aurait remis que la moitié à Quemeneur. Comme vous le dites vous même la Cadillac pouvait faire partie de l'investissement. En tous cas Seznec n'avait pas intérêt à remettre ses dollars mais à les vendre lui-même au meilleur prix.
Quant aux dates, je ne vois pas comment les remettre en question. J'imagine qu'en 1923 une banque n'aurait pas remis 10000f à Quéméner sans des écritures comptables dûment vérifiées par la police. Quemener était donc vivant le 22 mai 1923.
On peut tout remettre en question, mais il faut avoir des arguments solides. Sinon, surtout quand on n'a pas eu accès au dossier, il faut admettre que la police et le juge d'instruction avaient de très bonnes raisons d'établir ces dates. De plus, dans ses premières déclarations à la police, Seznec ajoute souvent "ce que votre enquête pourra démontrer", donc il est sûr qu'on confirmera les dates et heures de ses passages. Si c'est du bluff, c'est vraiment très fort. Parce qu'il a absolument besoin que sa version soit confirmée : c'est son alibi. Mais comme il y a un problème concernant la montée de Quéméner dans un train pour Paris, ce qui aurait dû être un alibi devient l'un des principaux arguments de l'accusation.
Je ne sais pas si les billets de train étaient nominatifs en 1923, mais de toutes façons quelqu'un a vu Quemeneur à la gare de Rennes le samedi 26...
Pour ce qui est du billet Dreux -Paris on peut bien supposer une grivelerie à cette heure là !!!!
Non, je ne crois pas que les billets étaient nominatifs, car il n'y a pas si longtemps qu'ils peuvent l'être. Selon l'avocat Philippe Lamour (plaidoirie du 5 octobre 1932), "on a trouvé un billet de seconde classe délivré, ce soir-là, à la gare de Dreux pour Paris". Mais le prix de ce billet, avec les taxes, ne correspond pas à ce qui est marqué sur le carnet de Quéméner.
Les témoignages de survie de Pierre Quéméner au-delà du 25 mai 1923 à 22h15 sont tous sujets à caution. Maître Danguy des Déserts a déclaré : "Il m'est impossible d'affirmer que j'ai vu Quéméneur. J'ai pu me tromper car je suis très myope." Il a seulement cru le voir, soit le 26 mai vers 6 heures du matin, soit le 29 mai. Si Quéméner a pris l'express de 21h59 à Dreux le 25 mai, il est arrivé à la gare des Invalides à 23h34. En repartant de Paris (Invalides ou Montparnasse ?) à 0h26, il n'aurait pu arriver à Rennes qu'à 7h20. Trop tard pour croiser Danguy des Déserts. De là, il lui aurait fallu reprendre un train pour Paris, mais il ne serait arrivé qu'en soirée, trop tard pour être vu par François Le Her. Non seulement c'est absurde, mais ça ne marche pas.
Le seul témoin de survie (de courte durée) de Quéméner c'est Guillaume Seznec Fils, 12 ans... Le billet Dreux -Bretagne aura disparu des poches de la victime et le prix du billet pour cette ultime dépense gratté sur le carnet et modifié en maladroit Dreux -Paris, copié sur le Cheix qui était aussi dans la valise de la victime.
À ce moment là, c'est quoi la situation financière des Seznec ?
Les 35000 fr de la vente des dollars dans le coffre de Ker Abri, la Cadillac qui vaut à peine les 15000fr gagés dessus... Les affaires avec Quemener sont fortement compromises, non ? Alors chantage ? Dénonciation de contrat ?
Si Seznec avait vendu ses dollars pour 35.000 francs à Rennes, il aurait gardé les billets de 1.000 francs sur lui et les auraient emmenés au moment du voyage. Pas besoin de les donner à Quéméner. Ils faisaient l'affaire ensemble et tenaient une comptabilité (succincte, il est vrai). Si quelque chose avait pu terminer dans le coffre de Ker-Abri, ça ne pouvait être que des pièces d'or. Seulement, les seules preuves de cet échange de pièces d'or, ce sont les paroles de Seznec (deux versions contradictoires : en terrasse et dans la voiture) et des fausses promesses de vente. On a vu mieux. Pour dénoncer un contrat, encore faut-il qu'il existe.
Pour ce qui est de la Cadillac, je crois que cette voiture aurait valu près de 30.000 francs si elle avait été en parfait état. Elle n'avait que quelques années et c'était une voiture prestigieuse, achetée 18.000 francs en 1919, qui correspondent à environ 28.000 francs de 1923.
Si on croit ce qui est croyable dans toutes ces menteries Seznec dit avoir vendu ses dollars à Brest. Cela peut vouloir dire changé ses dollars et remis à Quemeneur en échange d'une promesse de vente en bonne et due forme. Dans cette phase de négociation je ne suis pas sûr qu'il ait été utile de transporter 35 000f en liquide. La promesse de vente pouvait être une garantie suffisante ainsi que le chèque pour négocier. Ce n'est pas possible que tant d'indices nous orientent vers le 150rue du Maine où un certain Dalton, avec ou sans particule, avec ou sans jolie grand tante pouvait avoir la prétention de se faire passer pour l'Americain haut placé dont Quemener avait parlé à ses amis. Bon, à mon avis il est impossible de refaire l'enquête, mais ce que je lis sur le blog de Skeptikos me paraît du plus haut intérêt !
Ce matin j'ai lu quelque chose de très intéressant sur le blog ASI. L'idée qu'il serait resté un peu de dollars à MJ pour pourvoir à l'éducation de ses enfants. Si on essaie de croire ce qui est croyable, par exemple que les Seznec auraient possédé 4000dollars, qu'à l'éventuelle signature de la promesse de vente de Traou Nez GS en ait versé l'équivalent de la moitié, que la deuxième moitié était gardée pour la signature de la vente et que l'on comptait sur ce commerce de Cadillac pour compléter le tout est-ce que cela n'aurait pas un petit air de vraisemblable ?Malheureusement je crains que cela ne reste que supposition. L'avantage c'est que cela rend un peu d'honnêteté à tout le monde...
Je ne dédaigne pas de discuter de toutes les hypothèses, mais il me semble que les fausses promesses de vente sont la preuve qu'il n'y a jamais eu promesse de vente. Ou, tout du moins, la probabilité pour qu'elle ait eu lieu est extrêmement faible, car des "faux honnêtes" ne sont pas monnaie courante.
Je partage l'avis de Marc : n'oublions pas que dans l'hypothèse "PG" dans sa dernière version il resterait tout de même un original, et très probablement un original olographe de Quéméner (la promesse Le Verge est manuscrite).
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