Samedi 22 février 2020

L’AFFAIRE DE CADILLAC ET LA DISPARITION

 J’ai lu dans un commentaire sur le blog de Monsieur Vilain  : «  Il fallait aborder l'affaire sous un angle nouveau : croire ce qu'à confié Quemeneur à Saleun, Legrand... Les blogs actuels n'allaient pas dans ce sens.  »
 C’est faux. En ce qui me concerne, j’ai toujours cru que les témoignages de Gabriel Saleun et Julien Legrand étaient fiables, et j’ai toujours cru que Guillaume Seznec racontait la vérité sur l’affaire de Cadillac. L’accusation en doutait, car elle pensait que Seznec avait attiré Pierre Quéméner dans un piège. Tout ce que j’ai trouvé m’a convaincu que ce n’était pas le cas. Les différents articles que j’ai publiés sur ce site le montrent clairement.
 Cependant, quelles que soient les raisons qui conduisaient les deux hommes à Paris, on sait que Quéméner a disparu peu après 22 heures le 25 mai 1923, et que l’homme qui était avec lui n’a fourni aucune explication valable sur cette disparition. Son récit incohérent est précisément ce qui a fait de lui l’unique suspect dans cette affaire. La fabrication des fausses promesses de vente, dont l’une a été retrouvée dans la valise du disparu, a achevé de faire de lui le coupable idéal, car cette valise était nécessairement en sa possession au mois de juin.
 Le moment de la disparition reste néanmoins crucial. Alors, pourquoi Seznec aurait-il modifié le récit de son retour à Morlaix, pour prétendre (ainsi que sa femme et sa bonne) qu’il n’était rentré chez lui qu’à la toute première heure du jour le lundi 28 mai, alors qu’il était clair au moment du procès que personne n’avait vu Quéméner entrer chez lui le dimanche  ? Et si Quéméner avait passé plusieurs heures dans la Cadillac avant de prendre le train de 3 heures 48 à Houdan, pourquoi Seznec ne l’aurait-il pas dit, au lieu d’insister sur une histoire qui ne permettait pas à Quéméner de prendre le train  ?
 Si l’on part de l’hypothèse que Quéméner a pris le train de 3 heures 48 le vendredi et qu’il est revenu le dimanche matin à Morlaix pour y trouver la mort, on comprend que dire la vérité sur les événements de la nuit du vendredi au samedi était crucial, alors qu’il était parfaitement inutile de mentir sur un retour à Morlaix le lundi matin.

SCHERDY ET ACHERMANN

 Madame Langellier a publié aujourd’hui un article qui contient pratiquement tous les éléments que je m’apprêtais à utiliser dans un article sur le nom de Scherdy (j’avais choisi Scherldy comme libellé sur ce site pour cet homme, mais je pense que Scherdy résume mieux toutes les variantes), ayant par coïncidence étudié la question ces derniers jours. Je ne peux donc qu’approuver entièrement son article. Il n’y a jamais eu de Charly.
 Je tiens également à la remercier d’avoir brillamment complété mes recherches sur Ernst Conrad Achermann (graphie que je retiens désormais). J’écrirai prochainement un article sur chacun de ces deux contacts américains de l’affaire de Cadillac, pour tenter de résumer ce que l’on sait d’eux.

11 commentaires:

P.G a dit…

Peut-être parce qu'il craignait que l'homicide involontaire commis par son épouse soit jugé par la cour d'assises pas si involontaire que ça, en tous cas motivé par un mobile financier...

guym a dit…

Bonjour,
Seznec, a, dès le début , parlé d'une séparation devant la gare de Dreux à vingt-deux heures où il était possible à son compagnon de gagner Paris. C'est ce qu'il a dit le 4 juin à Jenny, le 10 à Pouliquen. C'est ce qui est écrit sur le carnet de Quémeneur et je crois sur ses propres notes. C'est ce qu'il soutiendra devant Cunat (devant la presse aussi) le 26 juin et devant Vidal les 28 et 29 juin avant que celui-ci ne lui démontre l'infaisabilité réduisant à néant ce postulat aux toutes premières heures de l'enquête.
Cette boulette sera fatale au morlaisien, qui jamais n'arrivera à la surmonter et le rangera définitivement au rang de suspect.
Retenons si vous voulez bien, pour commencer la version du verdict de Quimper :
Un peu plus loin de Houdan une dispute tourne mal, Seznec estourbi son compagnon et le fait disparaître .....Ok ?
Dans ce cas la confusion entre les gares (les villes) de Dreux et Houdan est surprenante. Même si on imagine l'auteur du coup fatal troublé par son acte, ses conséquences et la nécessité de faire face, on comprend mal qu'après coup il s'embrouille complètement en situant les épisodes du restaurant, de Jeangirard et de la gare à Dreux, à vingt kilomètres de distance. Peut-on admettre un meurtrier, même occasionnel, recouvrer ses esprits plus rapidement et bâtir, le moment venu, un récit plus solide d’autant dans ce cas, où, Seznec et son compagnon ont passé plusieurs heures à Dreux et un bon moment à Houdan ? Ajoutons le passage du morlaisien dans ces deux villes le lendemain.

La dépose du compagnon devant une autre gare, un peu plus tard, un peu plus loin est peu vraisemblable. Pourquoi dans ce cas ne pas le dire ? C'est tout bénéfice, le conseiller général disparaît dans le fracas de la grande ville .......

Voilà, nous sommes encore et toujours devant la barrière de la gare de Houdan... Tentons un peu plus loin. Les cheminots indiquent la route de Paris, la voiture file vers Saint Lubin, repasse-t-elle devant la gare ? Il semble que non.
Mallet ?, Dectot ?
Un scénario à la Marestet ? Pourquoi pas ? Seznec séparé de son acolyte, dans l'inconnu du sort de ce dernier, même s'il comprend confusément que l'affaire du siècle a du plomb dans l'aile, un Seznec désarçonné de retrouver, à son retour, chez lui son compagnon mort dans le salon.










Liliane Langellier a dit…

Bonjour…
Il faut arrêter de prendre pour argent comptant la mort de Pierre Quémeneur à Morlaix.
On nous fait prendre des vessies pour des lanternes.
Tout ça pour satisfaire des fouilles privées inutiles et un ouvrage encore plus inutile.
PERSONNE ne peut dire aujourd'hui ce qui s'est passé à la sortie du Plat d'Etain à Houdan.
Personne.
Mais, c'est vrai, que le commissaire Vidal - devant les mensonges répétés du gars Seznec - a pensé qu'il avait supprimé le conseiller général quelque part entre Houdan et La-Queue-Lez-Yvelines.
C'était facile avec le cric.
Guillaume Seznec était un sec, nerveux et qui pouvait piquer des colères subites (cf le jour où il a tabassé un automobiliste à Brest près de la blanchisserie). Ce n'était pas un saint, loin s'en faut.
Et fin mai 1923, sa trésorerie était lamentable.
Je parie sur un coup de colère non maîtrisé avec une arme trouvée par hasard (Grosse pierre,etc…)

Marc Du Ryez a dit…

Guym, je suis en accord avec l’essentiel de votre commentaire, mais le dernier paragraphe nous éloigne de la vérité. Nous n’avons toujours pas compris comment Quéméner a pu prendre le train, donc ce qu’il aurait fait ensuite n’a que peu d’intérêt pour l’instant, puisqu’une infinité de scénarios deviendraient possibles. S’il a survécu à cette nuit-là, il peut tout aussi bien être parti fabriquer des flûtes de pan au Pérou. On pourrait admettre qu’il a laissé sa valise à Seznec pour voyager léger, n’emportant avec lui que le strict nécessaire pour une courte nuit à l’hôtel avant son rendez-vous, et nous n’aurions aucunement besoin de Quéméner pour ramener la valise à Morlaix.

Marc Du Ryez a dit…

P.G., c’est précisément ce que je juge impossible. Dans votre hypothèse, il ment sur le déroulement de la nuit du 25 au 26, passant pour un assassin (risquant donc la peine de mort), alors que dire la vérité lui serait favorable (concernant les faux, il peut toujours nier et espérer convaincre les jurés), afin de détourner les soupçons de sa femme dans une affaire dont personne n’a connaissance. Puisque son but est d’affirmer que Quéméner l’a quitté vivant, pourquoi insister sur une histoire qui ne le permet pas, alors que, dans votre hypothèse, Quéméner l’a effectivement quitté vivant, mais dans des circonstances différentes ? C’est tout simplement absurde.

Il ne faut pas partir d’un retour de Quéméner à Morlaix (tout aussi peu probable que les différents scénarios, tous contradictoires entre eux, qui ont été inventés par la suite par Seznec lui-même et par ses défenseurs) pour ensuite essayer d’arranger des faits beaucoup plus fermement établis pour que cela colle. Vous pensez que c’est ainsi que la police et la justice fonctionnent ? Il faut partir des faits. Non, Quéméner n’a jamais pris le train de 23h08 à Versailles, ni celui de 3h48 à Houdan, ni celui de 4h08 à Montfort-l’Amaury. Pourquoi ? Parce que cela différerait beaucoup trop des différents récits de Seznec. Soit Seznec ment, soit il se trompe. Il ne peut pas se tromper à ce point-là, et il ne peut pas mentir pour remplacer des faits qui l’innocentent par des faits qui l’accablent.

Il peut exister une solution, mais elle se situe ailleurs.

guym a dit…

Marc du Ryez? Il n'y a pas que le train pour se rendre à Paris. Par exemple: avec un rendez-vous du côté de Saint Lubin, Quémeneur peut très bien y avoir été conduit en voiture ou mis au train dans la matinée pour la capitale ou pour la Bretagne.
Visiblement Seznec a (mal) élaboré son scénario postérieurement à l'aide du Chaix avec les erreurs connues. Il est étonnant qu'il ait zappé les péripéties de la dernière soirée avec sa supposée victime. Même fatigué, même bouleversé il pouvait remettre un peu d'ordre dans ses souvenirs lors de son retour le lendemain quand ayant commis son crime dans la nuit il devait avoir les sens en éveil.
Un meurtrier fait-il la sieste dans la cour d'un hôtel la réparation effectuée où pense-t-il à déguerpir au plus vite? Est-il si sûr de la cachette du cadavre? Que personne n'ait rien remarqué pour encore trainer à Dreux l'après-midi?
C'est vrai rien n'a jamais été établi pour cette nuit-là , en bonne justice le doute …….

Marc Du Ryez a dit…

Restent la valise et les faux, Guym. Combinés avec l’impossibilité pour Quéméner de prendre le train dans les conditions décrites par Seznec, ils ne permettent pas au doute de profiter à l’accusé. Seznec élabore mal son scénario, mais pourquoi aurait-il besoin d’un scénario si Quéméner l’a quitté normalement ? Pourquoi dire que Quéméner a pris le train à Dreux, puis admettre que c’était à Houdan, si Quéméner a été pris en charge par d’autres personnes, ou toute autre histoire qui ne correspond en rien à son récit ?

Si Seznec est innocent, il se trompe ; il ne peut pas mentir. Confondre la gare de Houdan avec celle de Dreux, cela peut s’admettre, mais confondre un train avec une voiture, non. Confondre le soir avec le lendemain matin peu avant l’aube, non.

Si Seznec est coupable, pourquoi s’endormir à La Queue-lez-Yvelines ? Parce qu’il n’a pas dormi une seconde pendant la nuit. Et ce n’est pas une fois la réparation effectuée, mais pendant la réparation, qu’il s’endort. Seznec admettra même n’avoir pas fermé l’œil de la nuit à Pré-en-Pail non plus. Assailli par le souvenir des multiples pannes, ou peut-être d’autres événements ? Il n’a pas dormi non plus pendant la troisième nuit, puisqu’il conduisait.

Il ne « traîne » pas à Dreux, car il y est à nouveau en panne. Rien de ce qu’il fait n’est vraiment sous son contrôle. Il se serait bien passé de toutes ces pannes, dépenses et déboires. S’il avait été plus malin, il aurait laissé la voiture chez Hodey, qui l’aurait sûrement entièrement retapée pour un prix acceptable, et il aurait pris le train pour Paris ou pour Morlaix s’il ne pouvait pas attendre l’achèvement de la réparation.

Liliane Langellier a dit…

Pourquoi Pierre Quémeneur aurait-il laissé sa valise à Guillaume Seznec ?
... Le train de 23h08 à Versailles-Chantiers ne prenait que les voyageurs de 1ère classe SANS BAGAGES.
Après, le guichetier qui lui a vendu le billet se serait sans doute signalé, et à moins de voyager enfermé dans les chiottes du train, Quémeneur ne serait pas passé inaperçu.

Marc Du Ryez a dit…

Voyager dans les toilettes du train pour un trajet aussi court n’est pas à exclure, même si on ne cherche pas à se cacher. Cela dit, Versailles, pour moi, n’est pas une hypothèse valable, car la ville est trop éloignée de Dreux pour que la confusion se fasse et trop proche de Paris pour qu’il ait été jugé utile d’y prendre le train. De plus, Seznec reconnaît en 1953 (article de Radar du 27 décembre) que c’est bien lui que Pierre Dectot a vu vers 23 heures à la sortie de Houdan, et la voiture était tournée en direction de Paris, ce qui rend assez improbable un passage à la gare de Versailles vers cette heure-là.

Extrait : « Arrivé à La Queue-les-Yvelines, nouvelle panne. Il était entre 11 heures et minuit. Tandis que je réparais, un cycliste (Dectot) est survenu. Il m’a offert de me donner un coup de main. Je l’ai remercié en lui disant que j’avais presque terminé (dans son témoignage, ce cycliste déclara qu’il était resté un moment avec moi et que j’étais seul). »

Seznec poursuit en disant qu’il avait laissé Quéméner à la gare de Dreux (il ne veut plus de celle de Houdan) 25 minutes plus tôt, ce qui est très précis alors que l’heure de la rencontre avec Dectot ne l’est pas du tout. 25 minutes, c’est faisable si la voiture tourne bien (alors que l’unique raison de prendre le train est justement qu’elle ne tourne pas bien, mais passons). Donc, il aurait déposé Quéméner à Dreux entre 22h35 et 23h35. Pas de chance : le train de Dreux était à 21h59. Ce serait donc au plus tard à 22h30 que Seznec aurait rencontré Dectot (dans son scénario).

En tout cas, si l’on oublie l’article de Radar et que l’on en revient aux faits connus, Seznec n’a guère le temps après le dîner à Houdan de déposer Quéméner à Versailles avant 23h08, puis de revenir à Houdan, puis de repartir en direction de Paris et de tomber en panne avant de rencontrer Dectot entre 23 heures et minuit (vers 23 heures selon Dectot lui-même, ce qui mettrait un terme à l’hypothèse Versailles, si c’était exact).

guym a dit…

Marc du Ryez, les mensonges de Seznec ne sont plus à démontrer, il est évident qu'il ne dit pas la vérité sur la 'séparation. Pour lui c'était à la gare de Dreux, possible puisqu'un train en partait. Une gare importante, probablement pas mal de voyageurs et un mois plus tard allez retrouver trace du billet. Sauf que les policiers ont tôt fait de le contredire en reconstituant la soirée d'après ses dires (repas, lanterne, barrière) non pas à Dreux mais à Houdan où aucun train n'était en partance.
Au risque de me répéter, je trouve 'cette boulette' un peu dur à avaler dans l'hypothèse d'un Seznec meurtrier à quelques kilomètres de là.
Effectivement, on peut penser qu'une séparation 'ordinaire' un peu plus tard, un peu plus loin ne présentait pas d'inconvénient à sa ligne de défense, donc je crois que l'on peut oublier cette option.
Sauf, sauf que tout son montage élaboré postérieurement fait mention de Dreux. C'est cette ville qui apparait sur le carnet de la victime et sur ses notes, notre bonhomme s'est piégé bêtement.
Vous l'avez compris je privilégie néanmoins 'un scénario à la Marestet'. Enfin du style. Les deux compères sont attendus du côté de Saint Lubin, Quémeneur part dans une voiture et Seznec peine à suivre dans son rossignol et perd sa trace……. jusqu'à ce qu'il le retrouve deux jours plus tard, roulé dans le tapis de son salon.
Dans cette situation, mettons nous à la place du morlaisien: Quémeneur a-t-il prévenu ses proches de son retour? Il semblerait que non, d'après le comportement de Jenny le 4 juin. A-t-il été vu à Morlaix? La disparition n'est pas ébruité de suite, personne ne le rapporte. L'entrevue avec Pouliquen est un vrai test. Seznec sur le grill s'en sort pas trop mal et s'enhardit. Toujours brouillon commence la phase des faux.

Puis-je revenir sur un autre point? Le rendez-vous important de Quémeneur rue du Maine le samedi matin semble être accepté par tous. Les sources sont, je crois, Seznec et Hodey. Permettez-moi d'être plus 'mesuré'. Certes, de peur de le rater le négociant part de Landerneau le jeudi matin, on n'est jamais trop prudent. Maintenant l'équipage fait le vingt kilomètres séparant Dreux de Houdan en six heures, de quoi s'alarmer à un moment ou à un autre. Non?
Quémeneur sur une affaire juteuse d'automobiles n'allait pas mettre un garagiste du coin au parfum.

Marc Du Ryez a dit…

Guym, j’écrirai une autre fois mes réflexions sur cette histoire de Dreux et de Houdan. Vous dites que cette boulette est incompréhensible. Pourtant, elle est bien là, en cas d’innocence comme de culpabilité. Elle est SURTOUT incompréhensible en cas d’innocence, car il n’a absolument aucune raison d’inventer quoi que ce soit (au risque de me répéter également). Alors qu’il est parfaitement clair qu’il a eu un blackout concernant Houdan en cas d’assassinat ; il devait être dans un état de choc extrême et il était peut-être ivre.

Vous préférez le style du scénario Marestet. Quant à moi, je recherche la vérité, même si elle doit s’avérer affreusement banale, et je ne me préoccupe que de savoir ce qui est arrivé à Pierre Quéméner. Je n’ai pas pour mission de prouver à la terre entière l’innocence du bon gars Guillaume Seznec.

Voyez ma page consacrée à la période du 4 au 9 juin 1923. Il n’y a ni Jenny, ni 4 juin. Le premier livre de Denis Langlois sur l’affaire est un roman. La visite de Jeanne Quéméner a très probablement eu lieu le 8 juin.

Le retard a de quoi alarmer Quéméner ? Oui. Il peut même l’amener à s’en prendre violemment à Seznec, au risque d’énerver ce dernier.