Lundi 14 mai 2018

YVES BERLIVET, CULTIVATEUR À BRÉVENTEC

 Puisqu'une certaine personne qui écrit des «  articles de référence  » à la première personne du pluriel prétend qu'à ce stade, «  nous ne savons pas si Y. Berlivet avait des activités de limonadier avant 1935  », mais que «  c'est possible  », puisqu'il accuse les autres de «  raconter n'importe quoi pour essayer d'avoir raison à tout prix  », des petites précisions s'imposent.
 Tout d'abord, je rappellerai que, si quelqu'un raconte n'importe quoi et affirme des choses non démontrées de façon péremptoire avec un air suffisant, ça n'est certainement pas moi, car tout ce que je rapporte ici est vérifiable grâce aux références que je donne et tout ce que je suppose est clairement indiqué comme tel. D'autres ne prennent pas ces précautions. Je ne suis pas ici pour vendre une théorie afin d'assurer ma promotion personnelle, mais pour rechercher des informations et participer au décryptage.

 Pour rappel, par acte sous seings privés du 15 octobre 1935, Yves Berlivet, cultivateur «  au lieu de Bréventec en la commune de St-Martin-des-Champs  », achète «  le fonds de commerces de bières et eaux gazeuses, cidres, etc...  » des époux Bécam.
 En juin 1940, Berlivet vend des bières.
 En août 1944, il est marchand de limonade et de charbon, selon un livre de 2001 écrit par Jean Le Gros, qui racontait là ses souvenirs personnels de la Libération et avait fait un travail d'historien amateur mais rigoureux (voir sa nécrologie).
 L'existence de la limonade Berlivet n'est donc attestée qu'en 1944.
 J'avais signalé la mise en vente en avril 1938 par l'agence Baron d'une fabrique de limonade faisant également office de dépôt de bière et de charbon. D'autres recherches m'ont permis de constater qu'elle était toujours à vendre au même prix en septembre 1939.
 Si Berlivet a bien acheté cette fabrique, il n'a pas dû produire sa première limonade à son nom avant 1940. Cela dit, on ne peut pas exclure qu'il ait vendu sa propre marque dès 1935, en la faisant fabriquer par un autre.
 Ce qui semble certain, par contre, c'est que ce n'était pas avant 1935, puisqu'en octobre de cette année-là, Yves Berlivet était encore cultivateur à Saint-Martin-des-Champs. Peut-on supposer qu'il ait été limonadier à Morlaix, puis cultivateur à Saint-Martin, puis à nouveau limonadier à Morlaix  ? Cela serait plutôt surprenant. Je n'ai d'ailleurs pas trouvé trace de personnes nommées Berlivet à Morlaix avant cette date.

 J'ai consulté toutes les tables disponibles en ligne des registres matricules du bureau de Châteaulin, allant de la classe 1896 à la classe 1924, et je n'ai pas trouvé un seul Berlivet. J'ai également consulté celles du bureau de Brest, de la classe 1895 à la classe 1940, et j'ai cette fois trouvé 36 hommes nommés Berlivet. J'ai pu accéder au registre matricule de 20 d'entre eux, les plus anciens, jusqu'à la classe 1921. Aucun n'était de Morlaix. Les deux lieux de naissance ou de résidence les plus proches étaient Guiclan et Plouigneau.
 Parmi ces 36 hommes, deux seulement portaient le prénom Yves.
 Le premier, Yves Marie Berlivet, né à Guiclan le 28 décembre 1892, matricule 488 de la classe 1912, est parti au front le 5 août 1914 et a disparu au combat 16 jours plus tard à Arsimont, en Belgique.
 Le second s'appelait Jean Yves Berlivet, matricule 112 de la classe 1922. Malheureusement, son registre matricule n'est pas disponible en ligne.
 J'ai également recherché les naissances Berlivet à Guiclan et Plouigneau. Pas d'informations intéressantes de ce côté-là non plus.

 Mais une annonce parue dans L'Éclaireur du Finistère du 26 mai 1934 nous ramène à Saint-Martin-des-Champs  :

 Etude de Me KERDONCUFF. docteur
 en droit, notaire à Morlaix

 A LOUER
 au 29 Septembre 1935
 FERME DE BREVENTEC
 Saint-Martin-des-Champs
 Louée à Messieurs BERLIVET
 Contenant 22 hectares.
 S'adresser à Me Kerdoncuff, notaire.

 On voit ici qu'Yves Berlivet, qui exploitait la ferme de Bréventec à Saint-Martin-des-Champs, avait prévu d'arrêter cette activité longtemps à l'avance. Sa ferme serait disponible 16 mois plus tard, le 29 septembre 1935. Le 15 octobre de la même année, il achetait le commerce Bécam à Morlaix.

 Nous avons là des faits. Les blogueurs du dimanche, eux, croient voir des dents de Quéméner dans des morceaux de mâchefer et nous en font un article avec une photo énorme. Juste comme ça, au cas où. Ils communiquent au compte-goutte sur leurs merveilleuses trouvailles des années 1940. Un os de veau, une pipe, une bouteille de limonade du père Berlivet, et le mystère est résolu.

14 commentaires:

Skeptikos a dit…

Bonsoir Marc

Non, non, vous vous trompez: les blogueurs du dimanche,ou les fouilleurs du dimanche, le reconnaissent eux-même "L'affaire Seznec n'a pas livré tous ses secrets..."

Trois mois de travail pour arriver à cela...

Je l'avais déjà dit, ces gens font de gros progrès. Nous assistons actuellement à un nette amélioration de l'écriture, du style et de la pensée dans leur ouvrage. Ça prendrait même de la consistance. Quelques fautes encore cependant : pourquoi cette carte de Mgr Duparc sans aucun rapport avec le sujet? C'est un essais de trait d'humour ?

Anonyme a dit…

Il n'est tout de même pas inconcevable que ce cellier ait servi de dépotoir à partir de 1935, après avoir été une tombe en 1923.

Breizh a dit…

Bonjour, si le témoignage Le Saout pousse à explorer la piste chaudière, les révélations des petits fils interpellent. C'est vrai que logiquement, suivant leur religion et leur culture les grands parents Seznec auraient pu, surtout si c'est un vrai accident, privilégier l'inhumation. L'évêque de Cayenne du temps du bagne avait été auparavant directeur séminaire de Pontcroix où Seznec a fait des études. Est-ce que par solidarité de condisciple, un vicaire ou un recteur bretonnant en rupture de ban avec l'église officielle n'aurait pas pu faciliter une inhumation en terre chrétienne dans un enclos paroissial discret ? Je crois à la thèse de la chaudière, à cause des témoignages des Morlaisiens. Mais où est la vérité ?

Unknown a dit…

Bonjour Marc, bonjour Skeptikos !
Le "Adolfo Ramirez/Jugnot" de l'affaire Seznec n'a plus rien à nous dire...
Si toutefois, il a eu un jour quelque chose à nous dire.
Alors, il a lu chez Skeptikos (il est très renseigné par la Mata Hari de l'affaire) que je faisais des recherches plus approfondies sur Mgr Duparc pour l'un des petits-fils....
Mais pourquoi me croire brusquement puisque, d'après lui, je ne suis pas en relation avec les dits petits-fils ?
Mais parce que, après ses fouilles ridicules, il n'a plus aucuns biscuits en stock, à part les scories du Godin des Seznec.

Thierry Lefebvre a dit…

Plourin

Publications de mariage : Jean Berlivet, cultivateur à Saint-Martin-des-Champs, et Renée Abgrall, cultivatrice à Parc-au-Duc

Le Petit-Breton 13 novembre 1932
Dépêche de Brest 7 novembre 1932

Pas trouvé de Berlivet dans le recensement de Saint-Martin-des-Champs 1911.

Breizh a dit…

"Be careful "!!!!!
Pour la dernière fois: croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer, je ne suis pas Mme Langlois.
Les blogs invitant aux commentaires tout le monde peut commenter le blog qui l'interpelle. Maintenant si on fait des chapelles, moi, je ne suis pas sectaire.
Pour le moment je pense qu'il faut explorer à fond l'hypothèse chaudière à cause du témoignage des Morlaisiens. Si d'autres ont la possibilité d'explorer la piste "enterrement" avec l'aide ou pas de l'église,ça vaut le coup. Avec la complicité d'Angèle Labigou, avec celle d'un condisciple de Seznec à Pont Croix, ou autre...

Thierry Lefebvre a dit…

Saint-Martin-des-Champs

Publications de mariages : Rolland Berlivet, cultivateur à Bréventec, et Anna Coat à Heunter-Hent

Le Petit-Breton 16 mars 1930

Tables registres matricules : Rolland Berlivet n°2 au recrutement de Brest 1926 (donc né en 1906)

Peut-être le frère du Jean-Yves de la classe 1922 que vous avez trouvé ?

Marc Du Ryez a dit…

Bonjour à tous.

Bravo, Thierry. Je crois que vous avez trouvé les frères Berlivet de la ferme de Bréventec. Jean Berlivet époux de Renée Abgrall, Yves Berlivet époux de Renée Abgrall et Jean Yves Berlivet, matricule 112 de la classe 1922, ne sont probablement qu'une seule et même personne. Et Rolland est probablement le frère, puisqu'il n'y avait apparemment qu'une ferme au lieu de Bréventec.

Unknown a dit…

Petit rappel.
Le "témoignage chaudière" a été développé longuement (bien trop longuement) dans le bouquin de Vilain.
Juste après qu'il nous ait affirmé que Quémeneur était enterré à La Ferrière-Bochard (Orne).
Chapitre 6. Pages 108/119.
Et ce témoignage, tout le monde s'en fout.
C'est la jalousie des voisins de Seznec.
Une jalousie qui pue.
Parce que, comme l'écrit Rouz en page 130 "Les enquêtes de proximité n'ont pas eu lieu".
J'ai reproduit sur mon blog ce que Jean-Yves Seznec pensait de la crémation du corps de Pierre Quémeneur.
Et, pour moi, tout le reste n'est que littérature !

Thierry Lefebvre a dit…

Bravo à vous d'avoir démontré que les bouteilles retrouvées enfouies dans le cellier datent d'après 1935.

jm a dit…

Bonsoir Marc.

Il paraît en effet improbable que M. Berlivet ait produit des limonades à son nom avant la guerre, pour les raisons que vous évoquez.

Le nom de la limonade, "Star", laisse penser qu'elle a été nommée ainsi après la Libération, un nom anglais aurait pu sonner d'une façon étrange quand Morlaix était à l'heure allemande.

Marc Du Ryez a dit…

Bonsoir, JM. Exactement.

jm a dit…

Je ne sais pas si vous avez vu, sur le "Blog de la Krémation", l'intéressante photographie représentant la clé de cadillac et l'autre clé, quelque peu amochée. Le fait que cette clé brûlée soit plusieurs dizaines de centimètres au-dessus des scories n'arrête pas l'imagination enfiévrée des chevaliers de la pelleteuse : puisqu'il y a une clé, elle est forcément de cadillac...

Le scénario peut ainsi se compléter : Quéméner avait dans sa poche une clé de cadillac, c'est en tombant sur elle qu'il s'est tué en se cassant notamment une dent. Son corps a été incinéré (le corps de Quéméner, pas celui de la clé). Les scories du corps en question ont été répandues sur l'ardoise puis couvertes de terre juste au moment où Petit-Guillaume était là. La clé, quant à elle, a été purifiée par le feu plusieurs jours, car elle est en métal, figurez-vous. Elle a, alors, été jetée sur la terre. A son retour du bagne, Seznec est venu nuitamment honorer le défunt par des libations de limonade et de bière, puis il a recouvert le tout.

Le seul regret qu'on peut avoir est que les Morlaisiens de cette époque n'aient pas eu des hauts-fourneaux à domicile (il est vrai qu'ils étaient, ce que j'ignorais, abondamment pourvus de fabriques de limonades, de brasseries IPA avant l'heure et de verreries pour produire les bouteilles ad hoc).

Marc Du Ryez a dit…

Merci pour le fou rire, JM. Un scénario qui me convainc. Qui explique tout, en tout cas.

Vous aurez admiré au passage la similarité de courbure entre les clés. La clé de Cadillac ressemble à peu près autant à la clé du cellier qu'aux clés Renault horizontales postées par Skeptikos en tête de son dernier article.

Celle-ci n'est pas mal non plus : http://soclage-verspuy.fr/objet-du-mois-la-cle-plate-courbee/