Mercredi 2 mai 2018

LA DEMANDE DE CRÉDIT DE CENT MILLE FRANCS

 Sur ma page consacrée au 22 mai 1923, j'avais résumé ainsi une partie de cette journée :

 Dans la matinée, Pouliquen reçoit de Brest un appel téléphonique de Pierre Quéméner, qui lui demande de lui avancer 100.000 à 150.000 francs pour quelques jours. Pouliquen lui répond qu'il ne peut disposer que de 50.000 francs. Quéméner lui dit alors qu'il verra avec son banquier.
 Vers 11 heures 20, Quéméner se rend au siège de la Société Bretonne de Crédit et de Dépôts et demande à Gabriel Saleun, fondé de pouvoir, une avance de 100.000 francs. Saleun lui dit qu'il va en parler au directeur, M. Dreyer.
 Vers 11 heures 30, Jean Vérant, notaire à Morlaix, croise Seznec au bas de la rue de Siam. Seznec lui dit qu'il vient d'acheter une propriété avec ses dollars.
 Vers 11 heures 50, Saleun retrouve Quéméner à la terrasse de l'Hôtel des Voyageurs, rue de Siam, et lui dit que sa demande est refusée.
 Vers midi, Seznec retrouve Quéméner à l'Hôtel des Voyageurs, où ils déjeunent. Ils se quittent à nouveau vers 13 heures 30.
 Vers 13 heures 45, Quéméner retourne à la banque et demande une avance de 10.000 francs, qui lui est cette fois accordée.

 J'avais pour cela essayé de concilier les différents récits trouvés ici et là. Ces résumés ne sont que des indications générales et sont susceptibles d'être mis à jour en fonction des informations que je découvre.
 La teneur de la conversation entre Guillaume Seznec et Jean Vérant est bien entendu fort suspecte, et même leur rencontre ce jour-là peut être mise en doute, mais on peut l'insérer sans peine dans la chronologie.
 Il y avait par contre une difficulté par la suite : Seznec disait avoir retrouvé Pierre Quéméner à 11 heures 40 pour l'apéritif, mais apparemment Gabriel Saleun et Seznec ne s'étaient pas vus. J'avais donc repoussé le retour de Seznec à l'Hôtel des Voyageurs jusqu'à midi.
 Pour l'arrivée de Saleun à la terrasse de cet hôtel, une scène qui me semblait très improbable, je m'étais appuyé sur un paragraphe du livre Pour en finir avec l'affaire Seznec de Denis Langlois :

 Et effectivement, une demi-heure plus tard, il rejoint Quémeneur à la terrasse de l'Hôtel des Voyageurs. Seznec n'est pas présent, du moins Saleun ne le remarque pas. La réponse du directeur est négative. Quémeneur est déçu, mais il dit : « Je viens de téléphoner à un parent, je suis déjà assuré d'avoir plus de 50 000 francs, j'arriverai à trouver la somme. »

 Il faut dire que, quand on utilise les mêmes guillemets pour citer des documents du dossier et pour des dialogues recréés, destinés à maintenir l'intérêt du lecteur, on ne sait plus trop quand on passe de l'enquête au roman et inversement.
 Cette rencontre à la terrasse a-t-elle eu lieu ? Quelle est la source ?
 En tout cas, elle n'avait pas lieu d'être. Parce que la demande de crédit de Quéméner n'a jamais été refusée. Ou plutôt si : par lui-même.
 On l'apprend en lisant l'article de La Presse du 28 juin 1923, dans lequel Saleun, par l'intermédiaire de ce journal, tient à rectifier des affirmations de Seznec parues les jours précédents :

 « C'est le mardi matin que M. Quémeneur vint me trouver, m'a déclaré M. Saleun. Il voulait des fonds pour le jeudi 24 mai. Contrairement à ce que M. Sezenec affirme, nous ne les lui avons pas refusés. En effet, la demande d'ouverture de crédit de M. Quémeneur devait être soumise au conseil d'administration qui aurait décidé, le lendemain 23 mai ; or le même 22 mai, à 1 h. 30 de l'après-midi, M. Quémeneur vint à nouveau me trouver à la banque pour m'informer qu'il n'avait plus besoin de ce crédit. Il me déclara qu'il avait téléphoné à un parent qui lui avancerait les fonds. »

 Quéméner n'est donc pas venu quémander 10.000 malheureux francs l'après-midi après s'être fait éconduire pour une plus grosse somme un peu plus tôt. Il a tout simplement annulé sa demande de crédit. Cela signifie qu'il s'était assuré les fonds nécessaires. Son budget était bouclé. Il ne lui manquait que 10.000 francs et ce fut une affaire de quelques minutes. Saleun essaya de dissuader Quéméner de se lancer dans cette affaire d'automobiles, mais ce n'était plus possible.

24 commentaires:

Breizh a dit…

Cher Monsieur,
Votre reconstitution me trotte dans la tête.
Bien trouvé cet article de La Presse.
Alors récapitulons :
Quemener cherche 100000fr..Son beau frère Pouliquen lui en propose 60 000, la banque lui en prête 10 000 et le compte y est. Parce qu'entre temps Seznec lui a donné, ou promis la différence. Qui est ramenée à 30 000 fr.
Et ça, ça rejoint la synthèse que je fais du mobile.
Les Seznec sont aux abois. L'incarcération de Seznec entraîne le dépôt de bilan. Mais même si le solde est positif les dettes sont nombreuses. Ce montage du projet de vente des Cadillac est un peu le plan de la dernier chance. Que les dollars aient été investis dans Traou Nez plutôt que dans la scierie peut-être. Pour un nouveau départ avec les bois à exploiter. Mais voilà que la première Cadillac n'est pas à la hauteur. Quemener a encore dans les oreilles les mises en garde de Pouliquen le 21 au soir. Les mises en garde de Legrand, le 22 au matin. Quelque chose me dit que sur la route de Paris Quemener s'est rendu compte que les Seznec ne sont pas solvables et qu'il est revenu à Morlaix pour résilier la promesse de vente. Et que ça s'est mal passé avec Marie-Jeanne. Je sais que le bureau de Marie Jeanne donnait sur la salle à manger. Je crois plus à un différend financier qu'à une histoire d'amour.

Marc Du Ryez a dit…

Bonjour, Breizh. Il y a aussi le 22 mai les mises en garde de Saleun, qui est son ami et l'a déjà sorti de sales affaires, mais constate qu'il n'y a rien à faire pour le dissuader de se lancer dans celle-ci. Et Legrand, c'était le 23 au soir. Il ne semble pas que Quéméner ait parlé à Legrand le 22 au matin. Il est resté dans sa voiture en attendant Seznec, et il n'a sûrement salué Legrand que de loin.

Après avoir écrit ce billet, j'en ai commencé un autre sur le financement. Je le terminerai sûrement aujourd'hui.

jm a dit…

Cher Marc,

J'arrive exactement à la même conclusion que vous, conclusion qui a le mérite de la simplicité et de la logique quant au comportement de tous les acteurs (et qui cadre grosso modo avec les discours de Seznec, aux dollars près, ce qui devrait la rendre difficilement attaquable).

Pour résumer, Quéméneur, arrivé à Brest tôt dans la matinée doit mobiliser 80000 francs. Il a sans doute de l'ordre de 10000 francs disponibles (les 6000 retirés et probablement un peu d'argent d'avance).
De façon tout à fait logique, il met deux fers au feu : demander à sa famille (et à l'élément le plus "liquide" de celle-ci, Me Pouliquen, les autres ont des biens mais immobiliers) ; demander à sa banque une sorte de prêt (et non un décaissement de ses valeurs). De façon tout aussi logique, Me Pouliquen indique ce qu'il peut faire (60000 francs) et ne manque pas de dire que cela le met tout de même un peu dans l'embarras. Quéméneur lui indique alors qu'il n'en aura peut-être pas besoin et contacte son "chargé de clientèle", pardonnez l'anachronisme.
Le chargé de clientèle l'interroge sur l'entreprise prévue et la trouve étrange, il essaie de dissuader Quéméneur et doit de toute façon en référer à sa hiérarchie, ce qui serait aussi le cas actuellement. Cela prend un peu de temps.
Quéméneur, dès lors, revient à la première solution, la solution Pouliquen, et repasse à la banque pour cette fois prendre la somme résiduelle (10000 francs) sur ses fonds propres.

Maintenant, quelques remarques :

- ce déroulé met à mal le discours de Seznec sur les dollars. Si Quéméneur se retrouve muni, vers midi, de l'équivalent de 60000 francs, il n'a plus besoin du prêt Pouliquen pour atteindre les 80000 francs, les dollars étant en plus directement liquides ;

- quelque chose s'est passé ce matin-là, avant que Quéméneur ne passe son premier appel à Me Pouliquen. En effet, la veille, ils sont ensemble et il n'est pas question de ces sommes. Seznec vient le prendre, ils discutent et il a tout de suite besoin d'argent. Le seul élément qui fait changer la situation, c'est l'intervention de Seznec. Qu'est-ce que Seznec lui a dit ou qu'est-ce que Seznec lui a montré (une lettre plus ou moins en anglais ou avec un tampon), on ne le saura pas.

Je n'évoque même pas les théories du type BPC ou apparition matutinale de M. des Horts : pour la BPC, la somme est de 100000 francs. Sans l'argent Seznec, Quéméneur n'a pas assez (80000 francs), avec l'argent Seznec, il a trop (140000 francs). Qi vous voulez, je pourrais vous donner d'autres éléments sur la BPC.

Marc Du Ryez a dit…

Bonjour, JM. La BPC est un investissement qui ne rapporte rien immédiatement, alors que les Cadillac, c'est la fortune en un ou deux mois. Quéméner donne donc la priorité aux Cadillac. Et c'est pareil pour Seznec : s'il veut Traou-Nez, il doit commencer par les Cadillac, car mettre toutes ses prétendues économies dans un dessous de table pour l'achat d'une propriété (dont il ne sera définitivement propriétaire qu'après le versement de 35.000 francs le 30 septembre) alors qu'il est en procès un peu partout et est menacé de saisie, ça n'est pas bien malin. Ils doivent tous les deux attendre au moins un mois avant d'investir dans le long terme. Et à nouveau : le chèque de Pouliquen n'est qu'un prêt pour quelques jours, impossible de le mettre dans la BPC.

jm a dit…

Exactement. Si vous ouvrez à un moment un fil sur la BPC, j'essaierai de fournir des éléments complémentaires.

Breizh a dit…

JM, vous nous dites que vous pourriez apporter des informations sur la BPC. Ce serait très utile. Guy Penaud, Denis Langlois, Denis Le Her Seznec évoquent cette BPC. Skeptikos a creusé cette question. Que les dollars de Marie Jeanne aient fini leur course dans les coffres de la BPC ne fait plus guère de doute...

Marc Du Ryez a dit…

Bonjour, madame Breizh. Je crois qu'il y a quand même un petit doute.

Breizh a dit…

Votre doute c'est que Quéméner aurait dû rendre les 60000fr à Pouliquen, mais Seznec devait verser le solde de l'achat de Traou Nez en septembre.

jm a dit…

Bonsoir Madame et bonsoir Marc.

Je n'aurai pas l'imprudence de trop faire dévier ce fil, Marc essaie d'ordonner les débats. S'il décide d'ouvrir un débat ou un fil consacré à la BPC, je ferai part de quelques faits et des conclusions que j'en tire, libre à chacun ensuite de dire si cela est probant ou farfelu. Toute thèse est admissible dès l'instant où on peut en débattre de façon apaisée, argumentée et ordonnée.

Sachez simplement que je ne crois pas que les dollars -si dollars il y a, je ne pense pas que des dollars soient partis pour Paris - aient fini dans les coffres de la BPC.

C'est une opinion, mais non une certitude, j'en conviens aisément.

Marc Du Ryez a dit…

Bonsoir, JM. Ce n'est pas complètement hors sujet, puisque je parlais ici de la demande de crédit de 100.000 francs, donc vous pouvez nous exposer votre théorie maintenant.

jm a dit…

Cela va être un peu long, donc je vais résumer, quitte à déveloper plus tard.

Le fait que Quéméner soit dépouillé de ses dollars par la BPC suppose plusieurs choses, notamment :

1) Qu’il ait un rendez-vous urgent avec les personnes de la BPC le 26 au matin ;
2) Qu’il ait des dollars sur lui ;
3) Que la somme en sa possession dépasse les 100000 francs ;
4) Que le mode opératoire des escrocs soit compatible avec ce qu'on sait de Vaquié.

1) Il ne parle de cela à personne, alors qu’il est fort loquace. Tout, dans son attitude, montre qu’il est intéressé par l’affaire des cadillacs, on ne voit pas pourquoi il cacherait cela, la BPC a pignon sur rue.
D’autre part, je ne pense pas qu’il ait un rendez-vous décisif tôt le matin du 26, on ne connait ce rendez-vous que par les dires de Seznec.
Or, force est de constater qu’il n’est pas très pressé de rassembler les fonds : il dit à Brest qu’il en a besoin le 24 et il ne donne plus tard à Me Pouliquen son adresse parisienne que le 24 au soir. Il me semble très douteux qu’il attende toute la somme pour le 26, je penche en fait pour des affaires qui devraient se dénouer le lundi 28, avec sans doute des discussions le samedi 26, Quéméner est un homme qui a l’habitude, je le vois mal ne pas discuter avant de s’engager.
Si Quéméner avait été pressé, il serait alle d’un coup de voiture à Pont l’Abbé récupérer les fonds et il serait parti de Quimper.
D’autre part, s’il était arrivé vivant à Paris, dans la nuit du 25 au 26 , il serait allé à la poste le matin. Or, le seul postier qui s’est vu demander du courrier par deux fois au nom de Quéméner est M. Bégué. Que ce soit le 26 ou le 2, peu importe : M. Bégué travaille les après-midi, de midi à sept heures piour être précis.
Nous avons donc, pour ce point 1, un Quéméner qui ne parle à personne de cette affaire, qui semble survolté par la question des cadillacs et qui n’est pas du tut pressé, à deux ou trois jours près, d’avoir les fonds.

Marc, si vous estimez que mes divagations ont de l’intérêt, je vous ferai part de la suite.

Marc Du Ryez a dit…

Je suis d'accord avec vous jusqu'ici. En passant, j'apprends par vous que Bégué commence à travailler à midi, alors que Hervé, je crois, dit que l'inconnu s'est présenté à 10 et à 14 heures. Encore un délire de Hervé ? Mais c'est une parenthèse. Vous pouvez continuer.

jm a dit…

C'est un délire de Hervé, repris par tout le monde ensuite. Notez que quand Me Pouliquen se rend à la poste, il rencontre le collègue de Béqué, qui lui dit que son collègue (Béqué) sera là l'après-midi.

Je recopierai, si vous le souhaitez, la déposition Béqué. Je précise que tout mon raisonnement est de l'ordre de la théorie. Voici le point 2.

Qu’il ait des dollars sur lui.
Les témoignages (sa bonne, sa soeur) ont montré que Quéméner ne pouvait, au retour de Brest, être porteur de tous ces dollars-or (six kilos, ça ne passe pas inaperçu, il a les mains vides et pas de pardessus). Le témoignage de Legrand montre que Seznec aurait vendu ses dollars, ou plutôt que Quéméner est affirmatif sur ce thème, et, si Seznec a des dollars, c’est crédible.
Si on se place dans l’hypothèse où Seznec avait cet or, on ne voit pas pourquoi il ne l’aurait pas vendu à Brest, alors qu’il était allé à Brest pour cela. Si on considère que les dollars ne sont pas complètement inventés, on peut penser que Seznec en avait assez peu, l’équivalent peut-être de 10000 ou 20000 francs, ce n’est pas inconcevable, cela correspond à ce qu’il dit avoir au retour de Paris et cela correspond à ce dont à réellement besoin Quéméner.
A qui les dollars auraient-ils été vendus ? c’est un mystère, c’est vrai. Je pense que ce serait à quelqu’un, non déterminé, qui aurait en quelque sorte à blanchir de l’argent et qui aurait besoin de valeurs protégées de l’inflation : c’est le seul intérêt des dollars-or. Dans cette hypothèse, la personne n’a pas intérêt à en parler ensuite et Seznec encore moins car cela ruine son discours.
Dès lors, mis à part à croire aveuglémet les dires  de Seznec, on voit mal Quéméner être porteur de pièces de monnaie. Quéméner ne va pas voyager avec cet or lourd  et encombrant, il l’aurait changé à Morlaix ou même à Brest, aussitôt l’achat fait. A Rennes, quand ils vont au café concert, à Houdan, quand la voiture est garée dehors, ou à Dreux, quand ils vont prendre l’apéritif, où serait l’or ? dans la voiture ? non, si argent il y a, il est en billets, dans le portefeuille, et il y en a beaucoup moins que Seznec ne le dit.

jm a dit…

Pour information, tiré de "L'Affaire Seznec", p 60 :

Déposition de Bégué Albert, âgé de trente ans, commis des postes (...) :

C’est bien moi qui ai reçu au guichet de la poste restante la personne qui est venue me demander s’il y avait de la correspondance pour Monsieur Quéméner. Sur ma réponse négative, cette personne a ajouté « Et en recommandé ? ». J’ai fait remarquer que s’il y avait un objet recommandé ou chargé il y aurait une fiche dans la case correspondante au destinataire. Cela se passait le samdei 2 juin dans le courant de l’après-midi. Je ne saurais préciser l’heure, j’étais de service de 12 h à 19h. Le même jour et deux heures après environ la même personne s’est représentée à à fait la même demande. Je lui ai répondu qu’il n’y avait rien d’arrivé ».

jm a dit…

3) Que la somme en sa possession dépasse les 100000 francs.

Cet argument est faible, j’en conviens, mais il met à jour une possible incohérence.
C’est en effet ce que demande la BPC dans son annonce, et ça correspond bien à ce qu’on voit dans ses escroqueries (vente d’actions pour poste d’administrateur, actions se retrouvant in fine sans valeur, voir la plainte avec partie civile des actionnaires et administrateurs contre Vacquié).

Or, à supposer que Seznec ne mente pas, Quéméner n’a pas assez d’argent le 26 (moins de 80000 francs) et en aurait trop le 28 (140000 francs). On voit mal pourquoi il n’aurait pas la somme exacte.
Votre calcul montre en revanche de façon convaincante comment ces sommes sont adaptées à l’affaire des cadillacs, qui est plus souple.

Marc Du Ryez a dit…

Je suis d'accord également avec cette partie. Mais n'oublions pas que Seznec a pris le train de Morlaix à Landerneau avec ses dollars, puis s'est rendu à Brest dans la voiture de Quéméner. Il devait les transporter d'une façon ou d'une autre, et s'il y en avait autant qu'il le dit, ça ne devait pas être commode, sans compter les risques.

600 dollars or (9000 francs), ça fait déjà 1 kg (16,7 g pour un eagle et 33,4 g pour un double eagle). Il semblerait que Seznec ait stupidement décrit ses 600 dollars en prétendant qu'il y en avait près de sept fois plus.

Marc Du Ryez a dit…

S'il avait une centaine de pièces, disons 30 double eagles et 70 eagles, ça faisait 1300 dollars (19.500 francs) et plus de 2 kg. Ça me semble être le maximum.

jm a dit…

4) Le mode opératoire de Vacquié.

C’est de créer une affaire réelle et d’avoir recours au principe de Ponzi : on attire les gens, ça marche quelques temps et ensuite cela s’effondre. C’est classique et peu risqué, en France.

Dans la pratique, on agit avec peu de complices, très professionnels. On recrute des personnes de bonne stature, qui donnent confiance (type des Horts, fils de famille, type Quéméneur, élu local proche du terroir). Au passage, on les ponctionne par achat d’actions, mais cela est accessoire car ce ne sont pas les cibles.
Une fois la confiance établie (beaux et vastes locaux à Paris comme décrits par la presse, agences locales, dirigeants de bon aloi) on fait appel à l’épargne et on échange des valeurs d’État contre des obligations de sociétés qu’on a créées et qui ne peuvent rembourses.

Ensuite, on plie boutique et on empoche les sommes versées par les gogos grugés.
C’est une escroquerie simple, où toutes les écritures sont parfaites. D’ailleurs, quand Vacquié est inculpé, il sort très vite de prison car il s’est bien gardé de commettre des faux.
En 1923, la BPC est en phase préliminaire de chasse au gogo. Elle recrute les personnes inspirant confiance. C’est à l’automne 23 et au printemps 24 que la chasse est ouverte, et elle sera fructueuse, au moins 3 millions de francs sur les seules valeurs d’État. Quelques semaines avant la faillite, les actionnaires touchent encore de copieux dividendes, ils sont dans le rêve dont ils vont brusquement se réveiller. C’est encore un classique de Ponzi.

Arnaquer Quéméner, ou ne pas tout faire dans les règles, par exemple en acceptant des sommes énormes en liquide, mettrait la puce à l’oreille de l’appeau, si je puis dire. Si on le fait rentrer comme actionnaire, c’est avec un chèque, devant notaire et contre remise d’actions nominatives sans valeur.

Un Quéméneur en campagne peut ramener des centaines de milliers de francs, un Quéméner grugé peut faire une horrible contre-publicité.

Pour finir sur ce point, il est inconcevable que la BPC n’ait pas remis de reçu : où serait-il passé ?
Et, surtout, Vacquié, qui est un escroc, ne peut courir le risque de se voir mis en cause dans la disparition de Quéméner : il devient le dernier témoin. Supposons que quelque chose fasse surface, un papier que Quéméner aurait laissé chez lui. Vacquié est cuit, ce n’est pas forcément la guillotine, c’est sûrement le bagne. Un escroc est froid, il calcule les risques. Je pense que si Vacquié avait empoché les dollars Seznec il l’aurait dit dès l’ouverture de l’enquête.

Bien sûr, tout cela, ce n’est que des suppositions, avec des points faibles. Il n’en demeure pas moins que la thèse contraire présente bien des invraisemblances.

Marc Du Ryez a dit…

Je répondais à la deuxième partie.

Marc Du Ryez a dit…

Nous sommes d'accord sur le reste. La BPC, ça me semble impossible à ce moment-là. C'était un projet. Pourquoi irait-il raconter une histoire à dormir debout à Legrand, avec des Cadillac vendues aux soviets, alors qu'il veut simplement entrer au capital d'une banque qui a pignon sur rue ? Tout ça ne tient pas, je crois.

jm a dit…

Je suis entièrement d'accord. Seznec vient en train, les 6 kilos semblent très exagérés. La somme que vous citez correspond à peu près à ce qu'il faut pour le financement de l'opération cadillacs.

Une autre chose : on sait que ces messieurs déjeunèrent dans un restaurant où ils étaient connus,et qu'ils prirent l'apéritif en terrasse. Personne ne vit sur le moment la caissette, pourtant grande.

Enfin, quand ils essayèrent la cadillac Le Verge, où était la cassette ? avec eux et Le Verge, qui n'a rien vu ? dans la Panhard ? 60000 francs équivalents à 180000 euros en pouvoir d'achat dans une voiture de ce type laissée dans la rue ?

jm a dit…

Cher Marc,

J'agis dans cette affaire en simple citoyen qui essaie de comprendre, sans parti pris. J'ai rédigé cette théorie, mais rien ne dit qu'elle soit vraie, je n'ai pas la science infuse, vraisemblable ne veut pas dire vrai. Chacun peut contredire cet exposé, évidemment, et je suis prêt à répondre à toute question sur les faits et à reconnaître toute erreur d'interprétation que j'aurais pu commettre.

Marc Du Ryez a dit…

J'étais principalement occupé à écrire mon dernier billet (presque toutes les recherches ont été faites hier, par contre). Je viens seulement de lire vos derniers commentaires à partir du quatrième point. Oui, je ne crois pas que la BPC ait un quelconque rapport avec notre affaire. On peut la placer dans un scénario, mais ça me semble artificiel, parce qu'elle ne s'impose pas.

J'ai supprimé les petites plaisanteries en commentaires à mon dernier billet, mais je les ai lues et elles m'ont fait sourire.

Breizh a dit…

Bonjour J-M, je suis dans le même état d'esprit que vous ,je suis une simple citoyenne, ni journaliste, ni prof d'histoire , ni archiviste, donc je ne peux pas faire les mêmes recherches que ceux qui le sont. Mais je lis ce que tout le monde écrit parce que je ne suis pas sectaire.
Je suis d'accord avec vous , les dollars gagnés à Brest ont sûrement été vendus à Brest. Pour le transport je suppose qu'un homme d'affaires comme Seznec avait un bagage adéquat pour le transport de documents ou de pièces de mécanique qui ne se remarquait pas. Si les dollars ont atterri dans les coffres de la BPC, ce serait sous forme de billets. Sinon , il ne reste qu'une solution , le coffre de Ker Abri d'où ils se seraient envolés, la veille d'une certaine perquisition en ce lieu.
Pour la BPC, je n'ai fait aucune recherche personnelle mais cela me semble plausible de ce que j'ai lu à différents endroits. En plus elle se trouve 150 rue du Maine, pas rue de l'asile Popincourt ou de la rue Taitbout...
Arrangez vous entre spécialistes: je ne peux pas mieux vous éclairer!