SACRÉ ACHERMAN !
Je vais continuer à l'appeler Ernest Acherman, car c'est le nom qu'il porte lors de sa naturalisation en 1920, ainsi que lors de son mariage avec Marie Quimerc'h, quand son année de naissance semble correcte et qu'il signe clairement « Ernest C. Acherman ». Lors du mariage précédent, il peut avoir présenté de faux papiers.
Puisqu'il est devenu citoyen américain, c'est le nom qui figure sur son passeport américain qui prime, normalement. Cela dit, il serait intéressant de consulter son acte de naissance en Suisse, mais je n'ai pas cette possibilité pour l'instant.
Dans mon billet précédent, je vous avais parlé des témoins de son mariage avec Marie Quimerc'h en 1932, car l'anecdote semblait révéler qu'il n'avait pas beaucoup d'amis à Paris (il s'agissait de sa concierge et du cafetier d'en face), mais j'avais négligé de m'intéresser aux témoins de son mariage avec Julienne Vorillion en 1920, et je n'avais pas prêté attention aux signatures, qui étaient éloignées de cet acte et figuraient juste au-dessus de l'acte suivant.
Quelle surprise en y retournant ! Les témoins de ce mariage en 1920 étaient deux femmes : Yvonne Dufaux, sans profession, 16 cité industrielle (dans le onzième arrondissement, à 600 mètres à pied de chez Acherman) et... Marie Quimerc'h, bobineuse, 216 rue Saint-Jacques (dans le cinquième arrondissement).
Je disais à propos d'elle il y a deux jours : « Il n'est donc pas interdit de penser qu'il l'a connue avant Julienne Vorillion. » En tout cas, il l'a connue au plus tard le jour de son mariage de 1920, douze ans avant de l'épouser. Car il s'agit certainement de la même personne (il ne devait pas y avoir beaucoup de petites ouvrières de ce nom dans l'entourage d'Acherman). En 1918 et 1919, Acherman était à Brest, et Marie Quimerc'h y était probablement aussi. A-t-il demandé à sa maîtresse, qui avait presque 25 ans, d'être son témoin pour son mariage avec Julienne Vorrillion, mineure de 20 ans ? Acherman avait alors 43 ans.
On peut s'étonner de la distance entre le domicile du couple Acherman-Vorillion et celui de Marie Quimerc'h en 1920 (3 kilomètres et demi). Le 216 rue Saint-Jacques était depuis au moins la fin du dix-neuvième siècle un garni, c'est-à-dire un immeuble d'appartements meublés à loyer modéré. La plupart des gens humbles vivaient dans des garnis, et c'était le cas d'Acherman également. L'adresse de Marie Quimerc'h est assez surprenante, cependant : il s'agit du Quartier latin, mais son immeuble était peut-être proche de son lieu de travail.
Hier, j'ai ajouté sur la page du 27 juin 1923 tout ce que j'ai pu trouver de la déposition d'Acherman. Il s'agit de mon déchiffrage de la première page telle qu'elle apparaît (très difficilement lisible) sur le site de Denis Langlois, ainsi que les extraits cités par Bernez Rouz.
Acherman dit s'être installé à Paris courant mars 1920. Sa naturalisation américaine date du 30 mars 1920, cependant, alors qu'il réside officiellement en Californie. Il a pu obtenir cette naturalisation pour avoir servi dans l'armée américaine pendant plus d'un an et avoir été libéré avec de bons états de service. D'après Catherine Clausse, il avait résidé auparavant pendant huit années de façon continue en Californie, ce qui lui ouvrait également un droit à la naturalisation, s'il pouvait justifier d'une bonne moralité.
Le 10 avril 1920, il entre au Service des Tombes de l'armée américaine. Il épouse Julienne Vorillion le 6 novembre de la même année. Il se dit alors « entrepreneur ». Il semble donc avoir des activités parallèles.
En septembre ou octobre 1922, il avertit Guillaume Seznec de « quelques occasions intéressantes en voitures automobiles, au camp américain de Saint-Ouen à Paris ». Seznec arrive trop tard, lors de son unique visite chez Acherman à Paris, et l'affaire ne se fait pas. Acherman rend également visite une seule fois à Seznec à Morlaix.
Après la fin de son engagement avec l'armée américaine, Acherman est embauché fin décembre 1922 aux usines Renault, à Boulogne-Billancourt.
Vers février 1923, il est en discussions pour une affaire de vente d'automobiles Cadillac à des Américains (tiens, tiens) mais ça ne se fait pas (selon lui). En mai, il écrit à Seznec pour lui proposer une affaire de courses (bizarre, bizarre). Puis il reçoit un télégramme de Seznec le 9 juin pour lui demander s'il n'a pas vu Pierre Quéméner (comme c'est étrange)...
4 commentaires:
Cher Marc,
Ce Monsieur tient une assez bonne place dans l'opinion que j'ai de cette affaire et vos recherches montrent qu'il a en effet un côté trouble...
Entendons-nous : ce n'est pas un assassin, de mon point de vue, juste un escroc... le savoir bigame est très intéressant.
La bigamie est une affirmation de Catherine Clausse, mais il ne m'est pas possible de la démontrer à présent. C'est d'ailleurs très difficile à prouver, car ne pas trouver de mention de divorce ne signifie pas qu'il n'y a pas eu divorce.
J'ai pu constater, en tout cas, que les informations découvertes par Catherine Clausse semblent correctes, mais l'interprétation de ces informations est discutable. Par exemple, elle dit qu'Acherman s'est remarié "de suite" (une expression incorrecte, soit dit en passant) avec une Brestoise, alors qu'il s'est passé des années : Jeanne Vorillion est probablement partie au plus tard en 1924, au moment du jugement de séparation de corps concernant son futur second mari, le divorce a été prononcé en 1927 et Acherman s'est remarié en 1932. Ce n'est pas si rapide (Jeanne Vorillion, elle, s'est remariée au plus tôt après le divorce). Madame Clausse parle d'une Audonienne pour le mariage de 1920, alors que Julienne Vorillion est née à Vesoul. De plus, la phrase "Bigame, cela ne le dérangera pas pour convoler une seconde fois en noces" est bancale, car il ne pouvait pas être bigame avant de se marier une seconde fois. S'il avait été déjà bigame, ça aurait été un troisième mariage.
Par contre, je soupçonne fortement Acherman d'avoir eu Marie Quimerc'h pour maîtresse dès 1918 ou 1919 à Brest et d'avoir poursuivi sa relation avec elle à Paris. Cela pourrait être la cause de son divorce de 1927 à ses torts exclusifs. On ne sait même pas si la femme que Jean Pouliquen trouve chez lui le 12 juin 1923 est Julienne Vorillion ou Marie Quimerc'h. Si la première est partie dès 1923, elle peut avoir été remplacée rapidement chez Acherman par la seconde.
Cger Marc,
"on ne sait pas si la femme que Jean Pouliquen trouve chez lui le 12 juin 1923 est Julienne Vorillion ou Marie Quimerc'h."
C'est comme l'histoire de la virgule sur le blog de Liliane Langellier.
En lisant cela, vite, et tard, j'ai eu un instant un vertige : la femme ou la concubine d'Acherman serait allée à Pont l'Abbé...
Mais, non, je me rassure : "chez lui", c'est bien "chez Acherman".
Ouf...
Akain
Haha ! Bonjour, Alain. J'écris mes commentaires beaucoup plus vite que mes billets. J'aurais dû être plus clair, en effet. Une répétition est toujours préférable à une ambiguïté.
L'une de ces deux femmes s'est probablement rendue à Morlaix chez Seznec, par contre, et a reçu Seznec à Paris. Je pense qu'il s'agissait de Julienne, et que c'est elle qui a gaffé devant Pouliquen en parlant de Cadillac, alors qu'Acherman aurait sûrement nié cette affaire entièrement.
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